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Coronaires

Publié le 15 déc 2018Lecture 6 min

Peut-on optimiser la prise en charge de nos patients coronariens chroniques ?

Paul GUEDENEY, Johanne SILVAIN, Sorbonne Université, ACTION study group, UMRS 1166, Institut de cardiologie, GH Pitié-Salpêtrière, Paris

Les patients porteurs d’une maladie coronaire stable demeurent, malgré leur dénomination, à haut risque de complications cardiovasculaires. Ainsi, dans le registre international REACH de 28 472 porteurs d’une coronaropathie stable et suivi pendant 3 ans, près d’un tiers ont présenté un décès d’origine cardiovasculaire, un infarctus du myocarde (IDM), un accident vasculaire cérébral (AVC) ou une hospitalisation pour un autre événement vasculaire(1). Une optimisation de la prise en charge de ces patients est donc nécessaire et passe par un renforcement de la prévention de l’athérothrombose.

Cette optimisation doit comporter : – un strict contrôle lipidique, via l’emploi de statines, d’ézétimibe et pour certains patients, des inhibiteurs de proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9) ; – une action anti-inflammatoire chez les patients à haut risque présentant un syndrome inflammatoire biologique chronique ; – une intensification de l’action antithrombotique via l’emploi prolongé d’une double antiagrégation plaquettaire ou d’anticoagulation directe à faible dose. Enfin, une prise en charge optimale comprend également une simplification des prescriptions de ces patients chroniques en arrêtant les traitements dont les potentiels bénéfices s’estompent à distance d’un épisode de décompensation aigu. Ces différents axes sont résumés dans la figure. Figure. Récapitulatif des axes d’optimisation de la prise en charge des patients coronariens chroniques. ββ : bêtabloquant ; PCSK9 : proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 ; hsCRP : protein C-reactive de haute sensibilité ; LDL-C : low density lipoprotein-cholesterol Les inhibiteurs de PCSK9 améliorent le bilan lipidique et le pronostic des patients coronariens Un contrôle lipidique strict est un élément essentiel de la prévention secondaire de la maladie coronarienne, avec un objectif de LDL-cholestérol < 70 mg/dl. Cependant, malgré un traitement adéquat par statine, cet objectif de cholestérol n’est pas atteint par une proportion importante de patients. Les inhibiteurs de PCSK9 ont été développés spécifiquement pour ces patients. Deux grands essais randomisés ont évalué l’intérêt des inhibiteurs de PCSK9 chez les coronariens stables, avec respectivement, l’évolocumab dans l’étude FOURIER(2) et l’alirocumab dans l’étude ODYSSEY-Outcomes(3). Dans les deux études, l’emploi d’inhibiteurs de PCSK9, en plus d’un traitement bien conduit par statines à dose tolérée maximale a permis une réduction significative des événements ischémiques, et même, dans le cas l’alirocumab, d’une réduction de la mortalité toutes causes. La Haute Autorité de santé (HAS) a émis le 5 septembre 2018 un avis favorable au Repatha® (évolocumab), en association à un traitement hypolipémiant optimisé (au moins statine à dose maximale tolérée) chez les patients coronariens avec un LDL-C ≥ 70 mg/dl sous traitement bien conduits. Il ne fait pas de doute que la place du Praluent® (alirocumab) sera également rapidement reconnue par la HAS, devant les résultats favorables de l’étude ODYSSEY-Outcomes. L’inflammation : un nouveau facteur de risque cardiovasculaire à contrôler ? L’inflammation chronique est un mécanisme physiopathologique bien connu de l’athérosclérose, favorisant le développement et la rupture de la plaque athéromateuse. L’étude CANTOS a été cependant la première à démontrer qu’une modulation de cette inflammation pouvait entraîner une réduction du risque d’événements ischémiques(4). Dans cette étude, 10 061 patients avec antécédent d’IDM et un taux de protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP) ≥ 2 mg/l ont été randomisés à recevoir un traitement par canakinumab, un anticorps monoclonal d’interleukine 1 β, ou un placebo. Après 4 ans de suivi, le canakinumab était associé à une réduction des événements ischémiques, quoique sans réduction significative de la mortalité globale. Une analyse ad hoc a confirmé que l’amélioration du pronostic survenait principalement chez les patients obtenant une réduction marquée de l’inflammation, sous traitement, avec une hsCRP < 2 mg/l(5). Intensification du traitement antithrombotique, pour qui et comment ? Les grands essais randomisés évaluant la prescription prolongée d’une double antiagrégation plaquettaire (clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor) chez des patients coronariens stables ou récemment stentés, ont validé l’hypothèse qu’un traitement plus puissant que l’aspirine seule pouvait réduire les événements ischémiques. Les événements ischémiques ainsi évités par cette intensification du traitement