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Insuffisance cardiaque

Publié le 11 jan 2011Lecture 8 min

Le pronostic du choc cardiogénique s’est-il amélioré ?

X. REPÉSSÉ, C.-E. LUYT, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

Le choc cardiogénique est défini par une hypoperfusion tissulaire résultant d’une dysfonction de la pompe cardiaque, le plus souvent liée à un syndrome coronaire aigu (SCA). Ce tableau clinique complique en fait un groupe hétérogène de maladies, pour lesquelles les données concernent essentiellement l’infarctus du myocarde (IDM). En effet, le choc cardiogénique représente la principale cause de mortalité au cours de cette pathologie. La diffusion et la standardisation des traitements depuis ces 10 dernières années ont permis d’améliorer le pronostic du choc cardiogénique au cours de la pathologie coronaire mais sa mortalité reste très élevée.

Définition et physiopathologie Le choc cardiogénique se définit comme l’incapacité de la pompe myocardique à générer un débit sanguin suffisant pour les organes périphériques, en l’absence de signes d’hypovolémie. Cliniquement diagnostiqué sur les critères habituels de choc tels que l’hypoperfusion des tissus périphériques ou l’oligurie, la description de l’état de choc cardiogénique repose sur des critères hémodynamiques associant : PA systolique < 90 mmHg, index cardiaque < 2,2 l/min/m², PA pulmonaire d’occlusion PAPO > 15 mmHg(1,2). Il est caractérisé par une dysfonction systolique et diastolique résultant de la perte de myocytes viables. À côté des zones ischémiques, voire nécrosées, pour lesquelles la récupération est incertaine, il existe de larges zones non fonctionnelles mais viables pouvant contribuer au développement du choc cardiogénique. Ces zones sont le siège d’une dysfonction réversible consécutive à deux mécanismes bien décrits que sont le stunning et l’hibernating. Le premier mécanisme est un état de dysfonction post-ischémique persistant malgré la restauration d’un débit sanguin coronaire normal ; le second correspond à une réponse adaptative à la baisse sévère du débit coronaire(3). Cause et épidémiologie Le choc cardiogénique est un tableau clinique regroupant de nombreuses pathologies hétérogènes mais dont le point commun est d’aboutir in fine à une défaillance de la pompe cardiaque. La principale cause de choc cardiogénique est le syndrome coronaire aigu (SCA). Il peut survenir lors d’une atteinte étendue de nécrose sur un myocarde antérieurement sain mais aussi lors d’une atteinte localisée sur un myocarde de fonction initialement altérée. Il peut parfois être retardé dans le cadre d’une extension de la zone nécrosée, d’une réocclusion artérielle ou de désordres métaboliques au sein d’une zone indemne de nécrose. En outre, les complications mécaniques de l’IDM telles que l’insuffisance mitrale aiguë, la rupture septale, voire d’une paroi libre, peuvent également conduire à un état de choc cardiogénique. En dehors de la pathologie coronaire, les autres causes de choc cardiogénique comprennent des pathologies variées et hétérogènes (tableau). L’incidence du choc cardiogénique dans le cadre de l’IDM est comprise entre 5 et 10 %. Si ces données sous-estiment l’incidence réelle prenant en compte les 30 % de patients décédés avant d’arriver à l’hôpital et pour lesquels le diagnostic n’est pas posé, l’incidence est relativement stable au cours du temps depuis ces 20-30 dernières années(4,5). Elle est cependant diminuée lorsqu’une thrombolyse et/ou une revascularisation coronaire sont initiées(6,7), ce qui explique la baisse d’incidence du choc cardiogénique depuis la publication des recommandations pour une revascularisation précoce(8,9). L’infarctus antérieur est le plus pourvoyeur de chocs cardiogéniques (55 % dans le registre SHOCK) bien que les atteintes soient multiples dans la moitié des cas(10). L’âge est la variable indépendante la plus associée au choc cardiogénique. Les autres