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Cardiovasculaire

Publié le 03 nov 2020Lecture 6 min

Le traitement par pression positive continue - Quels effets sur les événements cardiovasculaires et la mortalité ?

Quentin LISAN*, Raphaël HEINZER**, *Hôpital européen Georges Pompidou, Université de Paris, France, **Centre d’Investigation et de Recherche sur le Sommeil, Lausanne, Suisse

Les apnées du sommeil sont associées à un risque accru d’événements cardiovasculaires et un excès de risque de mortalité. Cependant, le traitement par pression positive ne semble pas réduire ces événements, l’ensemble des études étant presques toutes négatives. Néanmoins, la question est encore loin d’être résolue car les études dont on dispose sont essentiellement en prévention secondaire sur des patients peu symptomatiques et avec une utilisation très faible de la pression positive continue.

L'apnée du sommeil est très fréquente, de récentes études suggérant qu’un index apnées-hypopnées (IAH) ≥ 15 par heure est retrouvé chez 49 % d’hommes et 23 % de femmes en population générale(1). Cette pathologie a été incluse dans le « top 10 » des facteurs de risque cardiovasculaire modifiables(2,3). L’apnée du sommeil est associée à une augmentation du risque de pathologie coronarienne, d’accident vasculaire cérébral ou encore avec un risque augmenté de mortalité(4-7). Le traitement le plus efficace est le traitement par pression positive continue (PPC). Ce traitement a formellement démontré l’amélioration de certains paramètres : l’IAH, la tension artérielle — bien que l’amélioration soit modeste — la qualité de vie et la somnolence diurne(4,8,9). Néanmoins, il est encore incertain si le traitement par PPC joue un rôle dans la prévention de paramètres plus importants tels que les événements cardiovasculaires (angor, infarctus ou accident vasculaire cérébral) ou encore la mortalité(4,10). Le traitement par PPC et les événements cardiovasculaires Pour prendre en exemple, les deux essais randomisés récents les plus importants, les essais SAVE et ISAACC, aucun n’a retrouvé d’effet bénéfique de la PPC sur la prévention des événements cardiovasculaires(11,12). En effet, les hazard ratios étaient de 1,10 (IC95% : 0,91 à 1,32) dans l’étude SAVE et de 0.89 (IC95% : 0,68 à 1,17) dans l’étude ISAACC. L’absence d’effet de la PPC sur les événements cardiovasculaires a également été retrouvée dans deux métaanalyses d’essais randomisés, dont les résultats de l’une sont reproduits dans la figure 1(4,10). Figure 1. Effet de la PPC sur les événements cardiovasculaires et la mortalité. Adapté de Yu et al. JAMA 2017(10). Le traitement par PPC et la mortalité De la même manière, les essais randomisés et les métaanalyses d’essais randomisés ne retrouvent aucun effet de la PPC sur la mortalité (toutes causes et cardiovasculaire), comme illustré dans la figure 1(4,10). D’autre part, les études observationnelles apportent un niveau de preuve limité et sont souvent conduites sur des populations sélectionnées (sujets âgés, uniquement des femmes ou uniquement des hommes)(5,13,14) ou bien ne prennent pas en compte des facteurs de confusion importants comme l’indice de masse corporelle(15-17). Aucun effet de la PPC sur les événements cardiovasculaires et la mortalité ? Ainsi, plusieurs essais randomisés et métaanalyses d’essais randomisés sont concordants et suggèrent l’absence d’effet de la PPC sur la survenue d’événements cardiovasculaires ou sur la mortalité. Néanmoins, il semble encore trop tôt pour conclure de manière formelle à l’inefficacité de la PPC sur de tels critères de jugement, en ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le suivi médian des essais randomisés est généralement court. Par exemple, le suivi médian dans ISAACC était de 3,35 ans et de 3,7 ans dans l’essai SAVE. Néanmoins, il est plausible que plus de temps de suivi soit nécessaire afin d’observer un effet de la PPC sur des critères tels que les événements cardiovasculaires ou la mortalité. Cela est par exemple suggéré dans une étude observationnelle, conduite au sein de la Sleep Heart Health Study et ayant plus de 11 ans de suivi, qui retrouvait une association entre la PPC et une moindre mortalité, mais cette différence n’apparaissait qu’au bout de 7 à 8 ans(18). Ainsi, le manque de suivi suffisamment long pourrait être une des explications aux résultats négatifs retrouvés dans la littérature. Une autre explication possible est la population utilisée dans la plupart des