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Cœur et sport

Publié le 03 avr 2007Lecture 8 min

Réadaptation cardiaque et bêtabloquants

J.-Y. TABET 1,2, P. MEURIN1 et A. BEN DRISS1 1 centre de réadaptation cardiaque de la Brie, Saint-Denis 2 hôpital Lariboisière, Paris


1er Forum européen cœur, exercice et prévention
Le reconditionnement à l’effort fait partie intégrante du traitement des patients coronariens. De nombreuses études ont objectivé une réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire obtenue après un reconditionnement à l’effort chez ces patients comme chez ceux porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche. Le réentraînement physique semble apporter un bénéfice fonctionnel au moins égal à celui du traitement médicamenteux, en particulier chez les patients porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche. On peut toutefois s’interroger sur l’interférence du traitement bêtabloquant sur les modalités et sur le résultat de la réadaptation chez ces patients.

Réentraînement des patients coronariens   Résultats La plupart des études ayant évalué l’efficacité de la réadaptation chez les patients coronariens ont été réalisées sous bêtabloquants. L’étude de Hambrecht, publiée dans le New England Journal of Medicine en 2000, a montré une amélioration de la dysfonction endothéliale coronaire après un programme de réentraînement physique : 90 % des patients étaient traités par bêtabloquants. Plus récemment, l’étude PET a comparé chez 101 patients coronariens avérés (87 % étaient sous bêtabloquants) avec une ischémie myocardique documentée par un test d’effort ou un thallium d’effort, les effets d’une angioplastie de la lésion responsable de l’ischémie à ceux d’un programme de réentraînement physique. À l’issue un suivi d’un an, il a été observé un taux significativement plus élevé d’événements cardiovasculaires dans le groupe de patients dilatés que dans le groupe réentraîné (figure 1). Par ailleurs, on notait chez les patients réentraînés, une meilleure stabilisation des lésions coronaires. Figure 1. Diminution significative des événements cardiovasculaires chez les patients réadaptés comparativement aux patients ayant bénéficié d’une angioplastie. D’après Hambrecht et coll, Circulation 2004 ; 109 :1371-78. Modalités Quelle fréquence cibler ? L’intensité « idéale » du reconditionnement à l’effort chez le patient coronarien reste controversée : - les recommandations internationales (ACC/AHA) restent floues, conseillant un réentraînement à une intensité comprise entre 40 à 85 % du pic de VO2 ou 50 à 70 % de la fréquence cardiaque maximale obtenue à l’épreuve d’effort ; - les recommandations françaises sont plus précises con-seillant une intensité d’exercice proche de celle du seuil ventilatoire (SV1). En effet, le SV1 représente le niveau d’exercice maximal réalisable par un patient en recrutant au maximum les capacités aérobies sans participation significative du métabolisme anaérobie. Entraîner les patients coronariens au-dessus de ce niveau est difficilement concevable dans la mesure où ce dernier devient vite dyspnéique et ne peut maintenir l’intensité de l’exercice pendant la durée requise ; une intensité d’entraînement trop élevée faisant intervenir le métabolisme anaérobie est par ailleurs potentiellement dangereuse chez les patients coronariens car génératrice de troubles du rythme et/ou d’ischémie myocardique. La formule la plus usitée pour définir une fréquence d’entraînement (FCE) à partir des données de l’épreuve d’effort initiale est celle de Karvonen. Une formule non validée en cas de traitement bêtabloquant Cette formule, définie en 1957 sur 6 sujets sains ne prenant pas de traitement, n’a jamais été validée chez les patients porteurs d’une cardiopathie et recevant des bêtabloquants, alors même que ces médicaments modifient la fréquence cardiaque aussi bien au repos qu’à l’effort. • Sur une étude incluant 112 patients coronariens ayant réalisé une épreuve d’effort avec mesure des échanges respiratoires, Chaloupka V et coll (Chaloupka V, J Cardiopulm Rehabil.2005) ont retrouvé que la fréquence cardiaque mesurée au SV correspondait à 81 % du pic de VO2, 88 % de la fréquence cardiaque maximale et à 70 % de la fréquence de réserve (Fcmax-Fcrepos) ce qui semble supérieure aux fréquences obtenues par la formule de Karvonen. • Sur une étude bicentrique, (Tabet et al. Eur J Cardiovasc Prev Rehabil. 