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Coronaires

Publié le 04 mai 2004Lecture 9 min

Lésions du tronc commun distal - Pour une revascularisation « exclusivement » mammaire interne

P. NATAF, Centre cardiologique du Nord, Saint-Denis

Les Journées des groupes de travail de la SFC ont évolué et sont maintenant concentrées sur la journée du vendredi.
À l’occasion de la Journée du 19 mars (Groupe Athérome Coronaire et Cardiologie Interventionnelle [GACI], présidé par Hélène Eltchaninoff de Rouen), P. Nataf a fait un plaidoyer en faveur d’une revascularisation double mammaire et nous livre l’expérience du CCN.

La chirurgie a longtemps été considérée comme la seule option thérapeutique en cas de lésions du tronc commun de l’artère coronaire gauche. Cependant, en même temps qu’ont évolué les techniques de pontage coronaire, avec notamment l’utilisation accrue des deux artères mammaires internes, les nouveaux matériaux et l’expérience acquise en angioplastie coronaire ont permis l’élargissement des indications des techniques percutanées aux lésions du tronc commun.   Mammaire interne Sur les séries publiées entre 1998 et 2000, la mortalité de l’angioplastie du tronc commun varie de 0 à 9 %, le risque de revascularisation pour resténose de 17 à 22 % et la survie à 1 an est comprise entre 87 et 95 %. L’arrivée des stents « coatés », à faible taux de resténoses, semble encore améliorer ces résultats. Les différentes séries publiées récemment et les registres en cours doivent nous conduire à la réalisation d’une étude randomisée comparant les résultats respectifs de la chirurgie et de l’angioplastie pour de telles lésions. Cela est d’autant plus important et d’actualité qu’en fait peu d’études chirurgicales récentes ont évalué le risque opératoire des pontages pour sténose du tronc commun de l’artère coronaire gauche. En raison de l’évolution de la chirurgie coronaire, les résultats des séries classiques de la CASS et des Veterans semblent dépassés. Ces études, datant de plus de 15 ans et portant sur une population large et hétérogène de patients coronariens opérés, n’ont pas évalué spécifiquement les résultats périopératoires du groupe particulier de malades porteurs de lésions du tronc commun. Par ailleurs, les patients inclus dans ces études ont eu une revascularisation myocardique n’utilisant que très rarement l’artère mammaire interne gauche.   Résultats de la chirurgie Le choix du meilleur traitement à proposer en fonction de chaque patient nécessite donc, dans un premier temps, de connaître les résultats actuels obtenus par la chirurgie. La série du CCN Les données récentes portant sur une série consécutive de 372 patients ayant une sténose du tronc commun opérés entre 1998 et 2000 au Centre cardiologique du Nord (CCN) ont été analysées dans ce but. Les données épidémiologiques montrent que les patients opérés pour sténose du tronc représentent environ un tiers de la population des patients pontés et que plus d’un quart ont été opérés en urgence. Il est à noter que moins du tiers des patients étaient porteurs d’une lésion isolée du tronc commun et que, dans la majorité des cas, une atteinte coronarienne tritronculaire était associée à la lésion du tronc commun (figure 1). Cet argument est essentiel dans le choix du moyen thérapeutique, chirurgical ou percutané, à proposer. Figure 1. Tronc commun opéré. Série CCN. ESC Stockolm 2001. Lésions coronaires associées aux sténoses du tronc commun. En cas de sténose du tronc commun associée à des lésions pluritronculaires, doit-on multiplier les sites de dilatation et de stenting qui comportent chacun un risque de resténose, ou proposer d’emblée un traitement radical, durable et ayant fait preuve de son efficacité ? Pour suivre ce raisonnement, tous les malades opérés dans cette série ont eu une revascularisation de l’artère interventriculaire antérieure par l’artère mammaire interne gauche et, chez 60 %, les deux artères mammaires internes ont été utilisées en complément de greffons saphènes ou radial. Dans 95 % des cas, la revascularisation a été jugée complète. Morbi-mortalité • La mortalité globale a été de 3,7 % et a été influencée par l’âge puisqu’elle était de 0,8 % chez les patients de moins de 65 ans, de 3,7 % chez les patients entre 65 et 75 ans et de 7,8 % après 75 ans. Les complications classiques cardiaques, neurologiques, rénales et septiques de la chirurgie coronaire ont été retrouvées dans les causes de décès. • L’analyse univariée a montré qu’en préopératoire, l’infarctus récent, l’insuffisance rénale, la fibrillation auriculaire et l’âge avancé sont des facteurs influant sur la mortalité opératoire (tableau 