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Thérapeutique

Publié le 28 mar 2006Lecture 7 min

Recommandations concernant l'antiagrégation plaquettaire chez les patients porteurs de stents coronaires

M.-E. BERTRAND, hôpital cardiologique de Lille

XVIes Journées européennes de la SFC

Le risque de thrombose reste préoccupant chez les patients porteurs d'une prothèse endocoronaire.
Il faut rappeler que l'implantation d'un ressort à l'intérieur d'une coronaire est le meilleur moyen de provoquer, chez l'animal en pharmacologie expérimentale, une thrombose coronaire.
En d'autres termes, le stent est un modèle expérimental de thrombose coronaire. La notion de thrombose des stents a été reconnue très rapidement puisque, après la première implantation par J. Puel le 28 mars 1986, les 8 premiers patients n'ont pas présenté de thrombose, mais les 4 suivants ont présenté une occlusion de leur prothèse.
Il s'en est suivi une longue période pendant laquelle on a cherché à prévenir la thrombose par divers moyens.
Les recommandations concernant la prise en charge des patients chez lesquels une prothèse endocoronaire a été implantée ont été publiées en avril 2005 pour les européennes et en décembre 2005 pour les américaines.

Il faut rappeler que : • tous les antithrombiniques (héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire) sont incapables de prévenir la thrombose de stent ; • des molécules comme le dextran, le dipyridamole, les inhibiteurs des récepteurs GpIIb/IIIa, administrées par voie orale, sont également incapables de prévenir la thrombose de stent. Seul le traitement par deux antiagrégants plaquettaires, aspirine et thiénopyridine, peut prévenir la thrombose de la prothèse coronaire. Cela a été clairement établi par quatre essais randomisés comparant un traitement par anticoagulation orale importante par des antivitamines K, à l’association aspirine + thiénopyridine (études ISAR, FANTASTIC, STARS, MATTIS). Toutes ces études ont montré une réduction significative de thrombose de stent de 3,5 à 5,4 % sous anticoagulation, à moins de 1 % et plus souvent à 0,4-0,5 % sous l'influence du double traitement antiagrégant plaquettaire. Ultérieurement, il a été démontré que, parmi les thiénopyridines, le clopidogrel était supérieur à la ticlopidine sur le plan de la sécurité (moins d'effets secondaires, moins d'événements hématologiques, action beaucoup plus rapide), avec un impact sur les résultats cliniques puisque, à partir d'une métaanalyse de 14 000 patients comparant clopidogrel et ticlopidine, une réduction significative de la mortalité sous clopidogrel (0,5 vs 1 %) et du taux d'infarctus du myocarde (1,5 vs 2 %) a été observée. Le traitement était donc parfaitement établi et lorsqu'il y avait implantation de prothèses métalliques, ce traitement par aspirine + clopidogrel (dose de charge de 300 mg, suivie par 75 mg/j) était prescrit pendant 1 mois. Il pouvait être ensuite arrêté en maintenant l'aspirine pour le restant de l'existence. Nous avons actuellement de longues séries qui permettent d'estimer le taux de thromboses totales de stent jusque 1 an après implantation de stents métalliques aux alentours de 1,1 %. L'apparition des prothèses actives (habillées de sirolimus ou de paclitaxel) capables de réduire de façon très significative et presque négligeable le taux de la resténose, a soulevé le problème de thromboses tardives. Actuellement, il semble que le taux de thromboses de ces stents actifs soit identique à celui observé après implantation de stents métalliques ; le chiffre s'établit entre 1 et 1,1 %. Malgré leur faible incidence, il ne faut pas sous-estimer l'importance de ces thromboses de stent qui sont responsables d’une mortalité à 1 mois aux alentours de 21 %, et à 9 mois de 45 %. Recommandations chez les patients présentant une maladie coronaire stable   Lorsque l'angioplastie est programmée, il est recommandé de donner, avant l'implantation de la prothèse, 500 mg d'aspirine + une dose de charge de 300 mg de clopidogrel au moins 6 heures et, idéalement, le jour précédant l'angioplastie. Lorsqu'il s'agit d'une angioplastie ad hoc, c'est-à-dire pratiquée immédiatement dans la foulée de la coronarographie, avec implantation de stent, on donnera 300 mg d'aspirine par voie intraveineuse, puis une dose de charge de 600 mg. Ce traitement clopidogrel + aspirine sera poursuivi pendant 1 mois avec une dose de 75 mg de clopidogrel par jour et de l'aspirine 100 mg par jour. Ultérieurement, le clopidogrel sera arrêté à 1 mois et l'aspirine sera continuée pour le reste de l'existence. Cette recommandation est de niveau 1A.   