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Vasculaire

Publié le 21 nov 2006Lecture 8 min

Les compressions artérielles localisées : quelques repères pour la pratique

M. PEREZ-COUSIN, CHRU de LILLE

Les artériopathies par compression artérielle localisée sont rares. Elles sont représentées essentiellement par les syndromes de la traversée cervico-thoraco-brachiale et les syndromes de l’artère poplitée piégée. Ces artériopathies se manifestent essentiellement chez le sujet jeune sans facteur de risque vasculaire. Le diagnostic positif est fait par l’écho-Doppler et l’angioscanner ou l’IRM. Leurs complications thromboemboliques font leur gravité, ce qui explique que leur prise en charge thérapeutique soit dominée par le traitement chirurgical.

Toutes les artériopathies ne sont pas athéromateuses Lorsque l’on parle d’artériopathie, on évoque avant tout les artériopathies athéromateuses, mais de nombreuses artériopathies ne sont pas d’origine athéromateuse (tableau). Le contexte clinique, l’anamnèse et les explorations complémentaires permettent d’en réaliser le diagnostic. Les compressions artérielles représentent une étiologie d’artériopathies relativement rares que ce soit au niveau des membres inférieurs ou des membres supérieurs. Elles surviennent essentiellement chez des sujets jeunes sans facteur de risque vasculaire. Sur le plan clinique, ces compressions artérielles localisées sont souvent asymptomatiques. Mais elles peuvent se manifester sur les modes hémodynamique ou thromboembolique. En effet, la compression artérielle peut entraîner des lésions sténosantes responsables de troubles vasomoteurs, de claudication d’effort, voire d’ischémie. La compression artérielle répétée peut également induire des lésions pariétales de l’artère à type d’ulcérations pariétales ou de dilatation anévrismale, elles-mêmes sources de complications thromboemboliques. Certaines zones anatomiques sont plus favorables à la survenue de compression artérielle. Il s’agit, au niveau des membres supérieurs, de la zone du défilé thoracobrachial et, au niveau des membres inférieurs, du creux poplité. Le traitement de ces compressions est très souvent chirurgical en raison de la sévérité des complications potentielles thromboemboliques. Les syndromes de la traversée cervico-thoraco-brachiale   Qu’est-ce ? Parfois nommés syndromes des scalènes ou syndromes des défilés costoclaviculaires, les syndromes de la traversée cervico-thoraco-brachiale englobent l’ensemble des manifestations cliniques vasculaires et neurologiques liées à la compression intermittente ou permanente des vaisseaux sous-claviers (artère ou veine sous-clavière) et du plexus brachial le long du la traversée throraco-brachiale dans l’un des 4 défilés potentiels (défilé interscalénique, costoclaviculaire, sous-pectoral et le billot huméral). Dans ce syndrome relativement rare, les compressions neurologiques sont de loin les plus fréquentes (85 % des défilés) ; viennent ensuite les compressions veineuses (10 %) puis les compressions artérielles (5 %).   Pourquoi ? Dans le syndrome du défilé throraco-brachial à composante artérielle, l’élément compressif est souvent osseux (côte cervicale surnuméraire, 1re côte hypertrophique, agénésie antérieure de la 1re côte, apophysiomégalie transverse de C7, cal vicieux post-fracturaire, etc.) mais peut aussi être fibromusculaire (anomalie acquise : hypertrophie des scalènes due à un entraînement sportif, ou congénitale). La compression chronique de l’artère sous-clavière entraîne des lésions surtout intrinsèques de l’artère à type d’ulcérations intimales, de sténose avec dilatation post-sténotique ou d’anévrisme. Toutes ces lésions peuvent provoquer des embolies distales. Quand y penser ? • Devant l’apparition d’une ischémie intermittente d’effort au niveau d’un membre supérieur à type de fatigabilité, de crampes lors d’effort et de