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Cardiologie générale

Publié le 14 mar 2006Lecture 12 min

Pour notre pratique au quotidien

E. FERRARI , CHU de Nice
Ne mettons pas la charrue avant les bœufs ! Vous adressez un patient à votre correspondant cardiologue interventionnel ; il s’agit d’un patient stable ayant présenté un IDM inférieur. D’après l’anamnèse, l’ECG et les enzymes, l’IDM peut être daté de 3 à 4 jours. La coronarographie retrouve une thrombose de la coronaire droite segment II. Votre correspondant vous réadresse le patient sans l’avoir dilaté. Faut-il changer de correspondant ? Diable non ! Ce médecin applique la médecine factuelle. Il n’y a pas de preuve en 2006 qu’il faille systématiquement rouvrir ces artères retrouvées occluses 3, 4 ou 28 jours après un IDM. Plusieurs « petites » études publiées, ayant inclus au total quelque 500 patients, n’ont pas réussi à démontrer qu’il pouvait y avoir un bénéfice à ce type de geste de désobstruction. Il y a toujours des situations où toutes les attitudes peuvent se discuter… mais, en ce qui concerne un bénéfice à la désobstruction tardive systématique d’une artère coupable d’une nécrose myocardique, nous attendons toujours des preuves. En estimant un risque de survenue d’événements dans un groupe de patients « non désobstrués » à 25 % sur 3 ans et en estimant une éventuelle réduction de ces événements de 25 % dans un groupe de patients « désobstrués », le nombre de patients nécessaire à cette démonstration aurait été de 2 000. La réponse finale pourrait donc sortir de l’étude OAT (Occluded Artery Trial) qui vise à clore le débat et qui vient de terminer ses inclusions. Le schéma et les caractéristiques de ses 2 027 patients randomisés sont publiés dans l’American Heart Journal. En attendant les résultats de cet essai, ne jetez surtout pas la pierre à votre cardiologue interventionnel correspondant, au contraire, il est « dans » l’evidence based medicine. Le bénéfice de la désobstruction tardive systématique de l’artère responsable d’un IDM n’a pas encore été démontré.   Augmentation de la prévalence des anévrismes coronaires chez les consommateurs de cocaïne Devant la présence d’anévrismes coronaires, plusieurs étiologies peuvent être évoquées : l’athérome en premier lieu, mais aussi la maladie de Kawasaki, la syphilis, certaines artérites inflammatoires (Takayasu), certaines maladies de système, les maladies du tissu conjonctif (Marfan, Ehler-Danlos), la polykystose rénale, les anévrismes postangioplastie, etc. ; à cette liste, il faudra dorénavant ajouter l’utilisation de cocaïne. En effet, alors que l’incidence habituelle des anévrismes coronaires dans une population tout venant est de 0,2 à 5 %, cette équipe qui a cathétérisé 112 « cocaïnomanes » retrouve une prévalence d’anévrismes de plus de 30 % ! Il faudra donc s’enquérir dorénavant de l’usage de cocaïne chez nos coronariens présentant des anévrismes.   Dose de charge de clopidogrel dans l’angioplastie coronaire : 300 vs 600 vs 900 mg L’étude consistait à comparer trois doses de charge de clopidogrel chez 60 patients coronariens devant être dilatés. La nouveauté de ce travail est que, outre l’effet antiplaquettaire, les auteurs ont dosé le clopidogrel (prodrug) et sa forme métabolisée active. En résumé, les résultats montrent que la dose de 600 mg entraîne un bénéfice par rapport à la dose de 300 mg (donnée déjà connue dans la littérature sur l’effet plaquettaire), mais que la dose de 900 mg n’apporte rien par rapport à celle de 600 mg. Nous n’aurons donc probablement pas à donner 12 comprimés de clopidogrel avant une angioplastie coronaire !   Y a-t-il encore un bénéfice à donner une statine chez un patient ayant présenté un SCA avec un LDL spontané < 80 mg/l ? C’est la question que s’est posé cette équipe du Michigan. Chez 155 patients qui correspondaient à cette situation, les auteurs ont comparé le devenir à 6 mois en fonction de la prescription ou non d’une statine, qui dans ces conditions était laissée à l’appréciation du clinicien. À 6 mois, 29 % des patients sans statine ont présenté un décès, un infarctus ou un AVC, contre 9 % de ceux qui, malgré un LDL très bas, avaient bénéficié de la prescription d’une statine ! Différence très significative (p = 0,005). Sur le seul critère décès, la différence est déjà significative : 3 décès (5 %) dans le groupe sans statine vs 15 (22 %) dans le groupe avec statine (p = 0,005). Les statines doivent donc être prescrites après un SCA quelque soit le taux de LDL-C.   