1). La revascularisation incomplète et le recours aux inotropes positifs en postopératoire ont également été des facteurs prédictifs de mortalité. • L’utilisation des deux artères mammaires internes s’est accompagnée d’un risque opératoire moindre. Les complications postopératoires majeures ont été l’infarctus du myocarde (1,6 %), l’accident vasculaire cérébral (1,8 %) et la médiastinite (1,5 %). Le risque de décès et/ou de complications postopératoires majeures a été associé, en analyse multivariée, aux recours aux inotropes, à l’existence d’un infarctus du myocarde récent, à une revascularisation incomplète et à l’âge (tableau 2). Pontages mammaires internes L’utilisation accrue des deux artères mammaires internes devrait permettre un succès durable de la revascularisation chirurgicale. Malgré l’absence d’études randomisées, les avantages de la revascularisation myocardique utilisant l’artère mammaire interne gauche sur l’artère interventriculaire antérieure et des greffons veineux sur les autres territoires coronaires sont largement acceptés par rapport à une revascularisation veineuse exclusive. Avantages En comparaison du greffon saphène, l’artère mammaire interne gauche anastomosée sur l’artère interventriculaire antérieure améliore la survie et diminue la fréquence des infarctus du myocarde tardifs, de récidives angineuses et de nécessité de nouvelles interventions coronaires. À 10 ans, 90 à 95 % des pontages IVA-MIG sont perméables et indemnes de lésion, alors que 75 % des greffons veineux sont occlus ou très pathologiques. Une nouvelle intervention chirurgicale peut être nécessaire, chez 30 % des patients pontés avec des veines, 10 à 15 ans après leur première intervention. Les pontages par l’artère radiale n’ont pas actuellement un recul suffisant pour pouvoir être considérés comme une solution de remplacement aux pontages veineux. Les risques d’occlusion précoce, de spasme et la méconnaissance de leur devenir leur font préférer les pontages utilisant les deux artères mammaires internes. Bien que cette hypothèse ait été étudiée par plusieurs groupes, son interprétation est compliquée par la non-randomisation des séries, le faible nombre de patients et le suivi limité de la plupart des études. De plus, initialement, les pontages avec les deux artères mammaires internes étaient essentiellement limités aux patients jeunes et à faible risque. Un biais de sélection faisait que les bénéfices à long terme étaient attribués aux caractéristiques de ces patients à survie prolongée. • La métaanalyse de Taggart parue en 2001 dans le Lancet porte sur l’étude de plus de 3 000 publications, mais n’a finalement inclus que les séries de plus de 100 patients suivis au moins 4 ans. Cette métaanalyse montre, sur un total de 4 693 patients pontés avec les deux artères mammaires internes et 11 269 pontés avec une seule artère mammaire interne, qu’il existe une diminution significative de mortalité pour les pontages double mammaire (odds ratio : 0,81, 95 % IC : 0,7-0,94), une plus faible incidence de réopérations pour les doubles mammaires à 5 ans dans deux études et à 10 ans pour trois études. • La série de Lytle portant sur 1 124 patients montre, à 10 ans, une diminution significative des réopérations en cas de double mammaire (8 % vs 40 %. OR : 0,27, 95 % IC : 0,19-0,37). Nouvelles techniques chirurgicales Afin d’optimiser l’utilisation des deux artères mammaires internes et éviter les autres greffons veineux ou radial, de nouvelles techniques chirurgicales sont proposées. • Ainsi, au CCN, notre expérience personnelle en 2003, montre que l’utilisation exclusive des deux artères mammaires internes sur plus de 300 patients a pu être réalisée dans 98 % des cas. Les techniques adoptées consistent, après un prélèvement squelettisé des artères mammaires internes, soit en une segmentation de l’artère mammaire interne gauche, soit en la réalisation d’anastomoses en Y entre les deux artères mammaires internes avec anastomoses séquentielles successives. La segmentation de l’artère mammaire interne gauche assure la revascularisation de deux territoires coronaires distants avec une seule artère mammaire interne. Le prélèvement des artères mammaires internes par squelettisation permet d’obtenir des greffons de grande longueur pour la revascularisation coronaire. Parfois, le site anastomotique sur l’artère interventriculaire antérieure ne nécessite pas l’utilisation de toute la longueur de l’artère mammaire interne gauche pédiculée. Son segment distal peut alors être sectionné et anastomosé en Y, soit sur l’artère mammaire interne gauche native pour ponter la diagonale, la bissectrice ou une marginale