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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 23 nov 2010Lecture 5 min

Resynchronisation cardiaque en pratique clinique

S. SALMI-BELMIHOUB(1,2), J. PINEAU(2), A. DELLINGER(1), P. CHEVALIER(2), CH de CHALON SUR SAONE(1), HOPITAL CARDIO-VASCULAIRE LOUIS PRADEL, LYON(2)

La resynchronisation cardiaque est un traitement de l’insuffisance cardiaque actuellement en plein essor. Nous rapportons le cas d’un patient de 81 ans, porteur d’une myocardiopathie dilatée à coronaires normales, déjà compliquée de plusieurs épisodes d’insuffisance cardiaque, associée à un bloc de branche gauche complet à l’électrocardiogramme, hospitalisé pour bloc auriculo-ventriculaire (BAV) complet syncopal, traité en urgence par stimulation cardiaque triple chambre, avec un excellent résultat final.

Cas clinique Monsieur C, âgé de 81 ans, suivi pour myocardiopathie dilatée à coronaires normales est hospitalisé le 7 janvier 2009 au centre hospitalier de Chalon sus Saône pour BAV complet syncopal. Ses antécédents comportent une cardiopathie dilatée sévère, déjà compliquée de plusieurs épisodes d’insuffisance cardiaque à prédominance gauche, sous traitement médical comportant inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et bêtabloquant. L’angiographie du ventricule gauche, réalisée au cours d’un bilan coronarographique pratiqué en septembre 2008, montre une fraction d’éjection ventriculaire gauche très altérée évaluée à 23 %, les coronaires sont normales. L’électrocardiogramme objective déjà un rythme sinusal régulier avec bloc de branche gauche complet large. Monsieur C. est également opéré d’un cancer colique en 2007 d’évolution favorable. Le motif d’hospitalisation est une syncope brutale survenue le 7 janvier 2009.  À l’entrée, l’examen clinique ne montre pas de signe d’insuffisance ventriculaire gauche ou droite, il n’y a pas de souffle, la fréquence cardiaque est à 30 battements/mn, la pression artérielle à 110/60 mm de Hg. La radiographie de thorax objective une cardiomégalie, l’électrocardiogramme montre un bloc auriculo-ventriculaire complet à complexes QRS larges, à type de retard gauche. La fréquence ventriculaire est à 30/mn, la durée de QRS est à 145 ms. L’échographie cardiaque confirme la myocardiopathie sévère. Sur le plan biologique, il n’y a pas de syndrome inflammatoire, il existe une insuffisance rénale fonctionnelle avec une créatinine à 16 mg/l, et une hyperkaliémie à 6. Le pro-BNP est à 7 939, il n’y a pas d’élévation de la troponine. L’indication de stimulation cardiaque définitive est retenue chez ce patient porteur d’une myocardiopathie dilatée avec dysfonction ventriculaire gauche sévère. Une décision d’implantation d’emblée de stimulateur triple chambre est prise et le patient est transféré en urgence en urgence à l’Hôpital Cardiologique de Lyon Louis Pradel dans le service de rythmologie où un pacemaker triple chambre est mis en place le 9 janvier 2009, par un abord sous-clavier gauche, la sonde ventriculaire droite (VD) est positionnée sur le septum, la sonde ventriculaire gauche (VG) niveau d’une veine latérale, et la sonde auriculaire droite sur la paroi latérale de l’oreillette droite. En sortie de bloc, le seuil de stimulation ventriculaire droit est à 1,2 volt, le seuil de stimulation ventriculaire gauche est inférieur à 1 volt, et le seuil de stimulation auriculaire est à 1,5 volt. Les suites opératoires immédiates sont simples. Le patient est de retour à domicile le 15 janvier 2009. L’évolution est marquée le 20 février 2009, avant le premier contrôle du pacemaker, par la survenue d’un accident vasculaire cérébral de type ischémique, régressif, à type de dysarthrie et de syndrome confusionnel. Le scanner cérébral réalisé ne montre pas de lésion cérébrale focalisée ischémique ou hémorragique. L’échodoppler des troncs supra-aortiques montre une surcharge moyenne calcifiée, sans sténose hémodynamique. L’électrocardiogramme est en rythme sinusal, les complexes QRS se sont affinés et sont entraînés par une stimulation biventriculaire L’interrogation du boîtier du stimulateur révèle une stimulation simultanée VD/VG dans 99 %, avec des seuils corrects, le seuil ventriculaire droit est à 1 volt, le seuil ventriculaire gauche est à 0,75 volt, et le seuil auriculaire à 0,5 volt. Les mémoires nous apprennent que quelques jours