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Congrès et symposiums

Publié le 14 déc 2013Lecture 11 min

Cardiopathies natives les plus fréquentes rencontrées chez l’adulte

F. BOURLON*, N. HUGUES*, F. ROUAULT**, *Monaco, **Marseille

CNCF

Le nombre de patients adultes atteints de cardiopathie congénitale ne cesse d’augmenter. Parmi cette population hétérogène, on trouve : • des patients opérés pendant l’enfance, considérés comme « réparés », • des patients porteurs de cardiopathie congénitale complexe incomplètement réparés, • des patients connus comme étant porteurs de cardiopathie congénitale jugée sans gravité et négligée, et enfin, • des adultes porteurs d’une cardiopathie congénitale ignorée. Nous nous intéresserons à ces deux derniers groupes de patients.   Cardiopathies sans gravité ou sans gravité apparente   Il s’agit de patients qui se savent porteurs d’un souffle, totalement asymptomatiques, menant une vie normale, pratiquant des activités sportives. Dans ce groupe de patients, on retrouve des porteurs de petite communication interventriculaire, de sténose pulmonaire peu serrée ou présumée telle, de sténose aortique jugée peu sévère.   Les CIV Le diagnostic repose sur l’auscultation d’un souffle holosystolique ou protosystolique de haute fréquence sur le bord gauche du sternum (figures 1 et 2). Les bruits sont normaux, en particulier le B2. Il n’y a pas de roulement d’hyperdébit et l’électrocardiogramme est en général normal, sans surcharge droite, y compris en dérivation V4R. L’évolution est marquée vers la fermeture progressive. Le risque d’endocardite est réel surtout si le siège de la CIV est périmembraneux. Il n’y a bien sûr pas d’indication chirurgicale dans ce groupe de patients. L’échographie précise le diagnostic de CIV, permet la localisation soit périmembraneuse, soit infundibulaire, soit musculaire. Ce qu’il faut rechercher chez ces patients est la survenue de complications : la première d’entre elles est la sténose médio-ventriculaire droite. Lors du suivi clinique des patients, le souffle peut changer de tonalité et devenir plus éjectionnel, plus râpeux, suivi d’un deuxième bruit qui peut être totalement atténué. L’ECG de base peut être normal.   Figure 1. CIV petit anévrysme du septum membraneux. Figure 2. CIV large : volumineux anévrysme du septum membraneux.   C’est la constatation d’un aspect QR ou rR’, voire Rs dans la dérivation V4R qui attirera l’attention sur la possibilité de cette sténose médio-ventriculaire droite (figures 3 à 5).   Figure 3. Sténose médioventriculaire droite - La dérivation V4R. Figure 4. Septum rectiligne en télésystole = égalisation des pressions VD/VG. Figure 5. Sténose médioventriculaire droite.   En échographie, on retrouvera un septum qui devient plat en télésystole, témoignant de l’égalisation des pressions entre les deux ventricules. Il faudra donc rechercher une accélération sur la voie de sortie du ventricule droit au doppler continu et au doppler couleur. S’il existe une fuite tricuspide, on pourra estimer la pression systolique ventriculaire droite. Valve pulmonaire, tronc et branches sont normaux : une telle constatation conduit à une intervention pour effectuer un alésage du ventricule droit : il est rare que la CIV, même si elle reste présente, puisse être facilement identifiée. Parfois, le chirurgien associera une fermeture directe de la CIV sans garantie de l’absence de shunt résiduel après cette suture. L’autre piège est l’apparition progressive d’un diaphragme sous-valvulaire aortique qui est parfois difficile à diagnostiquer même en échographie 2D. On utilise toujours, à titre systématique, une ligne de tir TM sur les valves aortiques. Si les cusps présentent des vibrations avec une fermeture protosystolique, il faudra alors s’acharner à retrouver un obstacle sous-valvulaire aortique (figure 6).   Figure 6. Diaphragme sous-aortique et fermeture protosystolique des sigmoïdes aortiques.   Un des pièges qu’on peut rencontrer est le prolapsus d’une sigmoïde aortique qui vient en grande partie combler la CIV. Cette distorsion de la racine aortique peut évoluer vers la rupture d’un anévrysme de Valsalva avec apparition d’une fuite aortique et dysfonction ventriculaire (figure 7).   