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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 31 mai 2016Lecture 6 min

Comment combiner les antithrombotiques chez les coronariens en FA ?

J. CHAPSAL, Paris


Le Printemps de la cardiologie
La coexistence d’une cardiopathie ischémique et d’une FA est fréquente et augmente avec le vieillissement. Le traitement proposé initialement après stenting est l’association d’antiagrégants plaquettaires et d’anticoagulants, et les recommandations de l’ESC proposent d’arrêter les AAP au bout d’un an. Avec le soutien de l’Alliance BMS/Pfizer, un board sur cette question hautement sensible s’est tenu au cours du Printemps de la cardiologie. Les représentants de diverses obédiences rassemblés par Yves Cottin et Denis Angoulvant (cardiologues interventionnels, médecins de CHU ou d’hôpitaux généraux, rythmologues, pharmacologues et cardiologues libéraux) ont pu échanger sur leurs pratiques et convictions.

Les experts ont proposé des schémas thérapeutiques pour le traitement initial des patients devant bénéficier d’une bithérapie antiagrégante en l’absence de critères de risque d’hémorragie comme le montre la figure. Chez les patients à risque accru de saignements, il est proposé (par l’EHRA) une dose d’apixaban quotidienne de 2,5 mg x 2. Dans l’étude ARISTOTLE, un sous-groupe de patients à risque augmenté de saignements recevait en effet cette posologie avec une efficacité et une sécurité comparables aux résultats obtenus dans la population globale de l’essai. Dans cette étude, 4,6 % des patients recevaient cette posologie réduite en raison d’au moins 2 des 3 facteurs suivants : âge > 80 ans, poids ≤ 60 kg et créatinine sérique ≥ 133 μmol. Chez les patients à risque accru de saignements devant recevoir un anticoagulant et une bithérapie antiagrégante, on peut proposer un traitement AVK avec un INR cible abaissé entre 2 et 2,5. Figure. Prise en charge durant la première année et après 1 an d’un patient sous AOD ayant bénéficié d’une angioplastie élective ou après un SCA (d’après les recommandations de l’European Heart Rhythm Association). Quel traitement antithrombotique à 1 an ?   Question clé à laquelle les recommandations de l’ESC apportent comme réponse l’arrêt pur et simple des AAP chez le coronarien stable en FA qu’il s’agisse du patient traité médicalement ou traité par stenting, après SCA ou non. Malgré une littérature abondante sur les traitements antithrombotiques chez ces malades, aucune étude randomisée spécifique n’est disponible, les patients étant généralement exclus mutuellement. L’analyse de la base nationale des données danoises rapportées par Lamberts et coll. montre que chez les patients en FA avec une maladie coronarienne stable, l’ajout de la thérapeutique antiplaquettaire ou AVK n’est pas associée à une réduction du risque d’événement coronaire ou thromboembolique alors que le risque de saignements augmente significativement. Les résultats des essais publiés avec les 4 anticoagulants directs ont montré une action comparable pour la prévention des AVC et des embolies systémiques à celle de la warfarine mais avec une réduction significative des hémorragies graves. Si dans ces essais certains recevaient de l’aspirine, il n’est pas fait mention de leur indication et de la durée du traitement.   Le risque hémorragique   On sait qu’il est largement majoré lors de la trithérapie comme l’avait montré l’étude WOEST, ce que confirment les données du registre danois : le risque de saignements est même supérieur avec l’association AVK/clopidogrel par rapport à AVK + aspirine. La durée de la trithérapie doit être la plus courte possible. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de données sur l’association anticoagulants/ antiagrégant plaquettaire de dernière génération (prasugrel ou ticagrelor) mais des essais sont en cours : • RE-DUAL PCI : évaluation de 2 doses de dabigatran avec du clopidogrel ou du ticagrelor et d’une trithérapie avec warfarine, aspirine et clopidogrel ou ticagrelor. • AUGUSTUS : tous les patients recevront un inhibiteur P2Y12 et seront randomisés selon un mode doublement factoriel entre apixaban ou AVK, avec ou sans aspirine. • EVOLVE-AF-PCI avec l’edoxaban. Le risque hémorragique ne fait qu’augmenter au fil du temps ce qui a conduit à recommander l’arrêt à 1 an du traitement antiagrégant plaquettaire chez le coronarien devant recevoir des anticoagulants en raison d’une