antithrombotique sont surtout (2/3) des événements liés à une nouvelle rupture de plaque (nouvel IDM, nouvel AVC) et pour 1/3 à la diminution des thromboses de stents(6,7). Malgré ces résultats encourageants, cette stratégie est également associée à une majoration du risque d’hémorragies sévères et n’arrive pas à faire pencher la balance vers une réduction de la mortalité cardiovasculaire ou globale. Les deux grands essais supportant ces données sont les études DAPT et PEGASUS TIMI 54(7,8). Cette dernière a évalué l’association prolongée d’aspirine/ticagrelor (à la dose de 90 mg x 2/j ou 60 mg x 2/j) chez 21 162 patients à haut risque cardiovasculaire (antécédent d’IDM) avec 3 ans de suivi. Malgré des données ciblées sur les sous-groupes de population à très haut risque au sein de la population PEGASUS (définis par la présence simultanée d’une coronaropathie et artériopathie périphérique) avec la dose la mieux tolérée (ticagrelor 60 mg x 2/j) montrant une réduction de la mortalité cardiovasculaire, sans toutefois réduire significativement la mortalité globale(9), la HAS n’a pas autorisé le remboursement du ticagrelor 60 mg x 2/j dans cette indication qui n’est donc pas disponible en France. Nous nous retrouvons donc sur le marché français avec seulement la possibilité d’appliquer les résultats de l’étude DAPT, qui avait démontré que la prolongation de l’association aspirine/clopidogrel 75 mg ou aspirine/prasugrel 10 mg au-delà du 12e mois après implantation d’un stent actif permettait de réduire le risque de récidives ischémiques mais au prix d’un risque hémorragique majoré. Ainsi, la sélection d’une population à très haut risque cardiovasculaire, c’est-à-dire avec un risque résiduel d’événement ischémique élevé (AOMI concomitante, atteinte coronaire pluritronculaire, diabétique, etc.) et également à faible risque hémorragique (< 75 ans, absence d’antécédents hémorragiques et bonne tolérance des 12 premiers mois de bithérapie) semble cruciale pour cibler la population la plus à même de bénéficier de cette intensification. L’autre possibilité d’intensification du traitement antithrombotique repose sur l’addition d’un anticoagulant oral à faible dose en plus du traitement antiagrégant plaquettaire. Cette stratégie basée sur les résultats de l’étude ATLAS et récemment COMPASS repose sur l’emploi d’un anti-facteur Xa, le rivaroxaban, à faible dose (5 mg x 2), chez le patient coronarien, à distance ou non d’un épisode aigu(10,11). Particulièrement, l’étude COMPASS qui a randomisé 27 395 patients porteur d’une coronaropathie et/ou d’une artériopathie périphérique, a démontré que la monothérapie par rivaroxaban faible dose permettait d’obtenir une réduction significative de la mortalité globale, au prix cependant d’une augmentation du risque d’hémorragie sévère. Des résultats similaires ont été observé dans une analyse ad hoc limitée aux coronariens stables(12). Le 26 juillet 2018, l’Agence de santé européenne a reconnu l’indication du Xarelto™, à la dose de 2,5 mg x 2/j, en association à l’aspirine, pour la prévention des complications cardiovasculaires chez les patients porteurs d’une coronaropathie ou d’une artériopathie périphérique symptomatique, à haut risque d’événement ischémique. Bêtabloquants chez les coronariens stabilisés, peut-on arrêter le traitement ? Contrairement aux stratégies d’intensification du traitement visant l’athérothrombose, l’intérêt d’un traitement systématique prolongé par bêtabloquants dans les suites d’un IDM stabilisé, sans insuffisance cardiaque, à distance de l’épisode coronarien aigu est inconnu. Les dernières reco mandations européennes sur la prise en charge de l’IDM remettent en cause la durée optimale de ce traitement faute de preuve et d’essai randomisé à l’ère de la revascularisation coronaire(13). La prise en charge globale de la maladie coronaire a bénéficié d’avancées technologiques importantes dans les dernières décennies, permettant une réduction importante de la mortalité. En conséquence, de plus en plus de patients deviennent porteurs chroniques d’une coronaropathie stabilisée. Réduire les médications dont les bénéfices ne sont plus démontrés permettrait d’améliorer la qualité de vie tout en réduisant les coûts de santé publique. L’étude ABYSS (Assessment of Beta blocker interruption after uncomplicated mYocardial infarction on Safety and Symptomatic cardiac events requiring hospitalization - NCT03498066) vise à démontrer la non-infériorité de l’arrêt des bêtabloquants à plus de 6 mois d’un infarctus du myocarde, chez des patients stabilisés, sans insuffisance cardiaque. Un total de 3 700 patients seront randomisés, soit vers un arrêt, soit une poursuite du traitement par bêtabloquant. Le critère de jugement principal comprend mortalité toutes causes, IDM, AVC ou hospitalisation d’origine cardiovasculaire dans l’année après randomisation.

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