Figure 7. Petites CIV : pathologie aortique. Prolapsus sigmoïdien - Distorsion de la racine aortique.   Pour résumer, le patient adulte suivi pour une petite communication interventriculaire qui normalement devrait se fermer spontanément sans complication, peut évoluer vers une sténose médio-ventriculaire droite, l’apparition d’un diaphragme sous-aortique, un prolapsus d’une cusp aortique avec ou sans rupture. Ces dernières complications conduisent à proposer une intervention chirurgicale, alors même que la CIV est peu significative en termes de shunt et bien sûr non compliquée d’hypertension pulmonaire.   Les sténoses valvulaires pulmonaires légères Elles se reconnaissent à un souffle éjectionnel avec un click, deuxième bruit dédoublé. L’électrocardiogramme est le plus souvent normal. On peut retrouver une certaine dilatation de l’arc moyen gauche. Il faut cependant se méfier, si l’on retrouve un certain degré de dilatation du ventricule droit un peu plus important que ne le voudrait cette sténose valvulaire pulmonaire légère (figure 8).   Figure 8. – Piège : shunt à terminaison auriculaire. - Echo Tm : dilatation VD - mouvement septal paradoxal. - Echo 2D supra-sternale : retour veineux pulmonaire partiel flux ascendant vers TVI. - Flux descendant TVI vers VCS.   • Le piège le plus souvent rencontré est celui d’un retour veineux pulmonaire anormal partiel associé qui entraîne cette surcharge volumétrique qu’il conviendra de rechercher en écho-doppler et par une autre technique d’imagerie (scanner, IRM). • Le deuxième piège est celui d’une sténose pulmonaire apparemment légère qui en réalité est serrée, alors que les patients sont asymptomatiques. Il peut parfois y avoir une légère désaturation par un shunt droit-gauche à l’étage atrial (FOP). L’échographie et le doppler font le diagnostic avec constatation d’une hypertrophie ventriculaire droite, élévation des pressions droites constatées par une éventuelle fuite tricuspide et enfin, mesure directe du gradient ventriculo-pulmonaire.   Les bicuspidies aortiques Elles sont souvent diagnostiquées tardivement devant un petit souffle éjectionnel et devant l’apparition au doppler d’une petite fuite aortique. Le piège est de méconnaître la dilatation éventuelle de l’aorte ascendante et on peut être amené à poser l’indication de remplacement de l’aorte ascendante chez des patients asymptomatiques en prévention d’une éventuelle dissection aortique. Il est parfois difficile de faire le diagnostic de bicuspidie aortique et il faut insister sur l’échographie en parasternal petit axe en systole. En effet, en diastole, un raphé surnuméraire peut faire penser à tort à une réelle commissure (figures 9 et 10).   Figure 9. Bicuspidie aortique. Figure 10. Bicuspidie aortique et dilatation de l’aorte ascendante.   Patients passés au travers des filtres sanitaires Les principales cardiopathies diagnostiquées tardivement sont les CIA, le canal artériel et la coarctation de l’aorte. Pourquoi le diagnostic est-il si tardif ? Il s’agit de cardiopathies peu soufflantes et le diagnostic est le plus souvent fait à l’occasion de la visite de la médecine du travail, de la médecine sportive, de la découverte d’une hypertension, d’un changement de médecin, de la découverte d’un gros cœur, d’une radiographie du thorax effectuée pour un autre motif. Parfois, le patient se savait porteur d’une cardiopathie, mais l’idée d’un traitement chirurgical lui paraissait démesurée. Les symptômes fonctionnels sont absents, en tout cas ignorés ou minorés, et c’est parfois lors d’une complication que le diagnostic sera effectué (AVC, accident embolique, troubles du rythme).   La CIA Il s’agit de la cardiopathie la plus fréquemment rencontrée, quel que soit l’âge (figure 11).   Figure 11. CIA adulte. Surcharge diastolique du VD, CIA ostium secundum et sinus venosus.   