certaines postures comme la surélévation du bras ; • devant l’apparition d’un acrosyndrome de type phénomène de Raynaud unilatéral ; • devant un tableau d’embolie distale allant du doigt blanc ou bleu jusqu'à la nécrose pulpaire ou digitale (figure 1) ; • devant l’apparition d’une ischémie aiguë d’un doigt voire du membre. Tous ces symptômes sont d’autant plus évocateurs qu’ils surviennent chez des adultes jeunes souvent de sexe féminin. Figure 1. Nécrose digitale révélatrice d’un syndrome de la traversée (Pr Hachulla CHRU Lille). Que rechercher à l’examen clinique ? • Une manœuvre du chandelier positive. Le patient, étant assis les bras en position « haut les mains », effectue des mouvements répétés de flexion extension des doigts. La manœuvre est positive si elle est interrompue avant 1 minute en raison de l’apparition de paresthésies ou d’impotence d’un ou des deux bras ; • l’abolition du pouls radial lors des manœuvres d’abduction du bras à 90° ; • l’existence d’un souffle sous-clavier ou l’apparition d’un souffle lors des manœuvres dynamiques ; • le comblement du creux sus-claviculaire par une masse battante.   Quels examens à envisager ? Un écho-Doppler artériel des membres supérieurs statique et dynamique. En position indifférenciée, l’écho-Doppler recherche une sténose ou une anomalie pariétale de la sous-clavière et apprécie l’état du lit d’aval (figure 2). L’exploration dynamique effectuée chez un patient assis recherche une compression de la sous-clavière lors de l’abduction du bras, éventuellement associée à une inspiration forcée et à une rotation de la tête en position homo- ou controlatérale. La manœuvre est positive lorsqu’elle induit une compression de l’artère sous-clavière entraînant une disparition des flux au niveau de l’artère humérale (figure 3). Figure 2. Sténose de la sous-clavière avec ectasie post-sténotique. Figure 3. Abolition du flux artériel lors des manœuvres dynamiques. Une radiographie (face + oblique) du rachis cervical à la recherche d’une anomalie osseuse (figure 4). Un angioscanner permet une bonne étude des structures osseuses, des zones de compression et des lésions artérielles (figure 5). L’artériographie n’est indiquée que dans un but préchirurgical. Figure 4. Présence de côtes surnuméraires bilatérales (Pr Remy-Jardin CHRU Lille). Figure 5. Compression de la sous-clavière au niveau de la pince costoclaviculaire avec ectasie post-sténotique (Pr. Rémy-Jardin CHRU Lille). Quels traitements ? Le traitement médical repose sur la kinésithérapie. Elle a pour but de renforcer le système musculaire en renforçant le rôle des muscles dits « ouvreurs » de la pince costoclaviculaire. Dans la forme artérielle du syndrome de la traversée throraco-brachiale, la kinésithérapie est réservée aux formes mineures, c'est-à-dire sans lésion pariétale de l’artère et en l’absence d’anomalie osseuse. Le traitement chirurgical est impératif en cas de lésions artérielles (lésions intimales, sténose, anévrisme, etc.). Il comporte la suppression de la compression artérielle (résection de la 1re côte, exérèse de côte cervicale, etc.) ainsi que la réparation des lésions de l’artère sous-clavière (résection-suture, pontage, etc.).   Les syndromes de la poplitée piégée   Syndrome de la traversée thoraco-brachiale en 6 points 1. Évoquer le diagnostic devant tout phénomène artériel unilatéral allant de l’acrosyndrome à la nécrose digitale. 2. Rechercher une abolition de pouls à l’examen clinique lors de l’élévation du bras. 3. Effectuer un écho-Doppler avec des manœuvres dynamiques. 4. Faire une radiographie du rachis cervical. 5. Faire un angioscanner. 6. Procéder à un traitement chirurgical en cas de lésions artérielles et/ou anomalies osseuses.   