haute, soit sur l’artère mammaire interne droite pour ponter une marginale basse ou l’IVP. • Notre expérience commune avec le Dr Ramzi Ramadan, à l’hôpital Marie Lannelongue, concerne 84 malades. Elle montre que la segmentation de l’artère mammaire interne gauche offre un greffon mammaire « additionnel » pour des pontages exclusivement artériels. De plus, en permettant une anastomose coronaire termino-latérale, cette technique facilite les anastomoses multiples lors de la chirurgie à cœur battant (figures 2 et 3). Figure 2. Segmentation de l’artère mammaire interne gauche en trident pour le pontage du réseau gauche en utilisant uniquement l’artère mammaire interne gauche. L’artère mammaire est sectionnée en trois segments et chacun de ces segments est anastomosé en Y sur le greffon pédiculé. Figure 3. Anastomose en Y de l’artère mammaire interne droite sur l’artère mammaire interne gauche. L’artère mammaire interne droite est sectionnée à son origine après son prélèvement puis est anastomosée en termino-latéral sur l’artère mammaire interne gauche. Ce montage permet de revasculariser l’ensemble des territoires coronaires en n’utilisant exclusivement que les greffons mammaires. Résultats • La réalisation d’anastomoses en Y entre les deux artères mammaires internes avec anastomoses séquentielles successives a été décrite initialement par Tector, chirurgien américain du Wisconsin (figures 4 et 5). Cet auteur a rapporté, sur une série de 897 patients pontés uniquement avec les artères mammaires internes pour une moyenne de 4,2 pontages/patient, une mortalité hospitalière de 2,3 % et une survie de 83 % à 8 ans ; 94 % des patients n’ont pas eu besoin de revascularisation itérative à 8 ans. Figure 4. Montage en Y après anastomoses coronaires. Figure 5. A. TDM multibarette 1. Segmentation de l’artère mammaire interne gauche pour la revascularisation du territoire de l’IVA et de l’artère marginale. B. TDM multibarette 2. Anastomose en Y de l’artère mammaire interne droite sur l’artère mammaire interne gauche. Revascularisation de l’ensemble du réseau coronaire par les deux greffons mammaires internes. • L’adoption systématique de cette technique à toute indication de revascularisation chirurgicale du myocarde, quel que soit l’âge ou le terrain, nous a permis de proposer cette option thérapeutique à 173 patients (147 hommes, âge moyen 65 ± 10,7 ans, FE moyenne : 60 ± 11 %) consécutifs, opérés entre août 2002 et mai 2003. • Une revascularisation complète « exclusivement mammaire » a pu être effectuée chez 169 patients (97,6 %) avec une moyenne de 3,7 pontages/patient. La durée moyenne de clampage aortique et de circulation extracorporelle était respectivement de 52,7 ± 14 min et 66,3 ± 16,4 min. La mortalité hospitalière a été de 2,3 % (n = 4) par défaillance polyviscérale (n = 2), choc cardiogénique (n = 1), AVC (n = 1). Un infarctus du myocarde postopératoire est survenu dans 3 cas (1,7 %). Une transfusion sanguine a été nécessaire chez 33 patients (19 %). Une infection superficielle de cicatrice est survenue chez 8 patients (4,6 %), une médiastinite chez 3 patients (1,7 %) et une infection pulmonaire chez 8 patients (4,6 %). La survenue d’une complication n’a pas été significativement plus fréquente chez les malades à risque pour un prélèvement mammaire bilatéral (obèses, diabétiques, femmes, BPCO). Tous les patients ont eu une épreuve d’effort négative au décours de la réadaptation. Aucun patient n’a nécessité une revascularisation itérative.   Conclusion   Actuellement, la chirurgie est le traitement de référence, efficace et à faible risque, chez les patients porteurs de lésions du tronc commun distal de l’artère coronaire gauche. Dans l’optique d’une étude randomisée chirurgie versus angioplastie, il convient donc de proposer une intervention chirurgicale standardisée utilisant les meilleurs greffons disponibles (les artères mammaires internes) pour être comparée aux meilleures techniques d’angioplastie coronaire. Comme en angioplastie — où l’évolution a permis d’améliorer les résultats de la dilatation simple par ballonnet avec l’utilisation des stents classiques, dans un premier temps, puis des stents actifs actuellement — la chirurgie coronaire n’est elle-même plus une technique uniforme et ses résultats à court, moyen et long termes seront probablement différents selon ses modalités. Ainsi, l’utilisation exclusive des artères mammaires internes pour une revascularisation myocardique complète, évitant les greffons veineux ou radial, peut être considérée comme l’équivalent chirurgical de l’évolution technique observée en angioplastie.

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