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HTA

Publié le 05 sep 2006Lecture 8 min

Existe-t-il un traitement antihypertenseur néphroprotecteur ?

J. ROSSERT, hôpital européen Georges Pompidou, Paris

Les rôles bénéfiques du contrôle tensionnel et des bloqueurs du système rénine-angiotensine (du moins chez les patients protéinuriques) dans le ralentissement de la progression des maladies rénales chroniques sont bien établis. Ces médicaments doivent donc être considérés comme les antihypertenseurs à utiliser en première intention en cas de maladie rénale.

Importance du contrôle tensionnel   Chez tous les sujets hypertendus, il est important d’obtenir des chiffres de pression artérielle (PA) < 140/90 mmHg, afin de diminuer la morbi-mortalité cardiovasculaire. Cela a d’ailleurs été souligné aussi bien par les recommandations du JNC VII que par celles de l’HAS. En cas de maladie rénale chronique, le contrôle de la PA permet également de ralentir la progression de la maladie rénale et l’analyse des données disponibles suggère que l’objectif doit être une PA < 130/80 mmHg si l’on veut obtenir un effet néphroprotecteur optimal. C’est en outre l’objectif qui a été retenu dans les recommandations du JNC VII, de la National Kidney Foundation ou de la Haute autorité de santé (HAS). Chez les patients non diabétiques, cela a été suggéré initialement par l’analyse a posteriori de l’étude MDRD (Modification of Diet in Renal Disease Study), qui a également montré que le bénéfice d’un contrôle tensionnel strict était d’autant plus important que le sujet était plus protéinurique. Plus récemment, une métaanalyse de 11 études qui avaient inclus au total 1 860 patients, dont la plupart n’étaient pas diabétiques, a conclu qu’une pression artérielle systolique (PAS) comprise entre 110 et 129 mmHg permet de ralentir au mieux la progression des maladies rénales. De même, chez les patients diabétiques, l’analyse a posteriori de l’étude IDNT (Irbesartan in Diabetic Nephropathy Trial), qui a inclus 1 590 patients diabétiques de type 2 hypertendus et atteints de néphropathie diabétique, suggère qu’une cible tensionnelle comprise entre 120 et 130 mmHg permet de diminuer au maximum à la fois la fréquence des événements cardiovasculaires et la progression de l’insuffisance rénale.   Rôle néphroprotecteur des bloqueurs du SRA De nombreuses études cliniques ont montré le rôle bénéfique des bloqueurs du SRA sur la progression des maladies rénales, notamment lorsqu’il existe une protéinurie, et ce sont ces médicaments qui doivent être utilisés en première intention chez les patients atteints de maladie rénale. Cela est d’ailleurs conforme aux recommandations aussi bien du JNC VII que de la National Kidney Foundation ou de l’HAS.   Chez les patients diabétiques • Dans une étude publiée en 1993 par Lewis et al portant sur 409 patients diabétiques de type 1 et atteints de néphropathie diabétique, les effets bénéfiques des bloqueurs du SRA ont, pour la première fois, été mis en évidence. Dans cette étude, le traitement par captopril (75 mg/j) a ralenti de façon significative la progression de l’insuffisance rénale (- 48 % du risque de voir doubler la créatinine au cours de l’étude) ; cependant, l’existence de différences dans le contrôle tensionnel entre les deux groupes en rendait l’interprétation délicate. • Presque dix ans plus tard, deux études importantes ont montré l’effet bénéfique des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) chez les patients diabétiques de type 2 et atteints de néphropathie diabétique avérée : - l’étude RENAAL (Reduction of Endpoints in Non-insulin dependant diabetes mellitus with the Angiotensin II Antanonist Losartan) a inclus 1 513 patients diabétiques de type 2 porteurs d’une néphropathie diabétique avérée. Elle a permis de montrer qu’un traitement par losartan (50 à 100 mg/j) ralentit significativement la progression de la maladie rénale (- 25 % du risque de doublement de la créatininémie et de 28 % du risque d’insuffisance rénale terminale) ; - l’étude IDNT (cf. ci-dessus) a inclus 1 715 patients diabétiques de type 2, hypertendus et porteurs d’une néphropathie diabétique avérée et a comparé l’effet d’un traitement par placebo, par amlodipine (10 mg/j) ou par irbesartan (300 mg/j). Là encore, le traitement par irbesartan a significativement diminué le risque de mort ou de progression de la maladie rénale (diminution > 30 % du risque de doublement de la créatininémie et diminution > 20 % du risque d’insuffisance rénale terminale). En revanche, aucun effet bénéfique du traitement par amlodipine n’a pu être mis en évidence. Diverses études ont par ailleurs montré l’intérêt d’un traitement par bloqueur du SRA chez les patients diabétiques présentant une microalbuminurie.   