avant l’accident vasculaire cérébral, il y a eu un passage en fibrillation auriculaire ayant duré 48 heures, probablement donc à l’origine de cet accident. Monsieur C. est mis sous anticoagulants oraux, et récupère sans séquelles. Il est revu le 4 juin 2009 pour un nouveau contrôle. Il est totalement asymptomatique, il n’a pas présenté de nouvelle syncope ou signe neurologique, il n’a pas souffert depuis l’implantation du stimulateur cardiaque triple chambre d’épisode d’insuffisance cardiaque ou de dyspnée. L’état cutané local est satisfaisant, l’électrocardiogramme est en rythme sinusal électro-entraîné sur les ventricules droit et gauche, les QRS sont affinés à 115 ms. L’interrogation du pacemaker montre un seuil ventriculaire droit à 1 volt, un seuil ventriculaire gauche à 0,75 volt, et un seuil auriculaire à 0,75 volt. Il persiste quelques passages en fibrillation auriculaire paroxystique. L’échographie transthoracique objective une amélioration franche de la fraction d’éjection ventriculaire gauche, qui est actuellement à 45 % calculée selon la méthode de Simpson biplan, le délai auriculo-ventriculaire est parfaitement réglé, puisque le temps de remplissage du ventricule gauche est à 55 % du cycle cardiaque. Il n’y a pas d’asynchronisme intra-ventriculaire gauche au doppler tissulaire. Figure 1. Bloc auriculo-ventriculaire complet à QRS larges. Figure 2. Rythme sinusal, stimulation biventriculaire. Figure 3. Sondes de stimulations OD, VD et VG. Figure 4. FEVG calculée à 47 % 6 mois après implantation. Discussion Il est bien établi actuellement que la resynchronisation cardiaque simple réduit la mortalité globale, selon l’étude Care-HF. Elle diminue à la fois la mortalité liée à la mort subite et à l’aggravation de l’insuffisance cardiaque. Les premières études réalisées en aigu ont mis en évidence une amélioration des paramètres hémodynamiques par la stimulation bi-ventriculaire chez les patients en insuffisance cardiaque avec trouble conductif intra-ventriculaire, par la suite des études à moyen terme ont objectivé une amélioration significative de la tolérance fonctionnelle, ainsi que de la qualité de vie. Elle est proposée aux patients en insuffisance cardiaque réfractaire au traitement médical optimal, en rapport avec une dysfonction systolique chronique ventriculaire gauche, et des troubles conductifs intra-ventriculaires importants.  Chez les patients présentant une indication conventionnelle de stimulation cardiaque, associée à une myocardiopathie dilatée, il est reconnu que la stimulation apicale ventriculaire droite a un caractère délétère sur la fonction ventriculaire gauche, qu’un site alternatif respectant mieux le synchronisme ventriculaire, tel que le septum, pourrait l’être moins, la stimulation bi-ventriculaire en première intention chez ces patients, afin de prévenir l’aggravation de l’insuffisance cardiaque est actuellement en cours (étude Biopace). Nous avons préféré chez notre patient nous tourner vers l’implantation d’un stimulateur triple chambre d’emblée en raison de l’altération sévère de la fonction ventriculaire gauche, et du bloc de branche gauche complet préexistant, avec des épisodes d’insuffisance cardiaque, qui étaient déjà mal contrôlés par le traitement médical. L’évolution ultérieure a montré une amélioration effective de la fonction ventriculaire gauche, et une évolution clinique favorable sur le plan de l’insuffisance cardiaque. Les mémoires du stimulateur ont permis le diagnostic étiologique de l’accident vasculaire cérébral régressif de notre patient, et l’introduction d’anticoagulants. En pratique Les recommandations, quant à l’indication de la resynchronisation cardiaque, sont une classe 3 à 4 de la NYHA avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure ou égale à 35 %, une durée de QRS supérieure à 120 ms, et un traitement médical optimal chez les patients porteurs d’une myocardiopathie. Il s’agit d’une recommandation de classe 1 niveau A, pour ce qui est des symptômes cliniques, et de classe 1 niveau B pour ce qui est de la mortalité. L’indication de stimulation cardiaque définitive pour troubles conductifs auriculo-ventriculaires doit systématiquement prendre en compte la fonction ventriculaire pour choisir un mode triple chambre avec resynchronisation quand les critères sont réunis.

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