Parfaitement tolérée pendant de nombreuses années, elle devient peu à peu invalidante avec apparition d’une dyspnée progressive. L’altération graduelle de la fonction diastolique progressive majore en effet le shunt. L’électrocardiogramme enregistre en général un bloc de branche droit incomplet. Il peut y avoir une déviation vers la gauche de la zone de transition. S’il existe un allongement de l’espace PR et une déviation de l’axe des QRS dans le plan frontal supérieur, on sera d’emblée orienté vers le diagnostic d’ostium primum. Parfois, l’électrocardiogramme est sans particularité, et c’est finalement l’échographie qui va confirmer la surcharge diastolique du ventricule droit, localiser le defect, rechercher des lésions associées, apprécier le retentissement hémodynamique avec évaluation des pressions pulmonaires et rechercher tous les arguments permettant d’envisager une fermeture percutanée. Si la CIA de type ostium secundum est en général facile à identifier, la CIA haute de type sinus venosus est, en revanche, plus difficile. Il faut analyser l’abouchement de la veine cave supérieure dans l’oreillette droite : si la veine cave apparaît « à cheval » sur le septum interauriculaire, il y a une forte suspicion de sinus venosus. Dans tous les cas, si la cloison interauriculaire apparaît intacte et que l’on a une surcharge volumétrique du ventricule droit avec septum paradoxal, il faudra rechercher un retour veineux pulmonaire partiel, soit isolé, soit associé à une CIA de type sinus venosus (figure 12).   Figure 12. - Echo 2D voie sous-costale : CIA sinus venosus. De haut en bas : écho 2D, ETO, IRM (la flèche indique la CIA et le retour veineux pulmonaire partiel).   Pour envisager une fermeture percutanée, il faut que les berges soient suffisantes, et l’on retient le chiffre de 7 à 8 mm pour pouvoir ancrer facilement la prothèse. En général, on retrouve peu de rebord derrière l’aorte, et le plus difficile dans l’analyse est de voir l’extension de cette CIA vers la veine cave inférieure. Enfin, il faudra différencier une grosse valve d’Eustachi de la berge postéro-inférieure de la CIA, ce qui est parfois difficile à réaliser. Enfin, si l’on envisage une fermeture percutanée de la CIA, il faut s’assurer qu’il existe bien un abouchement normal de la veine cave inférieure ; en effet, une continuité azygos vers la veine cave supérieure contre-indique un geste par voie fémorale. On vérifiera enfin d’autres anomalies de retour veineux, en particulier la présence d’une veine cave supérieure gauche qui se draine dans le sinus coronaire, et qui dilate celui-ci. En principe, cette variation anatomique ne contre-indique pas la fermeture percutanée de la CIA. La quantification du shunt est plus difficile à réaliser et finalement peu utilisée. Les arguments cliniques et échographiques permettent de vérifier que la communication a un débit pulmonaire élevé (QP/QS > à 2,5). Enfin, un examen attentif de l’état veineux des patients, surtout s’ils sont âgés, permettra de faire le point sur les axes veineux, d’autant que la procédure de fermeture nécessite des introducteurs de grande taille. Une fois que le diagnostic de CIA est établi, on complètera le bilan par une radiographie du thorax, un Holter ECG à la recherche d’une arythmie. Enfin, s’il s’agit d’un adulte, en fonction de l’âge, on pourra également rechercher des signes d’ischémie myocardique, surtout s’il existe des facteurs de risque (tabagisme, etc.). À la fin de la consultation, on pourra proposer une fermeture de la communication par voie endocavitaire si celle-ci est possible ; c’est la méthode de choix évitant ainsi les problèmes d’arythmie pouvant être secondaires au traitement chirurgical. S’il est facile de convaincre le patient lorsque celui-ci a des symptômes, il est beaucoup plus difficile de convaincre le patient ou son médecin de la nécessité de fermer une petite communication auriculaire, même si l’on sait qu’avec l’âge le shunt va s’accroître au fur et à mesure de la diminution de la compliance du ventricule gauche. Il y a toujours des risques d’embolie paradoxale et on se hasarde à se retrouver au troisième âge avec une arythmie, une insuffisance cardiaque, etc.   