facteurs prédictifs de choc cardiogénique au cours de l’IDM sont la pression artérielle systolique, la fréquence cardiaque, le score Killip à l’arrivée, la localisation antérieure, les antécédents de SCA, de revascularisation coronaire chirurgicale ou percutanée, le poids, le sexe et la pression artérielle diastolique(11). L’évolution dans le temps montre que les patients qui développent un choc cardiogénique sont volontiers plus âgés et ont plus souvent des antécédents de diabète et d’hypertension(12). Pronostic Dans le cadre du syndrome coronaire aigu Le pronostic des patients ayant présenté un événement ischémique aigu s’est indiscutablement amélioré depuis les avancées des 20 dernières années dans la compréhension de la maladie coronaire. La récupération d’une perfusion coronaire complète et prolongée après une élévation du segment ST a drastiquement amélioré le pronostic de la pathologie ischémique(13,14). Les conclusions sont beaucoup plus délicates à tirer lorsque l’on s’intéresse au groupe des patients développant un choc cardiogénique. En effet, les données pronostiques concernant le choc cardiogénique dans le cadre de l’IDM sont basées sur les quelques études n’ayant pas exclu ce sous-groupe de patients. La plupart des données disponibles sur la mortalité du choc cardiogénique concernent la mortalité hospitalière à 30 jours. Avant l’ère de la reperfusion coronaire, le taux de mortalité globale du choc cardiogénique était aux alentours de 80 %, l’étude de Goldberg et al. montrant même une aggravation de la mortalité hospitalière de 73,7 % en 1975 à 81,7 % en 1988(5). Si les patients développent moins de choc cardiogénique après un infarctus grâce à l’utilisation des thérapeutiques thrombolytiques, la mortalité du choc cardiogénique n’en a pas pour autant été modifiée avec des taux restant proches de 60 % (GUSTO I et III(12)). L’avancée thérapeutique des années 1990, qui a nettement amélioré le pronostic du choc cardiogénique, est la diffusion de la revascularisation coronaire. L’étude SHOCK rapportait une amélioration constante et significative des taux de mortalité hospitalière des années 1992 à 1997 chez les patients ayant bénéficié d’une revascularisation coronaire par rapport à ceux ayant reçu un traitement médical (41 % versus 79 %)(15,16). Les études concernant la fin des années 90 et le début des années 2000 confirment la baisse de mortalité liée au choc cardiogénique avec la diffusion de la revascularisation coronaire mais rapportent des taux de mortalités toujours élevés, proches de 50 %(4,17-20). Il apparaît clairement que ces techniques de revascularisation ont permis d’améliorer le pronostic des patients atteints de choc cardiogénique alors que celui des patients ne présentant pas cette complication semble être constant depuis 30 ans(20). Le ballon de contre-pulsion intra-aortique (BCPIA) n’apporte pas de bénéfice sur la mortalité hospitalière à 30 jours dans les différentes études randomisées concernant les SCA non compliqués de choc(21). Il n’existe pas d’étude randomisée concernant le ballon de contre-pulsion aortique dans le choc cardiogénique. La métaanalyse des différentes études observationnelles rapporte que le BCPIA serait bénéfique chez les patients thrombolysés avec notamment une baisse de mortalité de 72 à 50 % (p < 0,0001) grâce au BCPIA dans le registre SHOCK et de 67 à 57 % (p = 0,04) dans l’étude GUSTO-I(13,15). La plupart des études montrent en outre que la mise en place d’une contre-pulsion intra-aortique retarde la survenue du décès. Les techniques d’assistance circulatoire de type extra-corporal membrane oxygenation (ECMO) (figure), utilisées depuis quelques années dans le cadre de chocs cardiogéniques réfractaires, semblent améliorer nettement le pronostic de ces patients et permettent d’obtenir des taux de survie supérieurs à 40 % à la sortie de réanimation, là où le pronostic de ce genre de patients est proche de 100 % en l’absence de techniques