2006) nous avons comparé la fréquence d’entraînement obtenue par la formule de Karvonen à la fréquence d’entraînement « idéale » définie comme la fréquence obtenue lors du franchissement du SV mesurée lors d’une épreuve d’effort avec mesure des échanges gazeux, dans une population consécutive de 115 coronariens sous bêtabloquants adressés pour une réadaptation cardiaque moins d’un mois après un infarctus du myocarde. Une formule modifiée Les résultats des épreuves d’effort avec mesure des échanges respiratoires réalisées avant le programme de réadaptation montrent que la fréquence obtenue au SV1 était en moyenne de 10 bpm supérieure à celle obtenue par l’utilisation de la formule de Karvonen. Donc si l’on se base sur la formule de Karvonen pour réentraîner les patients coronariens qui reçoivent des bêtabloquants, on prend le risque de les sous-entraîner en ne sollicitant pas assez leur métabolisme aérobie. L’utilisation d’une formule de Karvonen modifiée dans laquelle le coefficient 0,6 était remplacé par 0,8 a permis de calculer une fréquence d’entraînement qui correspondait à la fréquence obtenue au seuil ventilatoire (±10 %) dans 95 % des cas. Ces patients ont bénéficié au décours de leur épreuve d’effort initiale d’un programme de réentraînement classique sur cycloergomètre, la fréquence d’entraînement cible étant celle obtenue au SV1 lors de l’épreuve d’effort test. Aucun événement indésirable n’a été constaté, et cette méthode semble efficace puisqu’un recul significatif du seuil ventilatoire (+ 14 %) et du pic de VO2 (+ 15 %) a été observé. Ainsi, si l’on souhaite réadapter un patient coronarien sous bêtabloquants à la fréquence obtenue au SV1 il faut soit : - la mesurer lors d’une épreuve d’effort couplée à la mesure des échanges respiratoires, - utiliser une formule de Karvonen « modifiée » : FcE = 0,8 (Fc max-Fc repos)+Fc repos, si l’on utilise une épreuve d’effort « standard ». Réentraînement des patients insuffisants cardiaques   Résultats Les bienfaits de la réadaptation cardiovasculaire sont maintenant bien documentés. Sur le plan cardiaque, il ne semble pas y avoir d’effet délétère sur le remodelage ventriculaire gauche et il existe des effets bénéfiques notables sur la fonction diastolique (relaxation, distensibilité). La perfusion coronaire s’améliore, (figure 2) et s’il n’existe pas de modification du débit cardiaque au repos, le débit cardiaque maximal et la différence artério-veineuse maximale en oxygène sont augmentés. Figure 2. Développement de la circulation coronaire collatérale obtenue après réadaptation (visualisée sur les clichés de droite) d’après Belardinelli R et coll, Circulation 1998 ;97 :553-61. Sur le plan vasculaire, il existe une amélioration des anomalies de la vasodilatation flux-dépendante, notamment par une augmentation de la durée d’action de la NO synthase et de la compliance artérielle. Sur le plan musculaire, il existe une augmentation du contenu en enzymes oxydatives, du ratio fibres oxydatives/fibres glycolytiques musculaires expliquant en grande partie les améliorations de la fatigabilité et de la réponse ventilatoire à l’effort. Sur le plan neurohormonal, l’exercice physique augmente le tonus parasympathique et diminue le tonus sympathique ce qui se traduit par une augmentation de la variabilité sinusale et par une amélioration de la réponse baroréflexe et de la dispersion de l’espace QT. Enfin, une amélioration de la compliance arterielle, une baisse des résistances vasculaires périphériques et une régression du taux des différentes neurohormones (angiotensine II, aldostérone, catécholamines, vasopressine, ANP, BNP..) sont observées (figures 3 et 4). Figure 3. Diminution de la stimulation neurohormonale observée chez les