Chez les patients non diabétiques Plusieurs études, et notamment les études AIPRI (Angiotensin-converting-enzyme inhibition in Progressive Renal Insufficiency study group) et REIN (Ramipril Efficacy in Nephropathy) et une étude chinoise récente (Hou et al), ont mis en évidence le bénéfice des traitements par inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) : - l’étude AIPRI (583 patients non diabétiques ayant une insuffisance rénale chronique) a montré qu’un traitement par bénazépril (10 mg/j) permet de ralentir significativement la progression de l’insuffisance rénale, avec une réduction d’environ 40 % du risque de voir doubler la créatinine ou d’arriver en insuffisance rénale terminale au cours de l’étude. D’après les résultats de l’étude des sous-groupes de patients, cet effet protecteur était surtout marqué chez les patients ayant une néphropathie glomérulaire ; - l’étude REIN (352 patients ayant une insuffisance rénale chronique et une protéinurie > 1 g/j, non liées à une néphropathie diabétique) a étudié l’efficacité d’un traitement par ramipril. Dans le groupe de 166 patients dont la protéinurie était d’au moins 3 g/j, l’étude a été interrompue prématurément car le traitement par ramipril a rapidement induit un ralentissement très significatif de la progression de l’insuffisance rénale. Dans le groupe de 186 patients dont la protéinurie était comprise entre 1 et 3 g/j, l’étude a été menée jusqu’à son terme et l’analyse des résultats a montré que le nombre de patients arrivant en insuffisance rénale terminale était significativement plus faible dans le groupe traité par ramipril (9 versus 21 %) après un suivi moyen de 32 mois ; - très récemment, une étude menée en Chine a montré que le bénéfice du traitement par IEC existe même en cas de maladie rénale chronique avancée, puisque les auteurs ont montré le bénéfice d’un traitement par bénazépril (20 mg/j) chez des patients dont la créatininémie à l’inclusion était comprise entre 274 et 442 µmol/l (diminution > 20 % de la vitesse de progression de la maladie rénale). Il faut rapprocher de ces études AASK (African American Study of Kidney disease), qui a inclus 1 094 patients Noirs américains porteurs d’une néphropathie vasculaire. Elle a montré qu’un traitement par ramipril était plus efficace qu’un traitement par métoprolol ou amlodipine sur le risque de mort ou de progression de la maladie rénale ; l’effet sur la progression de l’insuffisance rénale était surtout net chez les patients dont le débit de protéinurie était > 300 mg/j.   Protéinurie et progression des maladies rénales Au cours de ces dernières années, il est apparu clairement que la protéinurie est non seulement un marqueur de maladie rénale, mais également un facteur de progression réversible. L’association entre débit de protéinurie et vitesse de progression des néphropathies a été mise en évidence dans de nombreuses études concernant la plupart des néphropathies. De plus, l’analyse a posteriori d’études d’intervention comme REIN, AASK, RENAAL ou IDNT a montré que la diminution du débit de protéinurie est associée à une diminution de la vitesse de progression des néphropathies. Dans ce contexte, il est essentiel de remarquer que, dans toutes ces études, l’effet néphroprotecteur des bloqueurs du SRA était associé à une diminution du débit de protéinurie de l’ordre de 30 à 50 %. En effet, la diminution du débit de protéinurie semble être l’un des mécanismes essentiels de l’effet néphroprotecteur des bloqueurs du SRA. Si l’on considère que l’effet bénéfique propre (c’est-à-dire non lié au contrôle tensionnel) des bloqueurs du SRA est lié avant tout à leur effet antiprotéinurique, il est légitime de surveiller l’évolution du débit de protéinurie lors de la mise en route d’un traitement par bloqueur du SRA, et d’essayer de le faire diminuer au maximum. Cela peut être obtenu par : • l’utilisation de doses suffisamment fortes du médicament, la réduction du débit de protéinurie semblant être dose-dépendante dans la gamme des doses usuelles recommandées ; • l’utilisation concomitante d’un diurétique, qui a un effet synergique non seulement sur la PA mais également sur le débit de protéinurie ; • enfin, l’association d’un IEC et d’un ARA II, l’utilisation conjointe de ces deux classes thérapeutiques semblant avoir un effet synergique sur le débit de protéinurie. Il est important de noter qu’en raison de l’action synergique entre bloqueurs du SRA et diurétiques à la fois sur la PA et sur le débit de protéinurie, ce sont ces derniers médicaments qui sont recommandés en deuxième intention dans la prise en charge de l’HTA chez les sujets atteints de maladie rénale chronique.   Bloqueurs du SRA et diminution de la fonction rénale De nombreux médecins sont ennuyés par la diminution aiguë du débit de filtration glomérulaire (DFG) qui accompagne souvent la prescription de bloqueurs du SRA chez les patients insuffisants rénaux, et cela conduit parfois à la prescription de ces médicaments à une posologie sous-optimale. En fait, l’analyse a posteriori de 11 études d’intervention a montré l’existence d’une relation inverse entre l’importance de la diminution initiale du DFG (à condition qu’elle reste < 30 %) et la vitesse de progression de la maladie rénale à plus long terme. Les recommandations actuelles préconisent donc de réduire la dose de bloqueur du SRA si la diminution du DFG lors l’instauration du traitement (ou de l’augmentation de posologie) est comprise entre 30 et 50 % et d’arrêter le traitement si elle est > 50 %. En revanche, une diminution aiguë du DFG < 30 % ne doit faire remettre en cause ni le bien-fondé du traitement ni la dose de bloqueur du SRA.   En conclusion   Il est bien établi que les bloqueurs du SRA ont un effet néphroprotecteur propre, outre leur effet antihypertenseur. Ces médicaments doivent donc être utilisés en première intention chez les patients hypertendus atteints de maladie rénale chronique. L’effet néphroprotecteur semble médié avant tout par une diminution du débit de protéinurie et, lors de la prescription d’un traitement par bloqueur du SRA à un patient insuffisant rénal, il faut surveiller non seulement la PA, la fonction rénale et la kaliémie, mais aussi le débit de protéinurie. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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