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Valvulopathies

Publié le 15 fév 2020Lecture 9 min

Prise en charge de l’insuffisance tricuspide fonctionnelle

Coppelia GOUBLAIRE, Hôpital privé Claude Galien, Quincy-sous-Sénart – Institut Cœur Paris Sud

L’insuffisance tricuspide (IT) fonctionnelle ou secondaire est la cause la plus fréquente des insuffisances tricuspides dans le monde occidental. Sa prise en charge a augmenté ces dernières années devant la reconnaissance de sa nature progressive et surtout de son impact sur le pronostic. Les étiologies les plus fréquentes sont la dilatation annulaire avec tenting des feuillets tricuspides, une surcharge en volume ou en pression induite par la présence de valvulopathies du cœur gauche, d’une cardiopathie ischémique ou la présence de stimulateurs cardiaques.

Bien qu’initialement les signes d’insuffisance cardiaque droite s’améliorent sous traitement médical (essentiellement diurétiques de l’anse et inhibiteurs de l’aldostérone), les symptômes deviennent rapidement résistants au traitement médical une fois qu’apparaît une dilatation annulaire. Une prise en charge chirurgicale ou percutanée doit alors être rapidement envisagée. Une prise en charge trop tardive, lorsque l’anneau tricuspide est dilaté et qu’il existe une dysfonction ventriculaire droite, entraîne une mortalité et une morbidité importantes. Il est donc primordial de reconnaître et d’évaluer en amont une insuffisance tricuspidienne importante, afin de référer le patient vers une prise charge chirurgicale dans un délai optimal, l’idéal étant dans le même temps que la chirurgie valvulaire gauche. Le diagnostic et la prise en charge de ces IT ont considérablement évolué durant ces dernières années. Imagerie de la valve tricuspide Échographie transthoracique L’échographie transthoracique (ETT) a une place centrale dans l’évaluation de l’IT, car elle est le premier examen utilisé pour faire le diagnostic qualitatif et quantitatif de l’IT, d’une part, et de la fonction ventriculaire droite, d’autre part. L’évaluation du mécanisme de la fuite est primordiale et permet de distinguer le caractère secondaire ou fonctionnel du caractère primaire ou organique, beaucoup plus rare, de la fuite. Une IT fonctionnelle est définie par la présence d’une dilatation de l’anneau tricuspide avec tenting des feuillets valvulaires fins. Le diamètre de l’anneau tricuspide est mesuré dans différentes coupes (la coupe la plus fréquemment utilisée étant l’apicale des 4 cavités). La quantification de l’IT peut être réalisée par la méthode de la PISA. La fonction ventriculaire droite est évaluée par la mesure du TAPSE et de l’onde S tricuspide. Les dimensions ventriculaires droites sont aussi mesurées. Enfin, l’évaluation des pressions pulmonaires est primordiale. Échographie transœsophagienne L’échographie transœsophagienne (ETO) complète l’ETT. Elle va surtout apporter une information sur le mécanisme de la fuite et son caractère fonctionnel ou non (contact avec une sonde de stimulateur cardiaque, prolapsus d’un feuillet non visualisé en ETT, etc.). Elle va aussi permettre de quantifier les valvulopathies du cœur gauche. Apport de l’imagerie 3D Le 3D va principalement être utilisé en complément de l’ETO, pour voir la position des sondes de stimulateurs cardiaques et surtout l’adhérence de celles-ci aux feuillets tricuspides. Elle va préciser le caractère central ou excentré de la fuite. Elle permet aussi d’évaluer la fonction ventriculaire droite. IRM cardiaque L’IRM cardiaque a une part prépondérante dans l’évaluation de la fonction ventriculaire droite et la mesure de l’anneau tricuspide. Sa place est avant tout limitée par la présence d’un stimulateur cardiaque non IRM-compatible. Scintigraphie La scintigraphie est utile pour évaluer la fraction d’éjection ventriculaire droite (FEVD), en complément de l’IRM ou lorsque celle-ci n’est pas réalisable. Cathétérisme droit Le cathétérisme droit permet l’évaluation des pressions pulmonaires et capillaires. Il permet aussi de calculer les résistances pulmonaires. Un test au NO peut être éventuellement pratiqué. Indications opératoires (figure 1) Figure 1. Conduite à tenir devant une IT. L’IT doit être corrigée chirurgicalement lorsqu’elle est sévère chez les patients devant bénéficier d’une chirurgie des valves gauches (recommandations de grade I de l’ESC 2017). La chirurgie doit être envisagée chez les patients avec une IT modérée à moyenne associée à une dilatation