patients réadaptés par rapport aux sujets témoins. D’après Braith RW et coll, J Am Coll Cardiol 1999 oct;34 (4):1170-5. Figure 4. Diminution du taux de BNP après réentraînement observé chez des patients insuffisants cardiaques porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche. D’après Iliou MC et coll Circulation 2003;108 (17), Suppl IV: IV-738. Ainsi sur une étude incluant 47 patients, dont 26 étaient porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche (plus de la moitié des patients recevaient un traitement bêtabloquant), Iliou et coll ont montré une diminution du taux de NT-proBNP après réentraînement physique (figure 4). Ces bénéfices se traduisent par une amélioration des capacités à l’effort, de la qualité de vie, et par une diminution de la morbi-mortalité des patients réentraînés. Plusieurs études attestent de l’absence d’interaction du traitement bêtabloquant sur les effets bénéfiques liés à la réadaptation. • Forissier et coll (Eur J Heart Fail. 2001) ont montré d’après une étude prospective incluant 32 patients insuffisants cardiaques que l’amélioration des capacités à l’effort n’était pas significativement différente chez les patients recevant ou non un bêtabloquant (cardiosélectif ou non). • De même, Demopoulos et coll (Circulation 1997.) ont montré que l’amélioration de la tolérance à l’effort (figure 5 A) ainsi que la correction des anomalies de la vasodilatation flux-dépendante persistait chez les patients insuffisants cardiaques recevant un traitement bêtabloquant non sélectif (propanolol ou carvédilol) (figure 5 B). Figure 5. A. Le traitement bêtabloquant n’empéche pas l’amélioration de la tolérance à l’effort après un programme de réentraînement chez les patients insuffisants cardiaques ; B. Amélioration de la vasomotricité NO dépendante évalué par un test d’hyperhémie après réadaptation chez les patients recevant un traitement bétabloqueur ; d’après Demopoulos Circulation. 1997 Apr 1;95(7):1764-7. Modalités Une association d’exercices d’endurance sur tapis ou cycloergomètre et de résistance semble nécessaire pour optimiser la correction des anomalies périphériques liées au déconditionnement chez les patients insuffisants cardiaques. L’intensité « optimale » des séances de réentraînement reste débattue et n’a pas été spécifiquement étudiée chez les patients porteurs d’un traitement bêtabloquant. Toutefois, le but recherché étant une correction des anomalies périphériques, des programmes de réadaptation d’un niveau plus faible que chez les patients coronariens, à 40-50 % de la VO2 max, en-dessous du seuil ventilatoire, se révèlent non seulement bien tolérés mais efficaces. L’intensité des séances d’endurances est, comme chez les patients coronariens, prescrite à partir d’une fréquence cardiaque ou d’une charge cible, obtenues lors d’une épreuve d’effort « test ». Les conditions hémodynamiques, notamment les fréquences cardiaques obtenues au repos, au seuil ventilatoire et au maximum de l’exercice sont perturbées : - par l’effet des bêtabloquants et des différentes thérapeutiques (digitaliques, cordarone, stimulation multisite…), - par la stimulation neurohormonale et par la down regulation des bêtarécepteurs, Elles sont de ce fait difficiles à prédire à partir d’une épreuve d’effort « standard ». L’épreuve d’effort doit donc être couplée à la mesure des échanges respiratoires chez ces patients afin d’évaluer précisément la tolérance à l’effort et de pouvoir guider l’intensité des séances de réadaptation.   Conclusion   La réadaptation cardiaque fait partie intégrante du traitement des patients coronariens et/ou insuffisants cardiaques, permettant une amélioration de la qualité de vie, de la tolérance à l’effort et une diminution de la morbi-mortalité. Si le bénéfice du réentraînement n’est pas modifié par l’existence d’un traitement bêtabloquant, ce dernier modifie les conditions hémodynamiques de repos et d’effort et doit faire réévaluer le mode de prescription du réentraînement, en particulier chez les patients coronariens.

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