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Études

Publié le 07 nov 2012Lecture 6 min

ORIGIN (Outcome Reduction with an Initial Glargine Intervention)

V. KERLAN, CHU Brest, Hôpital de la Cavale-Blanche

Lors du dernier congrès de l’American Diabetes Association (ADA) qui s’est tenu à Philadelphie en juin, les résultats très attendus de l’étude ORIGIN ont été présentés, et publiés le même jour dans le New England Journal of Medicine (11 juin 2012).
Cette grande étude internationale multicentrique, à laquelle 40 pays ont participé, avec double randomisation, a évalué la fréquence de survenue des événements cardiovasculaires dans une population à haut risque cardiovasculaire, diabétique ou à risque de diabète, traités par oméga 3 ou placebo, et par insuline glargine ou traitement standard.

L’étude a inclus 12 536 patients âgés de ≥ 50 ans, ayant un trouble de la glycorégulation, soit un diabète traité par au maximum un antidiabétique oral, soit une hyperglycémie à jeun (entre 1,10 et 1,26 g/l), soit une intolérance au glucose (glycémie > 1,40 g/l à 2 h de l’HGPO à 75 g) à condition que leur HbA1c soit inférieure à 9 %. Ces patients étaient à haut risque cardiovasculaire soit du fait d’un antécédent d’infarctus du myocarde (IDM) ou de revascularisation, ou d’accident vasculaire cérébral (AVC), soit du fait d’une sténose documentée coronaire, carotidienne ou d’une artère des membres inférieurs, ou atteints d’une ischémie myocardique documentée ou d’une hypertrophie ventriculaire ou d’une microalbuminurie. L’étude prévue initialement pour une durée de 4 ans a finalement duré 6,2 ans. La moyenne d’âge des patients était de 63,5 ans, avec 35 % de femmes. Effets de la substitution par oméga 3 versus placebo Le rationnel de l’étude sur les oméga 3 reposait sur les effets favorables décrits dans la littérature de l’utilisation des oméga 3 sur l’arythmie, le taux de triglycérides, la plaque d’athérome, la fonction endothéliale, l’agrégation plaquettaire et l’inflammation. L’hypothèse testée dans ORIGIN était que la supplémentation à long terme par des oméga 3 pourrait réduire le taux des événements cardiovasculaires dans la population à risque. Les 12 536 patients randomisés ont reçu soit 1 g d’acide gras oméga 3 (465 mg d’EPA et 375 mg de DHA), soit un placebo (1 g d’huile d’olive). L’objectif primaire était le taux de décès cardiovasculaire ; les critères secondaires étaient le critère composite des décès cardiovasculaires, IDM non fatals, AVC non fatals et décès toutes causes, et les décès par arythmie.   Les résultats sont sans appel : il n’a pas été retrouvé de différence entre les 2 groupes ni dans le critère principal de décès cardiovasculaires, ni dans aucun des critères secondaires.   Sous oméga 3, 574 patients sont décédés de cause cardiovasculaire (9,1 %) versus 581 (9,3 %) dans le groupe placebo. Sur les paramètres métaboliques, les patients sous oméga 3 avaient à la fin de l’étude un taux de triglycérides significativement plus abaissé (-25 mg/dl) que les patients sous placebo (- 9 mg/dl) ; aucun des autres paramètres métaboliques (autres fractions lipidiques, glycémie, HbA1c) ou tensionnels étaient différents entre les deux groupes. Les effets secondaires n’étaient pas quantitativement différents dans les deux groupes. L’adhérence au traitement par les oméga 3 a été très bonne, identique dans les deux groupes, à 88 %. Le taux d’événements est relativement bas comparativement à des essais antérieurs, ce qui s’explique probablement par les traitements administrés : inhibiteur du système rénine-angiotensine, aspirine ou autre antiagrégant pour les deux tiers des patients, et statines, bêtabloquants pour un peu plus de la moitié. On peut toujours argumenter sur le fait que les apports alimentaires en oméga 3 des patients, évalués à 210 mg/j étaient inférieurs aux apports préconisés, et surtout que la dose choisie dans l’essai était peut-être insuffisante, mais cette étude conforte les métaanalyses récentes montrant l’absence d’efficacité des oméga 3.   