Recommandations chez les patients avec un SCA avec sus-décalage persistant du segment ST Il est recommandé de donner une dose de charge de clopidogrel (600 mg) au premier contact médical ainsi que de l'aspirine. C'est une recommandation de niveau 1C.   Recommandations chez les patients avec un syndrome coronaire aigu sans sus-décalage persistant du segment ST   Lorsque l'angioplastie est programmée, c'est-à-dire dans le cadre d'une stratégie invasive avec coronarographie dans les 48 heures suivant le début de la prise en charge des malades, on donnera une dose de charge de clopidogrel de 300 mg au premier contact médical + de l'aspirine. Dans le cas d'une angioplastie immédiate, c'est-à-dire celle qui est effectuée chez les patients à très haut risque (instabilité hémodynamique, instabilité arythmique, diabétique), on prévoira une dose de charge de clopidogrel de 600 mg au premier contact médical, suivie d'administration d'aspirine. La durée totale du traitement chez ce type de patient est plus longue que dans les états précédents ; elle est prévue pour 9 à 12 mois comme l'ont démontré les études CURE, PCI-CURE, CREDO. C'est une recommandation de niveau 1C.   Si le patient a fait l'objet d'une irradiation coronaire Dans le cas d’une irradiation (brachythérapie coronaire) soit de première intention, soit le plus souvent après resténose intrastent, les recommandations européennes suggèrent de poursuivre pendant 12 mois (recommandation de niveau 1C) l'aspirine et le clopidogrel. Sur le plan pratique, il nous semble plus important de donner l'association aspirine + clopidogrel à vie, dans la mesure où des résultats provenant de l'étude WRIST et WRIST-PLUS montrent que les courbes d'événements continuent à diverger après la première année.   Durée du traitement après pose d'une prothèse active Les recommandations européennes et nord-américaines divergent. Pour les recommandations américaines, les patients ayant reçu des prothèses actives doivent recevoir un double traitement antiagrégant plaquettaire aspirine + clopidogrel pendant 3 mois en cas d'implantation d'un stent au sirolimus, et pendant 6 mois s'il y a eu implantation d'un stent au paclitaxel. Les recommandations européennes ne font pas le distinguo entre les deux types de prothèses et stipulent que toutes les prothèses actives doivent recevoir ce double traitement antiagrégant plaquettaire pour 6 à 12 mois. Il reste quelques problèmes particuliers à envisager concernant les patients en fibrillation auriculaire qui ont une implantation de stent. Il faut distinguer deux éventualités : • le patient a une fibrillation chronique et est sous traitement anticoagulant par voie orale au long cours : il est admis en urgence, par exemple, pour une angioplastie avec pose de stent. Il est recommandé dans ce cas d'arrêter le traitement anticoagulant au long cours, de repasser sous héparine (par exemple, héparine de bas poids moléculaire), d'implanter le stent et de continuer l’aspirine 75 mg + le clopidogrel 75 mg/j pendant 1 mois. Ensuite, il convient de repasser le patient sous anticoagulation par voie orale avec la traditionnelle transition héparine/anticoagulation orale, tout en gardant l'aspirine ; • lorsque la fibrillation auriculaire apparaît pour la première fois dans le suivi d'une implantation de prothèse, on peut considérer de ne pas mettre le patient sous anticoagulant par voie orale, comme l'a suggéré la branche ACTIVE W de cet essai clinique. En effet, dans cette condition (patient ne recevant pas au préalable de traitement anticoagulant oral), le risque relatif d'embolisation est en faveur de l'association aspirine + clopidogrel par comparaison aux anticoagulants par voie orale. Néanmoins, cela mérite confirmation.   