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Coronaires

Publié le 14 sep 2016Lecture 6 min

L’angor vasopastique - À propos d’une observation et revue de la littérature

A. BOUZERDA*, A. KHATOURI** *Service de cardiologie 1, CMC Agadir **Service de cardiologie, Hôpital Militaire Avicenne, Marrakech ; Faculté de médecine et pharmacie de Marrakech, Maroc

Les anomalies de la vasomotricité coronaire participent à la survenue des événements coronaires. L’angor spastique est considéré comme rare mais sa prévalence est probablement sous-estimée. Nous rapportons une observation d’un syndrome coronarien aigu ST positif en rapport avec un spasme coronaire. Nous discutons à partir de ce cas pratique et d’une revue de la littérature la physiopathologie, la stratégie diagnostique et thérapeutique des syndromes coronariens aigus d’origine spastique.

Observation Nous rapportons le cas d’un jeune patient âgé de 40 ans, ayant comme antécédents médicaux un asthme bronchique sous β2-mimétique et comme facteur de risque cardiovasculaire un tabagisme actif évalué à 20 paquets-années. Admis aux urgences à H2 d’une douleur thoracique angineuse associée à des vomissements. L’examen clinique à son admission trouve un patient qui souffre au repos avec un état hémodynamique stable Fc à 75 bpm et une TA à 130/85 mmHg. L’examen cardiaque note des bruits du cœur réguliers sans souffle, les pouls périphériques sont présents de manière bilatérale et symétrique sans souffle à l’auscultation des gros axes vasculaires accessibles. L’examen pleuro-pulmonaire montre des poumons secs sans signes périphériques d’insuffisance cardiaque. Durant la prise en charge, il présente un arrêt cardio-respiratoire (ACR). Une réanimation cardio-pulmonaire (RCP) est immédiatement entreprise par les urgentistes. Un choc électrique externe (CEE) est administré à l’aide d’un défibrillateur semi-automatique. À 2 min de RCP, on constate un retour à une activité circulatoire spontanée. L’électrocardiogramme basal de repos s’inscrit en rythme sinusal avec un sus-décalage du segment ST dans les dérivations inférieures (figure 1). Figure 1. Sus-décalage du segment ST en inférieur. L’échocardiographie transthoracique objective une akinésie myocardique inférieure, une fraction d’éjection ventriculaire gauche estimée à 65 % et un péricarde sec sans valvulopathie mitro-aortique. Un traitement à base de 300 mg d’amiodarone sur 30 min pour prévenir les récidives de FV, de 250 mg d’aspirine et de 600 mg de clopidogrel et de 0,5 mg/kg en IVD d’enoxaparine est instauré puis adressé vers l’unité de cardiologie interventionnelle. La coronarographie met en évidence un spasme du segment proximal et moyen de l’artère coronaire droite (figure 2A). Le réseau coronaire gauche est indemne de sténoses avec une régression complète du spasme après injection intracoronaire du Risordan® (figure 2B). Figure 2. A : incidence OAD 30 montrant un spasme du segment proximal et moyen de la coronaire droite. B : levée du spasme après injection intracoronaire du Risordan®. L’évolution clinique est favorable sans récurrences angineuses ni épisode d’arythmie ventriculaire. Le patient quitte le service 3 jours plus tard sous inhibiteur calcique et dérivés nitrés. Discussion La publication de M. Prinzmetal et coll. utilisant pour la première fois le terme de variant angina date déjà de plus de 50 ans. Elle définissait un angor survenant au repos souvent associé à un sus-décalage du segment ST, sensible aux dérivés nitrés(1). Considéré comme fréquent en Asie avec une prévalence de 40 % au Japon(2), l’angor spastique (AS) ne concerne que 1,2 % des patients dans une étude européenne(3). L’AS est considéré comme rare mais sa prévalence est probablement sous-estimée, en particulier en cas de lésions coronariennes athéromateuses. L’AS est la conséquence d’un spasme coronaire dont le seul facteur de risque établi est le tabagisme(4). Ce dernier affecte la régulation vasomotrice par une baisse de la production de NO. Les artères coronaires sont anatomiquement normales sans sténoses décelables chez une proportion significative de patients (30 à 64 %)(5). L’athérosclérose modifie le tonus vasomoteur et la réactivité coronarienne et il a été démontré qu’il y a une relation intime entre le vasospasme et la plaque d’athérome. R.N. MacAlpin a constaté que dans 88 % des cas, l’origine du vasospasme était localisée sur le site d’une plaque d’athérome, le plus souvent non décelable à l’angiographie(5). Le degré d’implication de chacun des médiateurs de la régulation du tonus vasomoteur (monoxyde d’azote, facteur endothélial hyperpolarisant EDHF, prostacycline) varie selon le stade évolutif de la maladie athéroscléreuse et selon le diamètre du vaisseau. Un déséquilibre dans la production des facteurs vasodilatateurs ou vasoconstricteurs conduit à une altération du potentiel vasodilatateur de l’endothélium, marqueur principal de la dysfonction endothéliale et induit une réponse vasoconstrictrice