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HTA

Publié le 14 fév 2006Lecture 6 min

Dihydropyridines, hypertension artérielle et risque coronaire

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Il y a une décennie encore, le cardiologue était confronté à un double hiatus concernant aussi bien la réduction du risque coronaire chez l’hypertendu, que l’utilisation dans cette indication, des inhibiteurs calciques. Il est temps aujourd’hui de refaire le point.

Une réduction du risque coronaire longtemps insuffisante Le traitement pharmacologique efficace de l’hypertension artérielle avait déjà, et depuis longtemps, largement démontré sa capacité à réduire la morbi-mortalité chez l’hypertendu. Au point de vue quantitatif cependant, les « économies » réalisées en matière de prévention de l’insuffisance cardiaque, de l’insuffisance rénale et des accidents vasculaires cérébraux étaient nettement plus consistantes que la réduction, certes significative mais relativement modeste, des épisodes coronariens. Ce constat était frustrant puisque la maladie coronaire représente, de facto, la principale complication de l’hypertension artérielle, tout du moins chez l’hypertendu caucasien.   L’espoir déçu des inhibiteurs calciques Le deuxième hiatus concernait les résultats quelque peu décevants que semblaient obtenir les inhibiteurs calciques dans cette indication. Il existait, en effet, un contraste entre un profil pharmacologique apparemment très favorable puisque les anticalciques sont à la fois antihypertenseurs et antiischémiques, et, de surcroît, réduisent la progression de l’athérome sur de nombreux modèles animaux et même dans certaines études cliniques préliminaires. Ces propriétés pharmacologiques, en théorie optimale pour réduire la morbi-mortalité coronaire de l’hypertendu ne se traduisait pas par une réduction substantielle de morbi-mortalité, tout du moins, telle que le montraient les métaanalyses effectuées à cette époque.   Des explications « pharmacologiques » Une analyse plus critique, plus approfondie du profil pharmacologique, expérimental et clinique des anticalciques, a apporté une série d’explications vraisemblables à ce constat.   L’effet inotrope négatif des anticalciques bradycardisants (vérapamil et diltiazem) avait probablement été initialement sous-évalué. Ces molécules ont un effet délétère chez les patients à fonction ventriculaire gauche altérée, même en dehors de l’insuffisance cardiaque patente. Il en est résulté un recentrage des indications de ces anticalciques bradycardisants sur les patients à fonction ventriculaire gauche intacte. En ce qui concerne les dihydropyridines, la préoccupation n’était pas de même nature. Les dihydropiridines de première génération, dont le prototype est la nifédipine, induisent un effet vasodilatateur brutal, d’amplitude parfois excessive, responsable en outre, par l’activation du baroréflexe, d’une hypertonie sympathique noradrénergique, particulièrement délétère chez le coronarien (c’est précisément ce que l’on essaye de contrebalancer par les bêtabloquants !). La compréhension du phénomène a conduit à la mise au point d’instruments pharmacologiques nouveaux, soit par amélioration galénique des molécules anciennes, soit par mise au point de molécules nouvelles qui, grâce à leur mécanisme d’action pharmacodynamique et leur profil pharmacocinétique, induisent un effet vasodilatateur beaucoup plus progressif, mettant à l’abri de cette activation sympathique délétère.   Bénéfices des dihydropyridines « modernes » Les résultats des essais cliniques effectués avec ces dihydropiridines d’action progressive ont commencé à être publiés dès la fin 2003 ; nous avons déjà eu l’occasion de discuter, ici, les résultats de ces premières études publiées. Sans revenir sur le « méga » essai ALLHAT établissant la sécurité d’utilisation des dihydropyridines chez l’hypertendu par comparaison à deux autres traitements antihypertenseurs de référence, diurétiques et inhibiteurs de l’enzyme de conversion, nous nous étions « attardés » sur des résultats, publiés il y a un peu plus d’un an, des études VALUE et CAMELOT-NORMALISE. Ces deux études apportaient en effet des résultats convergents sur la réduction du risque coronaire chez l’hypertendu traité par dihydropyridines. L’étude VALUE comparait chez l’hypertendu à haut risque vasculaire un antagoniste de l’angiotensine II, le valsartan, et l’amlodipine. Dans cette vaste étude portant sur plus de 15 000 malades, les deux molécules faisaient jeu égal sur l’habituel critère composite primaire récapitulatif