Comment stopper le double traitement antiagrégant plaquettaire avant une intervention chirurgicale extra-cardiaque ? En général, les chirurgiens cardiovasculaires opèrent sous cette association aspirine + clopidogrel. En revanche, en cas de chirurgie extracardiaque, se pose le problème de l'arrêt du traitement. Il faut se souvenir que les facteurs prédictifs de thromboses, après implantation d'une prothèse active, sont dominés par un élément important, l'arrêt du traitement antiagrégant plaquettaire. Le risque est également très important en cas d'insuffisance rénale, de lésions siégeant sur des bifurcations, chez des diabétiques, ou chez les patients avec une faible fraction d'éjection. Les recommandations, qu'elles soient européennes ou américaines, ne nous aident guère pour la prise en charge de ces patients. Il est important d'identifier le risque respectif à courir, c'est-à-dire d’identifier les patients à très haut risque ischémique, par exemple ceux ayant reçu une implantation de prothèse endocoronaire pour une lésion du tronc commun, des multitronculaires avec de multiples prothèses endocoronaires actives, les patients polyvasculaires, les diabétiques. Inversement, il faut aussi identifier les patients qui ont un haut risque hémorragique, c'est-à-dire ceux qui sont soumis à une intervention très hémorragique. On peut envisager trois scénarios : • les patients à bas risque hémorragique : on peut considérer de ne pas stopper le traitement antiagrégant plaquettaire double et de courir le risque de saignements relativement mineurs ; • lorsqu'il existe un risque ischémique modeste et un risque hémorragique important, on peut considérer de stopper le clopidogrel et l'aspirine et d'intervenir au bout de 5 jours ; • chez les patients à très haut risque à la fois ischémique et hémorragique, le problème est plus difficile car dans les deux cas on prend un risque de mortalité par thrombose de stent ou par saignement hémorragique important. Il n'y a pas de recommandations formelles dans cette condition : le plus souvent, le problème est traité au cas par cas. Il faut retenir qu'arrêter les antiagrégants plaquettaires et les remplacer par de l'héparine, qu'il s'agisse d'héparine de bas poids moléculaire ou d'héparine non fractionnée ou de flurbiprofène n'a strictement aucun intérêt, comme on l'a vu précédemment, et ne préviendra pas la thrombose de stent. Il serait possible de stopper l’aspirine et le clopidogrel, de repasser la patient sous perfusion de GpIIb/IIIa en utilisant, par exemple, des petites molécules et de programmer l'intervention chirurgicale extracardiaque très hémorragipare 3 ou 4 heures après avoir stoppé cette perfusion GpIIb/IIIa, puis de reprendre ensuite le traitement antiagrégant plaquettaire double. Cette stratégie n'a pas été validée. Comme on l'a vu plus haut, il ne faut pas sous-estimer le risque d'une thrombose de prothèse coronaire qui est aujourd'hui le principal risque de l'angioplastie. Même si l'incidence n'est pas très élevée – 1 000 000 de prothèses actives implantées chaque année –, 1 % de thromboses fatales de stent correspondrait à 10 000 décès hypothétiques…   Il faut insister sur les mesures de prévention et l'information   Ne pas implanter de prothèse active si une intervention chirurgicale nécessitant l'arrêt du traitement antiplaquettaire double est programmée et ne pas implanter ces prothèses chez les patients qui ont une très mauvaise adhérence au traitement. Il est extrêmement important d'informer soigneusement le patient concernant les dangers potentiels de l'arrêt du traitement antiagrégant plaquettaire ; cela était fait au début des années 1990 lorsqu’on a commencé cette stratégie thérapeutique ; actuellement, on néglige un peu d’insister sur ce point. La carte de patient porteur de stent, (comme pour les patients porteurs d'un traitement anticoagulant) vient seulement d’être créée. Les médecins généralistes, les anesthésistes et les chirurgiens doivent être informés du danger de l'arrêt du traitement antiagrégant plaquettaire double.

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