Élévation du BNP et de la troponine chez les athlètes d’endurance   Ces auteurs ont dosé le BNP – en fait le Nt-pro-BNP – et la troponine chez 105 athlètes d’endurance ; 46 marathoniens, 14 coureurs de 100 km et 45 vététistes. Les dosages étaient faits avant, 15 min et 3 h après l’effort. Les résultats montrent une élévation du NT-pro-BNP pour les trois types de sports, avec une intensité plus forte chez les coureurs de 100 km. La valeur moyenne du NT-pro-BNP augmente de 200 ng/l (pour une normale à 88). Chez certains sportifs l’augmentation est de près de 1 000 ng/ml ! La troponine I augmente à plus de 0,04 µg/l chez 74 % de ces sportifs. La troponine T dépasse 0,01 µg/l chez 47 % des athlètes. Les auteurs concluent qu’il existe une franche dissociation entre l’augmentation de la troponine et celle du BNP et qu’en conséquence, l’élévation du BNP ne traduit pas des lésions d’origine cardiaque.   Finalement pourquoi pas trois antiagrégants ! C’est la théorie qu’a expertisée une équipe chinoise sur près de 3 000 patients angioplastiés. Cette équipe a choisi (arbitrairement) entre deux antiagrégants (aspirine + clopidogrel ou aspirine + ticlopidine) ou trois antiagrégants (aspirine + cilostazol + clopidogrel ou aspirine + cilostazol + ticlopidine). Le taux de thrombose de stent chez les patients bénéficiant d’une bithérapie est de 0,5 % alors qu’il est de 0,1 % chez ceux qui auront eu une trithérapie antiagrégante (p = 0,024). La nécessité de revasculariser la lésion cible est également diminuée : 0,5 à 0,1 %. Ces bénéfices semblent se faire sans surcroît de risque hémorragique (0,6 % d’hémorragies graves avec 2 AAP vs 0,8 % pour 3 AAP). Cette trithérapie diminuerait le taux de thrombose sans surrisque hémorragique.   Ne pas déboucher trop vite les coronaires à la phase aiguë d’un IDM ? On connaît le phénomène de préconditionnement qui correspond à la mise en place de phénomènes protecteurs contre l’ischémie myocardique. Protection que nous constations, en particulier lorsque les endoprothèses n’existaient pas, lors de gonflages itératifs des ballonnets intracoronaires. Au fur et à mesure des gonflages, les conséquences ischémiques – douleur/modifications du ST – étaient clairement de moins en moins amples. En revanche, le phénomène de postconditionnement est plus récent. L’idée est qu’une désobstruction moins « brutale », en limitant les « lésions de reperfusion », pourrait paradoxalement réduire les conséquences d’une nécrose myocardique en cours de constitution. Ce concept avait déjà été validé chez l’animal. L’équipe de Lyon est passée à la phase clinique en étudiant l’impact de ce phénomène chez 25 patients présentant un infarctus ST+ aigu et bénéficiant d’une angioplastie. Une randomisation se faisait entre un groupe « désobstruction classique » et un groupe « désobstruction puis… réobstruction temporaire de l’artère (en regonflant le ballonnet par 4 gonflages de 1 min intercalés par une reperfusion de 1 min) ». Les résultats étaient comparés en particulier sur l’aire sous la courbe des CPK, sur la cinétique segmentaire et sur le « blush » ou perfusion myocardique. Sur ce nombre restreint de patients, les résultats sont remarquables avec une franche diminution de 36 % de l’aire sous la courbe des CPK et une franche amélioration de la perfusion myocardique approchée par l’étude du blush. Si ce phénomène se confirme, il devrait révolutionner la technique de reperfusion des IDM aigus. Le temps de la procédure, qui a été largement raccourci grâce aux endoprothèses, a fortiori, au stenting direct, devrait-il être rallongé du temps de réoblitérations volontaires itératives… ? L’angioplastie, selon un protocole favorisant un préconditionnement pourrait devenir la technique de reperfusion des IDM aigus. L’amélioration de la survie est bien l’objectif essentiel de la médecine. Les progrès diagnostiques et thérapeutiques le permettent régulièrement. C’est le but de cette étude fort intéressante qui n’est finalement pas très flatteuse pour le corps médical.   Thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire chez les patients hospitalisés pour un AVC ischémique ou hémorragique Cette équipe du Michigan a repris les données informatisées de plus de 14 millions de patients hospitalisés pour un AVC entre 1979 et 2003. Une embolie pulmonaire est venue compliquer le tableau dans 0,51 % des cas ; une thrombose veineuse profonde l’a compliqué dans 0,74 %. Ces taux de maladies thromboemboliques veineuses étaient plus importants après un AVC hémorragique (la prévention par antithrombotiques étant plus difficile) avec 0,68 % d’embolies pulmonaires et 1,37 % de thromboses veineuses profondes. Il faut noter que l’incidence de ces complications thromboemboliques veineuses n’a pas été modifiée depuis 25 ans. Surtout, il faut insister sur le fait qu’il s’agit d’événements cliniques, puisque certaines études ont rapporté un taux de TVP infracliniques de 28 à 73 % après un AVC ! L’incidence des TVP cliniques n’a pas été modifiée depuis 25 ans.   Quel est le risque d’AVC après un infarctus du myocarde ? Le taux d’AVC après un IDM n’a pas été récemment actualisé dans la littérature. Cette étude, conduite à la Mayo Clinic, voulait préciser l’incidence des AVC après un IDM, la comparer à celle de la population générale, déterminer si elle s’était modifiée ces dernières années et préciser la valeur pronostique de la survenue d’un AVC après un IDM. Les auteurs se sont servis de la base de données de leur État et ont regardé combien de patients hospitalisés pour IDM (code ICD 410 et suivants) l’avaient été aussi pour un AVC (code ICD 430 à 438 et…). De 1979 à 1998, les auteurs ont « récupéré » 2 160 patients hospitalisés pour un AVC après un IDM. L’incidence des AVC post-IDM est de 22,6/1 000 patients par mois durant les 30 jours qui suivent un IDM. Cela correspond à un risque relatif multiplié par 44 en comparaison à une population qui n’a pas présenté d’IDM. L’incidence des AVC diminue, heureusement, rapidement au-delà du premier mois qui suit l’IDM mais reste tout de même 2 à 3 fois plus élevée que celle d’une population témoin et cela avec un recul de plus de 5 ans. Les trois facteurs de risque importants d’AVC post-IDM sont l’âge, le diabète et un antécédent d’AVC. Enfin, la survenue d’un AVC après IDM est associée à une augmentation importante du taux de décès : risque multiplié par 3.   Mettons-nous bien tout en œuvre pour optimiser la prise en charge de nos patients en fonction des données de la science ? K. Eagle a comparé le pronostic de patients ayant présenté un infarctus du myocarde, avant et après avoir sensibilisé les médecins et les patients respectivement sur la meilleure prise en charge thérapeutique et sur les objectifs à atteindre. Chez près de 1 500 patients, les résultats de la prise en charge (dont la mortalité) étaient relevés. Puis les médecins étaient sensibilisés aux recommandations sur la prise en charge de leurs patients ayant présenté un IDM. Les malades, eux-mêmes, étaient informés de leur situation et de ce qu’on pouvait attendre d’eux. Les résultats de la prise en charge étaient remesurés après cette phase de sensibilisation. Ces résultats sont « stupéfiants » avec une diminution de 25 % de la mortalité postinfarctus lorsque les règles de bonne prise en charge sont rappelées aux médecins et lorsque les malades auront été sensibilisés à leur situation ! Ce travail confirme ce que l’auteur avait écrit dans un éditorial d’une revue française. Si la recherche de pointe est d’une importance essentielle en médecine, il est aussi capital que l’on prenne le temps de répercuter ces progrès sur la pratique quotidienne afin de « transformer l’essai ». On observe 25 % de mortalité en moins grâce à une sensibilisation aux bonnes pratiques médicales, c’est beaucoup mieux que le bénéfice apporté par un traitement isolé quel qu’il soit.   Variations circadiennes du résultat de la prise en charge de l’IDM par angioplastie L’équipe de Zwolle a voulu savoir si la prise en charge de l’IDM par angioplastie primaire est soumise à une variation circadienne. Chez plus de 1 500 patients ayant bénéficié d’une angioplastie pour IDM aigu, les résultats sont étudiés en fonction de l’heure de la prise en charge du dit infarctus. La durée d’ischémie la plus courte est rapportée aux IDM qui sont pris en charge entre minuit et 4 h du matin. En revanche, les IDM qui sont pris en charge entre 4 et 8 h du matin sont ceux qui sont associés au plus sombre pronostic. Après correction des facteurs confondants, le risque relatif de décès à 1 an est multiplié par 1,9 lorsqu’un IDM est pris en charge entre 4 h et 8 h du matin alors qu’il est le plus bas lorsque les patients sont pris en charge entre 8 h et midi (figure). Faut-il conseiller au centre 15 de ne pas se presser lorsqu’un patient appelle pour un IDM à 7 h 50 ?          

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