de l’anneau (≥ à 40 mm ou > 21 mm/m2 en ETT) et devant bénéficier d’une chirurgie valvulaire gauche (recommandations de grade II-a de l’ESC 2017). Chez les patients ayant été opérés d’une valvulopathie gauche, la chirurgie de l’IT peut être envisagée, même sans atteinte gauche, en cas d’IT sévère symptomatique ou d’une dilatation/dysfonction ventriculaire droite, en l’absence d’une dysfonction sévère ventriculaire droite ou gauche ou d’une HTAP sévère (recommandations de grade II-a de l’ESC 2017). Prise en charge chirurgicale de l’insuffisance tricuspide fonctionnelle Plastie tricuspide Associer une réparation tricuspide à une chirurgie valvulaire gauche n’augmente pas le risque opératoire et permet d’inverser le remodelage ventriculaire droit et d’améliorer le statut fonctionnel en cas de dilatation annulaire, même en l’absence d’une IT sévère. La chirurgie tricuspide chez les patients ayant été opérés d’une valve gauche, en cas d’IT tardive sévère, doit être considérée le plus tôt possible, même chez les patients asymptomatiques s’il existe des signes de dilatation ventriculaire droite ou de déclin de la fonction VD. La réparation valvulaire doit être préférée à un remplacement. L’annuloplastie tricuspide est préférentiellement réalisée avec un anneau prothétique. Cette réparation est la clé des prises en charge des IT secondaires. Remplacement valvulaire tricuspide Le remplacement valvulaire droit doit être considéré lorsqu’il existe une atteinte des feuillets tricuspides et que l’anneau est trop dilaté. Prise en charge percutanée de l’insuffisance tricuspide fonctionnelle Alors que l’annuloplastie tricuspide associée à une chirurgie valvulaire mitro-aortique a considérablement réduit le risque de dilatation et de dysfonction ventriculaire droite à long terme, la prise en charge chirurgicale des IT des patients présentant déjà cette dysfonction droite est à haut risque chirurgical. De nouvelles techniques percutanées ont vu le jour ces dernières années, permettant de prendre en charge ces patients. Cependant, elles sont pour l’instant en cours d’évaluation et nécessitent des études contrôlées randomisées. Le traitement percutané des IT doit faire face à plusieurs difficultés anatomiques : dilatation annulaire, anneau non elliptique, absence de calcifications annulaires, morphologie ventriculaire droite, proximité de certaines structures (sinus coronaire, nœud atrio-ventriculaire, faisceau de His, veine cave, coronaire droite…). Trois types de techniques ont ainsi été étudiés, mais les résultats sont encore incertains. • Implantation percutanée d’une valve dans la veine cave : réduit le reflux de l’IT dans la veine cave et diminue ainsi les signes droits. Deux types de prothèses ont été évalués pour cette technique : la TricValve autoexpandable (P+F Products + Features Vertriebs GmbH, Vienna, Austria in cooperation with Braile Biomedica, São José do Rio Preto, Brazil) (figure 2) et la valve Edwards avec ballon expandable (Edwards Lifesciences, Irvine, CA, USA). Figure 2. • Annuloplasties percutanées pour réduire le diamètre de l’anneau : le dispositif Trialign (Mitralign Inc, Tewksbury, MA, USA) (figure 3) consiste en l’implantation de deux paires d’attaches sur les commissures antéro-postérieure et septo-postérieure et de les plicaturer afin de créer une « bicuspidisation » de la valve tricuspide et une diminution de la taille de l’anneau. Le TriCinch (4Tech Cardio Ltd, Galway, Ireland) (figure 4) consiste à implanter une vis sur la partie antéro-postérieure de l’anneau et à la relier à un stent apposé dans la veine cave afin de créer une traction et de diminuer le diamètre de l’anneau. La technique du cardioband (Valtech Cardio) (figure 5) consiste à implanter de multiples vis reliées par une bande le long de l’anneau tricuspide et à créer une traction sur cette bande afin de diminuer le diamètre de l’anneau. Figure 3. Figure 4. Figure 5. • Techniques pour améliorer la coaptation des feuillets tricuspides. Le dispositif FORMA (Edwards Lifesciences) (figure 6) est en cours d’évaluation. Il consiste en l’implantation d’un tampon entre les feuillets tricuspides, qui sera ancré à l’apex du ventricule droit permettant de réduire l’importance de la fuite. La technique du MitraClip (Abbott, Menlo Park, CA, USA) (figure 7) est en cours d’évaluation dans la prise en charge des IT fonctionnelles afin d’améliorer la coaptation valvulaire. Figure 6. Figure 7. Cas des IT liées aux sondes de stimulateurs