essais cliniques. Ainsi, la grande majorité d’entre eux sont réalisés en prévention secondaire, c’est-à-dire chez des sujets ayant déjà présenté un événement cardiovasculaire. Les essais réalisés dans le cadre de la prévention secondaire ont probablement plus de risque d’être négatifs, le processus de réversibilité des effets négatifs liés aux apnées étant probablement plus long sur des organes déjà malades qu’en prévention primaire. Seuls quatre essais ont évalué la PPC en prévention primaire, et aucun n’a mis en évidence d’effet bénéfique sur les événements cardiovasculaires ou la mortalité(19-22). Néanmoins, les résultats négatifs observés dans ces essais peuvent s’expliquer par un suivi très faible, parmi ces quatre essais un ayant un suivi médian de 4 ans, un de 1 an et deux essais un suivi médian de 6 mois. Ensuite, l’adhérence moyenne observée dans les essais randomisés est relativement faible. Par exemple, l’adhérence moyenne à la PPC était de 2,78 heures par nuit dans l’étude ISAACC et de 3,3 heures dans l’essai SAVE. Néanmoins, les analyses en sous-groupe sur les patients adhérents (≥ 4 heures par nuit) ne retrouvaient pas non plus d’effet de la PPC sur les évènements cardiovasculaires(11,12). De la même manière, dans la métaanalyse de Yu et coll., il n’était pas retrouvé d’association entre la PPC et la mortalité ou les événements cardiovasculaires dans les analyses en sous-groupe selon la durée d’adhérence à la PPC(10). Une autre limite, plus particulièrement pour la mortalité, est le très faible nombre d’événements observés dans les essais cliniques, généralement moins de 10(4,10), soulevant le problème de puissance statistique. Ce problème a notamment été soulevé dans la métaanalyse de Jonas et coll.(4). Ainsi, parmi 31 essais éligibles rapportant des données de mortalité, 27 essais n’avaient aucun décès dans aucun des groupes et 2 essais ne rapportaient qu’un seul décès dans l’un des groupes. De plus, les patients sont généralement classés sur la base de l’IAH. Or, l’IAH n’est qu’un reflet impar fai t de la sévér i té des apnées du sommeil puisqu’il ne prend en compte que la f réquence des événements respiratoires et non leur sévérité. Un patient avec des apnées longues et très désaturantes aura possiblement un IAH plus bas qu’un patient présentant des hypopnées de faibles durées. Ceci est illustré par le fait qu’à IAH égal, certains patients vont développer des pathologies cardiovasculaires (et donc pouvant potentiellement être les meilleurs répondeurs au traitement) et d’autres non. Ainsi, pour un même IAH, des patients aux profils très différents vont être inclus dans un même groupe au sein d’un essai randomisé. Il est ainsi suggéré par plusieurs auteurs d’utiliser d’autres marqueurs que l’IAH afin de classer les patients ayant une apnée et présentant un risque cardiovasculaire(23-25).  Une autre limite des données des essais randomisés est la très faible proportion de femmes. En effet, dans les études SAVE et ISAACC, plus de 80 % des participants étaient des hommes(11,12). Ainsi, l’impact de la PPC chez les femmes reste largement inconnu. Finalement les études randomisées dont on dispose n’ont étudié que des patients peu symptomatiques (pour des raisons éthiques évidentes) alors que ce sont justement les patients somnolents qui sont le plus à risque de développer des complications cardiovasculaires(24). Une somnolence associée pouvant être en effet un signe de gravité des apnées du sommeil. Quel avenir pour l'évaluation de la PPC sur les événements cardiovasculaires et la mortalité ? Ainsi, l’effet de la PPC dans la prévention des événements cardiovasculaires et d’une réduction de mortalité n’est pas encore tranché. Plusieurs pistes pour de futures recherches existent, par exemple par la mise en place d’essais cliniques de grandes tailles avec un suivi prolongé d’emblée. De plus, les essais passés bénéficiant encore d’un suivi pourront faire l’objet d’analyses ultérieures qui seront d’un apport important. Également, la réanalyse d’essais passés en utilisant d’autres critères que le seul IAH pourrait apporter certains réponses. Enfin, l’accumulation de résultats issus d’études de cohorte pourra également contribuer à éclaircir le rôle de la PPC. Ainsi, la question de l’effet de la PPC sur les événements cardiovasculaires et/ou la mortalité reste ouverte, mais obtenir la réponse prendra encore certainement du temps. Publié dans OPA Pratique

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