FA. Cette réponse générale est-elle adaptée à tous les patients ? Si la modélisation du risque hémorragique est accessible (score HEMMORAGE) celle du risque thromboembolique robuste (score CHADS-VASc), il est beaucoup plus délicat d’évaluer le risque ischémique car on manque d’outils (score SYNTAX) et les essais cliniques n’ont pas fourni de données angiographiques. Un tour de table des participants a montré des avis divergents, celui des partisans de la poursuite du traitement AAP bien au-delà d’un an chez le coronarien qui va bien et celui de ceux qui se réfugient derrière les recommandations et arrêtent de façon disciplinée les antiagrégants plaquettaires au bout d’un an pour maintenir l’anticoagulant seul.  Mais comme toujours dans la pratique, les décisions sont à prendre au coup par coup : si par exemple il sera facile d’arrêter le traitement AAP chez un patient monotronculaire stenté avec succès et qui va bien, il sera aisé également de maintenir un traitement AAP chez un patient ayant plusieurs stents ou des stents de 1re génération ou avec antécédents de thrombose de stent ou avec stenting du tronc commun et lésions diffuses et calcifiées (qui oserait arrêter l’aspirine chez ce patient qui supporte bien son traitement ?). Entre les deux décisions, il existe une large zone grise où chaque médecin prendra sa décision. La perception du risque n’est pas la même pour tous les praticiens : le médecin traitant, le cardiologue de ville ou le gastro - entérologue prendront en compte davantage le risque hémorragique alors que l’angioplasticien se focalisera sur le bénéfice des AAP. Il est souhaitable que le patient puisse participer à cette décision de poursuivre ou non son traitement selon la balance bénéfice/risque explicitée par son cardiologue.   En pratique    Si l’association d’AAP et de traitement anticoagulant la première année après angioplastie est largement acceptée, la trithérapie doit être la plus courte possible. Cette table ronde a permis de démontrer que le choix de l’arrêt des antiagrégants plaquettaires et la poursuite des AOD seuls au bout d’un an chez le coronarien en FA reste source de débats. Entre des situations cliniques où la décision de poursuivre ou d’arrêter le traitement apparaît simple, il existe une large zone grise où il est difficile de codifier l’attitude thérapeutique. On espère que les essais cliniques à venir apporteront des résultats pour réduire cette zone grise.   Primum non nocere • Les observatoires nous enseignent que la plupart des AOD figurent dans les prescriptions en majorité à la faible dose. • À ces valeurs, le bénéfice/risque se trouve davantage positionné vers la diminution du risque bien perceptible (hémorragie) que vers le bénéfice moins évident (thrombose, AVC) ce qui dans l’esprit du médecin relève plus de l’évolution de la maladie que de la qualité de l’acte thérapeutique. • Cette attitude de privilégier le minimum d’effets secondaires au détriment de l’optimisation de l’efficacité se rencontre dans bien des domaines. • Cette même prudence dans la prescription explique l’absence de titration progressive des patients en insuffisance cardiaque ou très rarement les doses optimales sont atteintes. • La baisse optimale du LDL es t également rarement atteinte en regard des cibles proposées pour une prévention correspondant aux recommandations. • La durée de la double antiagrégation plaquettaire risque de ne pas connaître un prolongement significatif vu les réticences des médecins au grand regret des cardiologues interventionnels. • Une vraie réflexion doit s’engager surtout dans un pays qui a inscrit le principe de précaution dans sa constitution. • Ce même principe de précaution rejoint peut être la frilosité de nos prescriptions et confère à notre pays parfois un caractère rétrograde dans ses comportements tel qu’on a pu en juger avec le retard pris dans la lecture du génome, dans la politique des OGM, dans le gaz de schiste…. (sans prendre position sur ces différents sujets). • Un comportement très français jugé à l’aune de bien d’autres pays, y compris européens, qui peut-être fait perdre une chance au patient, mais il est bien connu en France que la iatrogénie incombe au médecin alors que l’évolution naturelle de la maladie tient à la pathologie du patient. Mais ce dilemme risque d’impacter la responsabilité médico-légale. J. GAUTHIER Président du CNCF 

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