Néanmoins, il n’y a pas lieu de modifier les recommandations nutritionnelles qui conseillent d’augmenter la consommation alimentaire de poissons. Effets d’une injection d’insuline basale glargine versus traitement standard L’autre partie de l’étude a étudié l’effet d’une insuline basale, avec comme objectif la normalisation des glycémies à jeun, sur le taux d’événements cardiovasculaires ; cet effet n’avait jamais été évalué dans cette population de patients ayant un diabète débutant ou un trouble de la glycorégulation mais sans diabète. Les 12 537 patients ont été randomisés soit pour une injection d’insuline glargine, avec un objectif de glycémie à jeun ≤ 0,95 g/l, soit pour le traitement conventionnel. Le critère principal était le taux d’événements cardiovasculaires : IDM non fatals, AVC non fatals, décès cardiovasculaires. Le critère secondaire associait le critère principal avec soit une revascularisation soit une hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Ont également été évalués les complications microvasculaires, l’incidence du diabète, les hypoglycémies, le poids et les cancers. Au bout d’un an, 50 % des patients dans le groupe insuline avaient bien une glycémie ≤ 0, 94 g/l à jeun. Dans le groupe standard, la glycémie moyenne à jeun est de 1,23 g/l. L’HbA1c, qui était de 6,4 % dans les deux groupes à l’entrée dans l’étude est passée à 5,9 % à 1 an dans le groupe insuline, puis remontée à la fin de l’étude à 6,3 % ; elle était à 6,5 % en fin d’étude dans le groupe traitement conventionnel. À 5 ans, 85 % des patients du groupe insuline étaient bien sous insuline, contre 11 % dans le groupe de traitement standard. La posologie moyenne d’insuline glargine est de 0,31 U/kg à 1 an et 0,40 U/kg à 5 ans.   • Aucune différence sur les critères primaires d’événements cardiovasculaires n’a été mise en évidence, pas plus que sur le critère secondaire cardiovasculaire. • La fréquence de survenue d’un authentique diabète, chez les patients non diabétiques à l’inclusion, est de 28 % inférieure s’ils ont reçu un traitement par insuline. • L’incidence d’hypoglycémie non sévère est de 16,72 pour 100 personnes-années dans le groupe insuline versus 5,16 pour le groupe standard et le nombre de patients ayant eu au moins une hypoglycémie sévère est de 0,01 par patient-année dans le groupe insuline versus 0,003 dans le groupe standard ; 43 % des patients sous insuline et 75 % des patients du groupe standard n’ont rapporté aucune hypoglycémie. • La variation de poids est de +1,6 kg (-2 à +5,5) sous insuline et de -0,5 kg (-4,3 à + 3,2) dans le groupe standard. • Les taux de nouveaux cancers (476 cas vs 477) ou de décès par cancer (189 cas vs 201) sont non différents entre les deux groupes. Les résultats peuvent avoir été atténués par le fort pourcentage de patients (43 % dans le groupe insuline et 60 % dans le groupe standard) également sous metformine, dont l’effet cardioprotecteur est suggéré dans d’autres études. Les résultats chez les patients avec diabète ou sans diabète sont identiques. L’objectif de cet essai n’était pas de comparer deux objectifs glycémiques différents – et effectivement l’équilibre glycémique n’était pas très différent – mais bien l’effet d’une insulinothérapie basale titrée. Les effets secondaires sont restés modestes. La prise de poids, certes modeste, et le plus grand nombre d’hypoglycémies n’ont pas eu d’effet cardiovasculaire néfaste. De plus, il n’y a eu aucun effet sur l’incidence des cancers, malgré des doses d’insuline non négligeables. Il n’est pas possible de conclure sur les effets potentiellement bénéfiques à plus long terme de la réduction d’incidence de diabète, survenue malgré la prise de poids. Au total Cette grande étude ORIGIN n’a pas démontré d’efficacité à 6 ans sur le risque cardiovasculaire ni de la prise d’1 g/j d’oméga 3 versus placebo, ni de la prescription d’une insuline lente titrée versus le schéma conventionnel dans une grande population de patients à haut risque vasculaire, soit diabétiques en monothérapie, soit avec une anomalie de la glycorégulation. La méthodologie de cette étude est remarquable. Sa force tient à la grande taille de l’effectif, à la durée de l’essai, au grand nombre d’événements, au taux élevé d’adhérence au traitement, à l’excellent contrôle glycémique des patients pendant 6 ans, et au recueil des données chez 99 % des patients. Elle apporte des données de grande valeur, dont certaines seront exploitées ultérieurement, même si elle ne conduit pas à une modification des pratiques de prise en charge des patients. Figure. Résultats de l’étude ORIGIN (bras insuline glargine vs traitement standard) : A : Critère combiné IDM, AVC ou mortalité cardiovasculaire. B : Critère combiné plus revascularisation ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque. C : Mortalité toutes causes. « Publié dans Diabétologie Pratique »

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