Qu’est-ce ? Les syndromes de la poplitée piégée résultent de la compression extrinsèque dynamique de l’artère poplitée par les structures avoisinantes musculo-tendineuses, voire osseuses. C’est une pathologie rare survenant chez le sujet jeune, préférentiellement de sexe masculin et sportif. Ce syndrome est bilatéral dans 30 % des cas.   Pourquoi ? Le syndrome de l’artère poplitée piégée résulte le plus souvent d’une anomalie embryologique aboutissant soit à une déviation du trajet de l’artère soit à une anomalie d’insertion musculaire. L’anomalie musculaire est à l’origine de 50 % des pièges poplités. À côté de ces pièges dit anatomiques, qui sont les plus fréquents, il existe des pièges poplités fonctionnels secondaires à une hypertrophie musculaire par entraînement sportif. Comme dans toutes les compressions artérielles extrinsèques, le traumatisme répété de l’artère poplitée peut engendrer des lésions intimales qui, elles-mêmes, peuvent évoluer vers la sténose, la thrombose, l’anévrisme post-sténotique et la dégradation du lit distal par embolies. Quand y penser ? • Devant une claudication intermittente à type de crampes au niveau du mollet, qui parfois est atypique car variable d’un jour à l’autre, plus douloureuse à la marche qu’à la course ; • devant une ischémie aiguë survenant le plus souvent pendant l’exercice du sport ou dans les heures qui suivent. Y penser devant toute manifestation artérielle au niveau du mollet et du pied chez un sujet jeune (surtout chez l’homme) sans facteur de risque vasculaire.   Que rechercher à l’examen clinique ? • En dehors des complications, l’examen clinique est normal. L’intérêt des différentes manœuvres dynamiques (disparition du pouls tibial postérieur lors de la flexion plantaire active du pied avec extension du genou ou lors de la flexion plantaire dorsale) reste controversé car elles manquent de spécificité ; • la palpation d’un anévrisme poplité ; • la présence d’un œdème traduisant une compression veineuse associée.   Quels examens pratiquer ? En première intention, l’écho-Doppler permet de rechercher une sténose, une thrombose poplitée et apprécie les flux en distalité. Les manœuvres dynamiques à la recherche d’un amortissement du flux pédieux provoqué par la flexion active ou la dorsiflexion passive du pied manquent de spécificité mais ont une excellente sensibilité. L’échographie peut retrouver une anomalie pariétale (épaississement, dilatation poststénotique, thrombus, etc.). Elle permet parfois de déterminer le mécanisme du piège en décelant une déviation de l’artère, un diastasis entre la veine et l’artère. Une IRM, l’examen de référence dans la pathologie poplitée non athéromateuse. Elle permet à la fois de visualiser l’anatomie artérielle et les structures avoisinantes musculotendineuses ou osseuses à l’origine de piège. L’artériographie n’est plus systématique, d’autant plus qu’elle ne précise pas le mécanisme du piège. Elle reste parfois nécessaire avant un geste restaurateur.   Quel traitement ? Une fois le diagnostic posé, le traitement ne peut être que chirurgical. Il consiste en la résection de l’élément compressif (résection musculaire ou tendineuse, recentrage de l’artère, etc.) associé, en cas de lésion artérielle, à un geste de revascularisation par pontage veineux.   Syndrome de la poplitée piégée en 3 points 1. Évoquer le diagnostic de poplitée piégée devant une claudication du mollet chez un sujet jeune sportif sans facteur de risque vasculaire. 2. Faire pratiquer un écho-Doppler et une IRM. 3. Indication d’un traitement chirurgical.   En pratique   Devant toute atteinte artérielle, que ce soit au membre inférieur ou supérieur survenant chez un sujet jeune sans ou avec peu de facteurs de risque vasculaire, il faut évoquer une artériopathie par compression artérielle. Un examen clinique orienté, un écho-Doppler et un angioscanner ou une IRM permettent facilement d’en faire le diagnostic. Une fois le diagnostic posé, le traitement à proposer est souvent chirurgical.

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