de la morbi-mortalité. En ce qui concerne plus spécifiquement, l’insuffisance coronaire, l’amlodipine obtenait, en matière de réduction de l’incidence de l’infarctus myocardique, un résultat significativement meilleur (- 19 %) que le valsartan. L’étude CAMELOT portait sur la comparaison chez le coronarien stable (près de 2 000 patients) entre l’amlodipine, l’énalapril et un placebo. L’ensemble des patients recevait de surcroît le traitement pharmacologique habituel de prévention secondaire de la maladie coronaire. En utilisant toujours comme critère primaire un index composite de morbi-mortalité coronaire, l’amlodipine obtenait une réduction significative de 31 % par rapport au placebo, l’énalapril obtenait également une réduction de morbi-mortalité coronaire mais celle-ci n’était que de 15 % et n’atteignait pas la significativité statistique. L’amlodipine était, dans cette étude, particulièrement efficace sur la réduction du risque de réhospitalisation pour angor (- 42 %) et sur la nécessité d’avoir recours à une revascularisation coronaire (- 27 %). Ces résultats cliniques de l’étude CAMELOT obtenus avec l’amlodipine sont confortés par des résultats analogues obtenus par la nifédipine retard à l’occasion d’une étude de même nature (étude ACTION). L’étude ancillaire NORMALISE est encore plus démonstrative. Concernant quelques centaines de patients de l’étude principale CAMELOT, elle comportait le renouvellement à 24 mois d’intervalle d’une échographie endocoronaire afin d’étudier l’évolution de la plaque d’athérome proprement dite. Cette évolution a été ralentie dans le groupe amlodipine ; cet effet frénateur de l’athérogenèse était plus marqué chez les patients, tous au demeurant normotendus selon les critères OMS, mais présentant les chiffres tensionnels les plus élevés. L’étude ASCOT, dont les résultats ont récemment été publiés dans le Lancet, également réalisée chez l’hypertendu à risque, comparait le potentiel à réduire les événements coronaires mortels et non mortels de deux stratégies antihypertensives, l’une basée sur l’utilisation d’amlodipine éventuellement associée à un inhibiteur de l’enzyme de conversion (perindopril), l’autre sur l’utilisation d’un bêtabloquant éventuellement associé à un diurétique. Cette étude a été interrompue prématurément par le comité de surveillance en raison d’une réduction statistiquement significative, au bénéfice du groupe basé sur l’amlodipine, d’un critère de jugement, secondaire pour les méthodologistes ayant conçu l’étude mais jugé à juste titre essentiel par le comité de surveillance : il s’agissait de la mortalité toute cause ! Du fait de cette interruption prématurée, le nombre total d’événements à été inférieur à ce qui avait été calculé initialement, ce qui rend compte d’une puissance statistique légèrement inférieure à ce qui était escompté. Quoi qu’il en soit, sur le critère principal de mortalité coronaire et d’infarctus myocardique non mortel, on observait une réduction de l’ordre de 10 % dans le groupe amlodipine, cette réduction n’atteignant cependant pas le seuil de significativité. On observe dans le groupe amlodipine une réduction significative de 14 % du nombre de procédures de revascularisation coronaire, une réduction également significative de 13 % de l’ensemble des événements coronaires ; la réduction des hospitalisations pour angor instable est encore plus nette et significative puisqu’elle est de 32 %. En revanche, la survie d’un angor chronique stable est observée avec la même prévalence dans les deux groupes. Enfin, la réduction de mortalité totale, paramètre ayant motivé l’interruption prématurée de l’étude, atteint 11 % dans le groupe amlodipine, ce qui est statistiquement significatif.   En conclusion Les résultats des trois études VALUE, CAMELOT et ASCOT sont remarquablement concordants, confirmant qu’il est possible de réduire très substantiellement la morbi-mortalité coronaire chez l’hypertendu, moyennant un traitement efficace. En la matière, les dihydropyridines peuvent revendiquer une très solide efficacité.   Liste des acronymes des études citées ACTION : A Coronary disease Trial Investigating Outcome with Nifedipine GITS ALLHAT : Antihypertensive and Lipid Lowering treatment to prevent Heart Attack Trial CAMELOT : Comparison of AMlodipine versus Enalapril to Limit Occurrences of Thrombosis NORMALISE : NOrvasc for Regression of Manifest Atheromatous Lesions Intravascular by Sonographic Evaluation VALUE : Valsartan Antihypertensive Long-term Use Evaluation trial

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