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Cardiologie interventionnelle

Publié le 01 nov 2011Lecture 8 min

Tronc commun coronaire gauche : stenting ou pontage ?

D. CARRIE, CHU Rangueil, Toulouse

L’amélioration technologique, l’expérience des opérateurs, ainsi que les multiples séries de registres ou d’études cliniques avec le stent, nous permettent aujourd’hui de mieux positionner l’angioplastie par rapport au pontage aorto-coronarien dans le choix de la revascularisation myocardique des lésions du tronc commun coronaire gauche.

Historique du stenting dans la revascularisation du tronc commun coronaire gauche Pendant plus de 30 ans, la lésion du tronc commun coronaire gauche fut réservée exclusivement à la chirurgie de pontage d’autant plus que le patient avait une fonction ventriculaire gauche altérée, des lésions diffuses associées voire calcifiées, un statut diabétique et ou une lésion courte, voire une atteinte distale de ce tronc. L’angioplastie par stenting ne vivait donc que des contre-indications de la chirurgie à savoir une espérance de vie limitée, un état de choc ou une phase aiguë d’infarctus, voire un tronc commun protégé ou semi-protégé par des pontages antérieurs. De ce fait et jusque très récemment encore, les recommandations européennes ou nord-américaines classaient l’angioplastie par stent du tronc commun gauche uniquement en classe IIbC, faisant donc réserver cette technique aux contre-indications chirurgicales.   Impact du stent actif Les premières séries de stenting pour traiter un tronc commun coronaire gauche retrouvaient une différence très significative à 1 an en termes d’événements cardiaques majeurs en faveur du stent actif par rapport au stent nu. C’est Erglis en 2007 par une étude randomisée entre les 2 types de stent qui confirma définitivement l’intêret des stents actifs dans ce type de lésion et ce, malgré un diamètre du tronc en général > 3,5, voire 4 mm.   Faut-il privilégier un type de stent actif ? En termes de données scientifiques, les 2 stents actifs les plus étudiés sont incontestablement les stents Taxus coatés au paclitaxel et Cypher enrobés de sirolimus. Même si le stent Taxus, du fait de sa disponibilité pour les gros vaisseaux > 3,5 mm semble plus utilisé dans ce type d’indications, les nombreux registres avec ces 2 stents retrouvent des résultats similaires en termes d’événements cardiaques à moyen terme confirmés par l’étude randomisée ISAR-LEFT MAIN qui ne retrouve, sur 600 patients, aucune différence significative. Les nouveaux stents actifs de 2e voire 3e génération avec polymère biorésorbable et amélioration technologique de la plateforme sont à l’étude et semblent prometteurs, notamment le stent actif Xience coaté à l’évérolimus.   La localisation anatomique, distale ou non distale, de la lésion du tronc commun détermine la technique de stenting Toujours dans les années 2006-2007, les travaux de Chieffo et Valgimigli ont mis en évidence des différences très significatives en termes d’événements cardiaques à 2 ans entre les troncs distaux et non distaux. Si dans le premier cas, le taux d’événements cardiaques majeurs à 1 an oscillait entre 15 et 30 % selon les séries, ce chiffre était beaucoup plus bas pour un tronc commun non distal, aux alentours de 5 %. Une première idée commencait alors à s’imposer, à savoir l’approche tout à fait raisonnable du stenting du tronc commun non distal par stent actif avec d’excellents résultats à moyen terme. Malheureusement, cette situation anatomique ne représente que 20 à 30 % des atteintes du tronc commun, alors que les lésions distales représentent la majorité des situations anatomiques (figure 1).   Figure 1. Localisations des lésions du tronc commun gauche. Reste à savoir par quelle technique de stenting il faut aborder ce tronc distal : 1 ou plusieurs stents, crush, T-provisional stenting, culotte, Y ou V stenting, simultaneous kissing stent, etc. ? Il semble que le T-provisional stenting (1 seul stent dans la branche mère avec stenting optionnel de la branche fille) s’impose comme la technique de référence pour ces lésions de bifurcation IVA-circonflexe. L’étude pilote française avec le stent actif Taxus puis l’étude multicentrique française FRIEND (69 % de lésions distales) toujours avec le même stent et la même technique de T-provisional stenting confirment le taux tout à fait raisonnable d’événements avec un taux de resténose angiographique extrêmement bas de < 5 % à 8 mois et un taux d’événements cardiaques majeurs (mortalité, accident vasculaire cérébral, thrombose de stent, nouvelle revascularisation) d’environ 15 % à 2 ans et voisin de 20 % à 3 ans. Quant au taux de thromboses de stent du tronc commun prouvées et probables, il est de 0,7 %. L’incidence globale des thromboses certaines, probables ou possibles, est de 2,8 % avec un risque majoré chez les patients avec stent de la branche mère, mais aussi de la branche fille en cas de lésions de bifurcation. Ces résultats font que les prochaines études internationales au niveau des lésions de bifurcation vont comparer les stents actifs « dédiés bifurcation » à cette technique du T-provisional stenting.   Pontage aorto-coronaire versus stent actif   Les registres De nombreux registres avec suivi clinique à moyen et long termes (Bologne, Chieffo, Palmerini, Carrié) confirment la faisabilité et la sécurité des stents actifs par rapport à la chirurgie de pontage dans ce type de lésions du tronc commun coronaire gauche en termes de survie, accident vasculaire cérébral, thrombose de stent et ce, quel que soit l’âge. Le registre de SJ. Park, sur plus de 2 000 patients avec un suivi clinique à 3 ans, confirme ces résultats au prix, là aussi, d’un taux de revascularisation secondaire plus élevé dans le groupe stent que pontage (10 % vs 2 %). Mais c’est bien évidemment l’étude randomisée SYNTAX qui reste la référence majeure en termes de résultats.   