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Études-Consensus-Recommandations

Publié le 15 oct 2022Lecture 5 min

Étude ADDICTO-USIC - Prévalence et impact pronostique de la consommation de drogues illicites et de la mesure du CO expiré chez les patients hospitalisés en USIC

Théo PEZEL, Patrick HENRY*, service de cardiologie, CHU Lariboisière à Paris

La consommation de drogues illicites est l’une des causes les plus courantes de morbidité et de mortalité évitables dans le monde(1,2). On estime qu’au cours de l’année écoulée, environ 275 millions de personnes ont consommé des drogues illicites, soit une augmentation de 22 % par rapport à 2010(3). Aux États-Unis, la prévalence annuelle estimée de la consommation de drogues illicites est d’environ 16 % (53,2 millions de consommateurs)(4,5). Le cannabis, la cocaïne, la 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA), les amphétamines et l’héroïne ou d’autres opioïdes sont les substances illicites les plus couramment utilisées(3,6).

L'utilisation chronique de ces substances peut provoquer un large panel d’événements cardiovasculaires aigus, notamment la mort subite, le syndrome coronaire aigu, l’insuffisance cardiaque aiguë, la dissection aortique, les événements thrombo-emboliques, la myocardite et les arythmies cardiaques(7). Des études antérieures ont rapporté que la consommation récente de cannabis ou de cocaïne chez des patients ayant subi un infarctus du myocarde était associée à une détérioration des résultats au cours du suivi(12-16). Cependant, ces études étaient souvent rétrospectives, généralement réalisées chez des patients jeunes, sans dépistage systématique des drogues illicites par un test sanguin ou urinaire. En effet, la quasi-totalité des études réalisées jusque-là repose sur des données déclaratives sur la consommation des drogues illicites, avec donc un risque de biais de mémorisation important. Ces limites atténuent bien évidemment l’exactitude des données actuelles évaluant la prévalence de la consommation de drogues illicites. Alors que le taux de sous-déclaration de ces substances illégales reste élevé (40-60 % dans la littérature), les lignes directrices actuelles recommandent uniquement une enquête déclarative pour rechercher la consommation de drogues illicites, mais sans dépistage systématique dans l’urine ou le plasma(17,18). Bien que de nombreux événements cardiovasculaires aigus puissent impliquer la consommation de drogues illicites, sa prévalence chez les patients hospitalisés dans les unités de soins cardiaques intensifs (USIC), ainsi que ses conséquences cardiovasculaires à court terme restent inconnues.   • Objectifs de l’étude   L’étude ADDICTO-USIC (Addiction in Intensive Cardiac Care Units, ADDICT-ICCU study) est une cohorte prospective avec un recrutement systématique et consécutif de tous les patients hospitalisés en USIC, avec pour objectifs : – mesurer la prévalence de l’utilisation des drogues illicites chez tous les patients hospitalisés en USIC ; – étudier l’association statistique entre ces différentes substances comme facteur d’exposition et la présentation clinique initiale en USIC lors de l’hospitalisation ; – évaluer l’impact pronostique de la consommation de drogues illicites et de la mesure du CO expiré chez les patients fumeurs en termes de survenue d’événements cardiovasculaires sévères intrahospitaliers.   • Design de l’étude   Le groupe USIC et le CCF de la SFC ont travaillé main dans la main du 7 au 22 avril 2021, pour proposer un dépistage systématique des drogues illicites par analyse urinaire fiable dans une étude prospective incluant tous les patients consécutifs admis en USIC au sein de 39 centres répartis dans toute la France (tableau 1). Le critère de jugement principal était la prévalence des drogues illicites détectées par un test urinaire. Les drogues illicites suivantes ont été évaluées par le test urinaire Narco- Check® (Kappa City Biotech SAS, Montluçon, France) : i) cannabinoïdes (tétrahydrocannabinol [THC]), y compris le cannabis et le haschisch ; ii) cocaïne et métabolites, y compris la cocaïne et le crack ; iii) amphétamines ; iv) MDMA ; et v) héroïne et autres opioïdes (figure 1). Par ailleurs, une mesure du CO expiré a été réalisée chez tous les patients à l’aide d’un outil de mesure validé (CO-Check Pro device, Bedfont Scientific Ltd, Kent, UK). La mesure du CO expiré en ppm est corrélée à la quantité de cigarettes consommées dans les 24 dernières heures. Le critère de jugement clinique évalué était les événements cardiaques indésirables majeurs (major adverse cardiovascular events, MACE) définis par le décès, l’arrêt cardiaque récupéré ou le choc cardiogénique nécessitant assistance par amines ou assistance mécanique. (Enregistrement de l’essai : ClinicalTrials.gov Identifier : NCT05 063097.) Tout l’intérêt de ce projet à grande échelle est la constitution d’un large registre national de l’impact cardiovasculaire de ces substances addictives. Aucune étude de ce type n’a été proposée jusqu’à maintenant dans la littérature. Ainsi, ce projet constitue la première base mondiale évaluant l’impact cardiovasculaire à court et moyen terme de l’ensemble de ces addictions.   • Principaux résultats de l’étude   Dans cet essai clinique qui a inclus 1 499 patients consécutifs hospitalisés dans une unité de soins cardiaques intensifs (âge moyen de 63 ans et 69,6 % d’hommes), la prévalence des tests positifs pour les drogues illicites était de 10,7 % (cannabis : 9,1 %, opioïdes : 2,1 %, cocaïne : 1,7 %, amphétamines : 0,7 %, 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine : 0,6 %). La détection de drogues illicites était indépendamment associée à une plus grande fréquence d’événements indésirables majeurs (MACE) à l’hôpital. Ainsi, la présence de drogues illicites chez les patients hospitalisés en USIC pour un événement cardiovasculaire aigu est relativement fréquente avec un risque plus élevé de gravité en milieu hospitalier. Dans cette cohorte prospective multicentrique de patients consécutifs admis dans des USIC pour des événements cardiovasculaires aigus avec un dépistage systématique des drogues illicites détectées par analyse d’urine, les principaux résultats sont les suivants : – la prévalence de toute drogue illicite détectée était de 10,7 %, dont 72 % avec une seule et 28 % avec plusieurs drogues illicites parmi les consommateurs (figure 2) ; – le taux d’autodéclaration de l’utilisation actuelle de drogues illicites parmi les patients avec des drogues illicites détectées était de 56,5 % ; – pour une médiane de durée d’hospitalisation de 5 jours, le taux de MACE intrahospitalier était de 4,3 % ; – dans l’ensemble de la population, la détection de drogues illicites était associée de manière indépendante à un taux plus élevé de MACE intrahospitalier, en particulier dans le sous-groupe de patients admis pour un SCA ST+ et une insuffisance cardiaque aiguë ; – la détection de drogues illicites avait une valeur pronostique supplémentaire pour prédire les MACE intrahospitaliers par rapport aux facteurs de risque traditionnels ; – l’usage unique de cannabis, de cocaïne et de MDMA était également associé aux MACE intrahospitaliers ; – les patients ayant consommé plusieurs drogues illicites avaient le plus mauvais pronostic intrahospitalier par rapport à ceux ayant consommé une seule ou aucune drogue illicite ; – le taux de CO expiré > 13 chez les patients fumeurs était indépendamment associé à un taux plus élevé de MACE intrahospitaliers après ajustement pour tous les prédicteurs connus de gravité (figure 3). Figure 3. Présentation des données sur l’impact pronostique du CO expiré dans l’étude ADDICTO-USIC, en Late-Breaking Science par le Pr Patrick Henry lors du congrès de l’ESC 2022.   • Importance d’un financement institutionnel par Dotation recherche de la Fondation Cœur et Recherche   Ce projet a été rendu possible grâce à un financement à hauteur de 150 000 € de ce projet par la Dotation recherche de la Fondation Cœur et Recherche. Nous tenons ici à remercier de nouveau la Fondation Cœur et Recherche, ainsi que l’ensemble de ses donateurs et mécènes, sans lesquels ce projet n’aurait pas pu être imaginé et proposé aux jeunes.

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