paradoxale à l’acétylcholine, et une hyperréactivité, à l’action d’agents vasoconstricteurs des cellules musculaires lisses au niveau de certains segments artériels, responsable du spasme artériel(6). Enfin, il existe une variation circadienne du diamètre des artères coronariennes. Pendant le repos et le sommeil, le diamètre est plus faible et le tonus plus élevé, une situation propice au développement des spasmes. Le diagnostic de spasme coronaire est retenu chez des sujets ayant présenté des douleurs thoraciques typiques d’angor, généralement associées à des anomalies électrocardiographiques concomitantes (sus-décalage ou sous-décalage du segment ST) et à des modifications focales du calibre du vaisseau (observées à la coronarographie). Ces modifications peuvent être spontanément observées sur une coronarographie réalisée pendant l’épisode angineux ou a posteriori reproduites par un test pharmacologique de provocation, à distance de l’événement clinique. La réduction du calibre artériel est généralement réversible et concerne des zones artérielles considérées comme normales en l’absence de spasme. Des critères diagnostiques stricts et un arbre décisionnel précis sont proposés par la Japanese Circulation Society(2) (figure 3). La particularité de la population européenne est la plus grande fréquence de lésions athéromateuses associées pouvant compliquer le diagnostic. Figure 3. Arbre décisionnel dans le diagnostic de l’angor spastique (AS)(2). *Douleur de repos, diminution des capacités d’effort, douleurs induites par l’hyperventilation, sensibilité aux inhibiteurs calciques mais non aux bêtabloquants. **Sous-décalage ou sus-décalage de ST, apparition d’une onde U négative dans au moins 2 dérivations. ***Hyperventilation, acétylcholine ou ergonovine injection intracoronaire (IC). La plupart des cas d’angor spastique sont traités médicalement(4,7). Il est admis que le spasme disparaît généralement, ou au moins diminue considérablement, grâce au traitement par des vasodilatateurs coronaires(4,7). Les médicaments utilisés pour traiter cette pathologie sont essentiellement les inhibiteurs calciques et les nitrés(4). La nifédipine et le diltiazem ou le vérapamil sont efficaces pour réduire les épisodes de douleur, ainsi que le risque de mort subite. Parfois il est nécessaire de prescrire deux ou plusieurs inhibiteurs calciques ou de les combiner avec les nitrés. Les bêtabloquants, en particulier non sélectifs, ne doivent pas être utilisés en raison du risque de vasoconstriction médiée par leurs récepteurs(4). L’aspirine doit être utilisée chez les patients avec coronaires athéromateuses, bien que cela soit discutable chez ceux qui présentent des coronaires angiographiquement normales, son mécanisme d’action pouvant aggraver le spasme(4). D’autres classes de vasodilatateurs peuvent être utilisées, aucune étude randomisée ne venant cependant étayer cette utilisation. Les dérivés nitrés, le nicorandil, représentent un incrément thérapeutique logique. En cas d’échec, d’autres classes pharmacologiques peuvent être occasionnellement efficaces, telles que les alphabloquants ou les antagonistes de l’angiotensine II, mais il s’agit là d’une utilisation purement empirique à n’envisager qu’en cas d’échec documenté des anticalciques et des dérivés nitrés correctement dosés. Les statines, en association aux inhibiteurs calciques, pourraient contribuer à diminuer la vasoconstriction(8). Le bosentan pourrait être efficace en cas d’AS réfractaire(9). Le sevrage tabagique est primordial, non seulement dans le cas des règles hygiéno-diététiques de la maladie athéromateuse mais aussi en raison de son implication dans la genèse du spasme. L’angioplastie coronaire peut avoir une place dans le traitement de l’AS mais elle reste limitée aux patients ayant une symptomatologie réfractaire à un traitement médical maximal et avec un spasme bien localisé(10). En l’absence de lésion coupable, les SCA d’origine spastique ont un bon pronostic sans décès (pour 11 % en cas de lésion coupable) ou infarctus à 3 ans dans l’étude CASPAR, mais avec récidives ischémiques dans la moitié des cas(11). Toutefois l’existence de lésions athéromateuses associées à un angor spastique est un des facteurs aggravant le pronostic et explique en partie le plus grand nombre d’événements cardiaques graves dans la population européenne comparativement à la population japonaise(12). En pratique Le spasme coronaire est la conséquence d’une perturbation aiguë de la vasomotricité coronaire. Cette perturbation peut survenir dans un contexte de normalité ou d’altération de la vasomotricité basale. Le diagnostic reste souvent difficile. L’imputabilité du spasme coronaire est sous-estimée dans la survenue des morts subites et des accidents coronaires aigus non mortels. Une meilleure prise en charge diagnostique de l’angor spastique permettrait d’adapter de manière spécifique le traitement de ces patients.

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