cardiaques De plus en plus de stimulateurs cardiaques, pacemaker ou défibrillateur, sont implantés, permettant une amélioration de la qualité et de l’espérance de vie des patients. Les sondes de ces dispositifs sont en contact direct avec les feuillets tricuspides et peuvent donc en altérer la coaptation. Elles peuvent aussi entraîner plus rarement un dommage valvulaire lors de leur implantation ou de leur manipulation. À plus long terme, la présence d’un corps étranger peut entraîner une inflammation et une fibrose des feuillets et entraîner une perte de mobilité. La prévalence des IT significatives (≥ grade 2) induites par les sondes de dispositifs intracardiaques varie entre 10 et 39 %. Le diagnostic échographique peut être sous-estimé par la présence d’artéfacts et d’échos de réverbération liés aux sondes. De plus, en cas de perte de mobilité d’un feuillet, le jet d’IT peut être excentré, rendant difficile la quantification. La recherche d’un reflux dans les veines sus-hépatiques peut être alors utile. L’échographie 3D augmente la résolution spatiale de l’exacte position des sondes et des interactions entre celles-ci et les feuillets tricuspides. Le traitement chirurgical des IT sévères induites par les sondes de dispositifs intracardiaques peut consister en une annuloplastie ou un remplacement valvulaire avec ou sans retrait de sonde. Pour effectuer une réparation valvulaire avec conservation de la sonde, celle-ci doit d’abord être dégagée de son interaction avec le feuillet. Le dommage valvulaire peut ensuite être réparé par suture ou par patch. La sonde est enfin repositionnée dans une fente créée par une bicuspidisation lors de la suture de la valve. L’annuloplastie est effectuée en cas de dilatation annulaire avec de préférence un anneau semi-circulaire permettant de positionner la sonde à l’intérieur de celui-ci. En cas d’implantation de bioprothèse ou d’anneau circulaire, la sonde est alors placée à l’extérieur de l’anneau. L’extraction seule de la sonde dépend de plusieurs paramètres comme l’ancienneté de sonde, la sévérité de la fuite tricuspide, la dilatation annulaire, le degré de tenting des feuillets tricuspides, la nature de l’interaction entre la sonde et la valve et le degré du dommage valvulaire. Il n’y a pour l’instant aucune donnée prospective pour corriger une IT induite par les sondes de stimulateurs, en l’absence d’infection endovasculaire ou de matériel. La balance bénéfice/risque d’une telle intervention est plus en faveur d’une majoration de la morbidité/mortalité liée à l’IT sévère que d’un éventuel bénéfice à extraire le matériel. Le taux de mortalité en cas d’IT sévère est d’ailleurs estimé à 31 % dans la population générale et monte entre 40 et 75 % chez les patients porteurs d’un stimulateur. Le retrait/repositionnement des sondes doit uniquement être réservé aux patients avec IT sévère sans dilatation/dysfonction ventriculaire droite, sans HTAP réversible ou sans élévation des résistances pulmonaires et uniquement s’il existe une interaction entre la sonde et les feuillets valvulaires avec gêne à la mobilité ou à la coaptation. L’association à une réparation valvulaire dépend du degré de l’atteinte des feuillets. En cas de dysfonction ventriculaire ou valvulaire gauche, la réparation de la valve tricuspide peut être discutée dans le même temps que la réparation gauche (revascularisation, chirurgie mitro-aortique). En pratique L’insuffisance tricuspide (IT) est une pathologie fréquente et le plus souvent d’origine fonctionnelle, avec dilatation annulaire et tenting des feuillets tricuspides. Le diagnostic est principalement échographique (transthoracique, transœsophagienne, 3D), mais l’IRM a une place centrale dans l’évaluation de la fonction ventriculaire droite. Dans l’idéal, les IT sévères fonctionnelles devraient être corrigées dans le même temps que la chirurgie des valves gauches. L’annuloplastie tricuspide est la technique de référence lorsqu’il existe une dilatation annulaire. La prise en charge des IT fonctionnelles évoluées apparaissant à distance d’une chirurgie valvulaire gauche est plus compliquée et associée à une morbidité et une mortalité élevée. Le développement de techniques percutanées est donc nécessaire. Différents dispositifs sont ainsi en cours d’évaluation, permettant soit d’améliorer la coaptation valvulaire, soit de réduire le diamètre annulaire ou le reflux dans la veine cave.

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