Étude SYNTAX Cette étude a randomisé 1 800 patients porteurs de lésions coronariennes multitronculaires entre stent actif Taxus et chirurgie de pontage aortocoronaire. Dans cette population, un tiers des sujets présentaient une atteinte du tronc commun gauche, isolée ou associée à d’autres lésions coronariennes. Le grand mérite de cette étude est de définir un score Syntax qui évolue en fonction de la sévérité des lésions angiographiques et notamment la présence d’une lésion du tronc commun gauche, de bifurcations, de calcifications, d’occlusions chroniques, de thrombus, voire de tortuosités… permettant ainsi d’établir une corrélation anatomo-clinique à moyen terme concernant les événements cardiaques majeurs. Dans les groupes lésion du tronc commun isolée ou associée à d’autres lésions coronaires avec un score Syntax allant de 0 à 22 (figure 2) ou de 23 à 32 (figure 3), le bras angioplastie coronaire avec stent actif fait jeu égal à 3 ans avec le groupe pontage aortocoronaire en termes d’événements cardiaques majeurs, y compris en termes de revascularisations itératives.   Figure 2. Score Syntax bas de 0 à 22. Figure 3. Score Syntax intermédiaire de 23 à 32. En revanche, dans le groupe score Syntax ≥ 33, la différence est très significative en faveur de la chirurgie (21,2 % vs 37,3 %), toujours pour le même type d’événements cardiaques (figure 4). Il est intéressant de noter qu’en termes de coût à 1 an, plus le Syntax score est élevé et plus l’angioplastie par stenting est onéreuse avec un coût moindre de la chirurgie pour des Syntax scores > 33, du fait des revascularisations itératives dans le bras stenting.   Figure 4. Score Syntax élevé ≥ 33. C’est ainsi que les nouvelles recommandations nord-américaines et européennes publiées récemment admettent comme une alternative à la chirurgie le traitement des lésions du tronc coronaire gauche par angioplastie avec stent actif (classe IIbB), à condition que les patients soient à faible risque de complications avec des conditions anatomiques favorables à un tel geste interventionnel.   En synthèse : angioplastie ou chirurgie ? Au terme de l’ensemble des données de la littérature, plusieurs facteurs anatomiques et cliniques doivent intervenir dans la décision thérapeutique.   Facteurs anatomiques Comme nous l’avons évoqué précédemment, le score Syntax devient un outil majeur dans l’aide décisionnelle thérapeutique en vue d’une revascularisation myocardique du tronc commun coronaire gauche. Un score bas < 33 et a fortiori < 22 nous incitera à proposer une revascularisation par stenting actif. A contrario, un score Syntax > 33 nous conduira de façon très préférentielle vers la chirurgie de pontage.   Facteurs cliniques Syndrome coronaire aigu Aucune étude concernant le choix du stenting ou du pontage pour une lésion du tronc commun coronaire gauche n’a été réalisée en situation de syndrome coronarien aigu. Si dans l’infarctus du myocarde en phase aiguë, la chirurgie reste exceptionnelle, il semble que l’angor instable ne soit pas non plus une situation favorable à la chirurgie (étude ERACI-II).   Sexe féminin Si la population féminine est plus âgée, avec un calibre artériel coronaire plus réduit et la présence d’hématomes et de transfusions plus importante, les analyses uni- et multivariées ne la retrouvent pas à long terme comme un facteur prédictif d’événements cardiaques majeurs après stenting. Sujet âgé La notion dominante est qu’en dehors du sujet diabétique, la survie à moyen terme est identique quelle que soit la technique utilisée. Toutefois, l’angioplastie par stenting entraîne une plus faible incidence d’accident vasculaire cérébral. S’il existe une comorbidité associée avec un EuroScore élevé > 6-8, le risque chirurgical devient plus important que le stenting en termes d’événements cardiaques majeurs. Antécédents de pontage aortocoronaire La chirurgie redux s’adresse à des patients plus fragiles et s’expose à des problèmes techniques, ce qui entraîne une mortalité 2 à 3 fois supérieure à une primo-intervention et donc à une angioplastie coronaire. Le stenting du tronc coronaire natif s’il est accessible, ou des lésions focalisées des greffons, semble être une bonne alternative chez ces patients fragilisés. Diabète Du fait le plus souvent de l’ancienneté de la maladie, le sujet diabétique lorsqu’il est exploré présente des lésions coronariennes diffuses avec un score Syntax élevé englobant parfois une lésion du tronc commun gauche. Le traitement sera donc, dans la majorité des cas, une chirurgie de pontage, d’autant plus que le taux d’événements cardiaques majeurs dans ce groupe est indépendant du score Syntax. Ces données nouvelles s’expliquent parfaitement bien du fait que le greffon artériel ou veineux vient se positionner sur la distalité de l’artère en aval des lésions coronariennes parfois diffuses et multifocales.   En pratique   Si la chirurgie du tronc commun coronaire gauche reste une technique bien établie, l’angioplastie par stenting devient une alternative tout à fait acceptable dans certaines situations anatomiques et cliniques. La notion d’équipe médico-chirugicale ou « heart team » reprend tout son sens pour discuter de l’indication chirurgicale ou interventionnelle de chaque patient en tenant compte du score Syntax : élevé favorable à la chirurgie et bas favorable au stenting. Dans les situations intermédiaires, l’évaluation globale du patient et l’expérience de chaque centre en angioplastie et en chirurgie seront autant d’éléments déterminants dans le choix de la revascularisation myocardique.

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