Persistance du canal artériel Le diagnostic, ici également chez l’adulte, est plus difficile (figure 13). Le souffle continu sous-claviculaire gauche est moins évident, surtout si le patient présente une surcharge pondérale.   Figure 13. - Enfant vs adulte – Échocardiographie et scanner angiographique. Canal artériel.   Il n’est pas rare qu’à l’occasion d’une échographie pour un tout autre motif, on retrouve un flux anormal au niveau du tronc de l’artère pulmonaire avec un jet à plus ou moins haute vélocité et un shunt continu entre l’aorte et l’artère pulmonaire. Plus les vitesses du flux anormal sont élevées, plus le gradient de pression est élevé, témoignant de pressions pulmonaires basses. Actuellement, le traitement proposé pour traiter ces canaux artériels est la voie endocavitaire en utilisant soit des coils, soit, de plus en plus, des prothèses de type Amplatzer. Ces prothèses se sont considérablement améliorées ces dernières années, permettant de fermer de très petits canaux, voire des canaux de diamètre plus important, pouvant être responsables de surcharge et de dilatation du ventricule gauche. La taille et la morphologie du canal artériel ne seront précisées qu’au cours de l’exploration angiographique. Il est illusoire d’avoir des précisions extrêmes par l’échographie et le doppler. Tout au plus, on peut dire que le canal est très petit ou significatif. Nous pensons que tout canal artériel diagnostiqué doit être fermé même s’il est de petite taille ; en effet, le risque d’endocardite infectieuse persiste quelle que soit la taille, la survenue de défaillance cardiaque ne se voyant que pour des canaux hémodynamiquement significatifs.   La coarctation de l’aorte Classiquement, lorsqu’il existe une coarctation de l’aorte, on retrouve un souffle systolique préférentiel de la gouttière homo-vertébrale gauche, une hypertension artérielle avec une asymétrie entre les membres supérieurs et les membres inférieurs, une abolition ou une diminution des pouls fémoraux…, mais ce n’est pas toujours le cas (figure 14). Si la coarctation est suffisamment sévère, il peut y avoir développement de collatérales suffisantes pour redonner des pouls fémoraux rendant très difficile le diagnostic de coarctation. Figure 14. Coarctation de l’aorte en angio-scanner.   Dans tous les cas, c’est l’analyse de la crosse aortique par voie supra-sternale qui permettra d’évoquer le diagnostic, sachant qu’il est toujours difficile de visualiser parfaitement la zone coarctée à cause de l’interposition de la bronche souche gauche et de l’artère pulmonaire gauche, qui passe devant l’isthme aortique (figure 15).   Figure 15. Accélération au niveau de l’isthme aortique.   On peut s’aider du doppler continu qui va enregistrer le flux de la coarctation avec un flux qui se prolonge en diastole. Il faudra rechercher des lésions associées : bicuspidie aortique, hypertrophie ventriculaire gauche, atteinte coronarienne et chez l’adulte faire également un bilan vasculaire cérébral à la recherche de possible anévrysme pouvant se compliquer. Le diagnostic étant fortement suspecté par l’écho-doppler, c’est l’imagerie par scanner ou angio-IRM qui permettra de le confirmer, de préciser l’anatomie, de vérifier la position des vaisseaux de la base, et d’étudier l’éventuelle possibilité d’un traitement par stenting de l’aorte. Il faudra toujours se méfier de la présence d’une sous-clavière droite rétro-œsophagienne.    En pratique   De nombreuses cardiopathies congénitales peuvent être ignorées ou négligées, se révélant par l’apparition de signes fonctionnels, voire de complications à l’âge adulte.  L’examen clinique, l’électrocardiogramme, l’écho-doppler permettent, dans la majorité des cas, d’orienter le diagnostic. Celui-ci sera le plus souvent précisé par les nouvelles techniques d’imagerie privilégiant l’IRM et l’angioscanner. Ce n’est qu’à la suite de ces investigations qu’il sera proposé soit l’abstention thérapeutique et la simple surveillance, soit une attitude plus agressive en privilégiant le plus souvent l’approche par cathétérisme interventionnel.    

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