d’assistance(22,23). L’association de ces deux techniques reste à évaluer. Photographie 2. ECMO. Les taux de mortalité des patients ayant survécu à la période initiale des 30 jours sont discordants selon les études du fait de la grande hétérogénéité des patients. Certaines études rapportent 45 % de mortalité à 11 ans alors que d’autres avancent des chiffres proches de 70 % à 6 ans. Des données solides montrent que la revascularisation coronaire précoce améliore également le pronostic des patients à long terme avec une amélioration brute de plus de 13 % à 6 ans dans la cohorte de l’étude SHOCK(24). De plus, le délai de survenue du choc ressort comme étant un facteur de risque majeur de mortalité à long terme puisque les patients développant le choc après le 3e ou 4e jour présentent un pronostic effroyable à 4 ans avec des taux de mortalité proches de 100 %, là où 20 % des patients développant le choc au 1er ou 2e jour ont un taux de survie aux alentours de 20 %(25). Les autres chocs Les données concernant le pronostic des chocs cardiogéniques d’étiologie non coronaire sont beaucoup moins abondantes. La grande hétérogénéité des pathologies rend difficile l’interprétation des statistiques. Il n’y a pas de commune mesure entre un état de choc cardiogénique développé lors d’une cardiomyopathie du post-partum par exemple et le choc cardiogénique développé dans le cadre d’une cardiomyopathie dilatée au stade d’insuffisance cardiaque terminale. Le terrain joue assurément un rôle déterminant au cours des très hétérogènes étiologies de choc cardiogénique. Cependant, des données solides existent. Ainsi, parmi les patients développant un choc cardiogénique réfractaire ayant nécessité la mise sous ECMO, l’étiologie myocardite est un facteur de risque indépendant de mortalité(23). Les autres facteurs de risque de mortalité en réanimation des patients développant un choc cardiogénique réfractaire nécessitant la pose d’ECMO comprennent le sexe féminin, la pose d’assistance sous massage cardiaque externe, le taux de prothrombine initial inférieur à 50 % et l’anurie durant les 24 premières heures(23). De plus, les patients présentant des signes d’insuffisance cardiaque aiguë dans le cadre d’une myocardite ont une mortalité comparable à la pathologie ischémique avec des taux pouvant atteindre 56 % à 4 ans(26). Dans le cadre du postopératoire, le choc cardiogénique complique 1,5 % des chirurgies cardiaques sous circulation extracorporelle (CEC) et les taux de mortalité sont également très élevés, au-delà de 40 %. Il n’existe pas de donnée précise sur le pronostic des patients développant un choc cardiogénique sur décompensation de cardiomyopathie dilatée mais le terrain associant des facteurs de risque cardiovasculaire à une pathologie cardiaque avancée et la gravité des tableaux d’insuffisance cardiaque terminale engendrent des taux de mortalité très élevés bien au-delà des taux de la pathologie coronaire stricto sensu. La survenue d’un état de choc cardiogénique dans le cadre d’une embolie pulmonaire change drastiquement le pronostic de la maladie. En effet, l’embolie pulmonaire grave (définie par la survenue d’un état de choc) présente un taux de mortalité relativement constant au cours du temps de 25 %(27). En pratique Le choc cardiogénique est un tableau clinique pouvant résulter de nombreuses pathologies assez diverses mais conduisant toutes à une incapacité temporaire ou permanente de la pompe cardiaque. Malgré l’hétérogénéité de ces maladies, les taux de mortalité sont comparables lorsque survient un état de choc. La mortalité intrahospitalière du choc cardiogénique a globalement diminué depuis 30 ans avec l’utilisation croissante des techniques de revascularisation coronaire. Ni les techniques de contre-pulsion intra-aortique, ni les assistances circulatoires de type ECMO n’ont permis de faire descendre les taux de mortalité au-dessous des 40-50 %.

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