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Coronaires

Publié le 12 nov 2024Lecture 8 min

Syndrome coronaire chronique : les dernières recommandations

Georges HAGE, Julien ROSENCHER, Groupe Hospitalier privé Ambroise Paré-Hartmann, Neuilly-sur-Seine

Les dernières recommandations sur le syndrome coronaire chronique ont été présentées à l’ESC 2024 et publiées concomitamment. Comme à chaque fois, elles représentent une photo actualisée de l’état de nos connaissances dans la pathologie coronaire stable et sa prise en charge. Cette année, même si le concept de syndrome coronaire chronique évolue vers une entité plus globale (avec l’angor et l’ischémie sans lésion coronaire obstructive), il y a finalement peu de grands changements dans la prise en charge par rapport aux dernières versions, malgré la publication d’études majeures sur la revascularisation des patients stables (dont ISCHEMIA, REVIVED-BCIS2…).
Nous détaillons ici les points clés de ces recommandations en soulignant les nouveautés apportées.

Généralités   Depuis le changement d’appellation « d’angor stable » à « syndrome coronaire chronique » (SCC) lors des dernières recommandations de 2019, le terme de SCC continue d’évoluer et sa prise en charge en est modifiée. En effet, il englobe maintenant des entités plus complexes avec l’atteinte fonctionnelle microcirculatoire des fameuses INOCA (ischémie sans obstruction coronaire épicardique) et ANOCA (angor sans obstruction coronaire épicardique). Bien que le concept « d’ischémie » reste central dans ces recommandations (avec ou sans lésion obstructive), il apparaît également une autre catégorie croissante de patients asymptomatiques chez lesquels une coronaropathie est détectée lors d’un examen d’imagerie (surtout scanner coronaire) (figure 1). Figure 1. Différentes présentations cliniques du syndrome coronaire chronique.   Il est proposé par les auteurs une prise en charge en 4 étapes en cas de suspicion de syndrome coronarien chronique : 1. Évaluation générale : histoire clinique, ECG, bilan biologique et radiologique. 2. Évaluation complémentaire avec en particulier l’estimation de la probabilité pré-test de SCC (score de probabilité clinique ajustée sur les facteurs de risque cardiovasculaires). 3. Confirmation diagnostique et estimation du risque d’événement cardiovasculaire. 4. Prise en charge médicamenteuse et interventionnelle.   1re étape - Évaluation générale   Cette étape initiale reste classique avec un examen physique, un ECG et un bilan biologique. On peut cependant noter l’apparition en classe IIaB de la CRP ultra-sensible et/ou du fibrinogène dans les critères biologiques de première intention.   2e étape - Évaluation complémentaire et estimation de la probabilité pré-test (figure 2) Figure 2. Ajustement et reclassification de la probabilité clinique estimée de maladie coronarienne obstructive.   La nouveauté se trouve principalement dans la proposition d’utiliser un nouveau « score de probabilité clinique pondérée par les facteurs de risque » (I-B). Pour calculer ce score, il faut tout d’abord estimer le « score symptomatique » en fonction des caractéristiques de la douleur thoracique (qui peut rapporter de 0 à 3 points) ou de la dyspnée (qui peut rapporter de 0 à 2 points), ajusté au nombre de facteurs de risque (de 0 à 5 pour l’hérédité, le tabagisme, la dyslipidémie, l’hypertension artérielle et le diabète), en tenant compte de l’âge et du sexe du patient. Ce score peut être ajusté aux données cliniques supplémentaires (examen des artères périphériques, ECG de repos, échocardiographie de repos, présence de calcifications vasculaires lors d’examens d’imagerie réalisés précédemment) (I-C) et au score calcique chez les patients à faible risque (IIa-B). Ce score stratifie le niveau de risque (très faible < 5 %, faible 5-15 %, modéré 15-50 %, élevé 50-85 % et très élevé > 85 %).   3e étape - Confirmation diagnostique et estimation du risque d’événement cardiovasculaire (figure 3) Figure 3. Confirmation diagnostique et estimation du risque d’événement cardiovasculaire.   Ces nouvelles recommandations confirment la part centrale du coroscanner comme examen diagnostique et pronostique en première intention (I-A) chez la majorité des patients, c’est-à-dire ceux présentant une probabilité pré-test faible ou modérée (> 5 %- 50 %) de coronaropathie obstructive. Il est cependant contre indiqué en cas d’insuffisance rénale sévère (DFG < 30 mL/min) (III). Les tests d’ischémie couplés à l’imagerie restent indiqués chez les patients présentant une probabilité pré-test modérée ou élevée (> 15 %-85 %) de coronaropathie obstructive : échographie de stress (IB), scintigraphie myocardique si possible associée à un score calcique (IB) ou IRM de stress (IB). Le test d’effort seul disparaît des recommandations. Enfin, l’évaluation coronaire invasive par coronarographie est limitée aux patients dont le diagnostic reste incertain à l’issue des tests non invasifs ainsi que ceux présentant une probabilité clinique très élevée (> 85 %) de maladie, des symptômes réfractaires à un traitement médical, un angor à faible niveau d’exercice et/ou un risque d’événement élevé. Plusieurs critères peuvent être utilisés pour définir un risque d’événements cardiovasculaires élevé : – ECG d’effort : Duke Treadmill Score < -10 ; – scintigraphie : zone d’ischémie ≥ 10 % du myocarde ; – échocardiographie de stress : hypokinésie ou akinésie induite par le stress ≥ 3 segments ; – IRM de perfusion : ≥ 2 des 16 segments avec défauts de perfusion à l’effort ; – coroscanner : sténose du TC ≥ 50 %, lésions tritronculaires avec sténoses ≥ 70 %, ou bitronculaires avec une sténose ≥ 70 % comprenant l’IVA proximale ou lésion monotronculaire de l’IVA proximale avec une sténose ≥ 70 % et FFR-CT (par scanner) ≤ 0,8.   4e étape - prise en charge médicale (figure 4) Figure 4. Prise en charge médicale et interventionnelle (ATC : angioplastie, PAC : pontages).   La prise en charge médicale doit être « globale, centrée sur le patient et multidisciplinaire ». La recommandation la plus importante est d’adopter un mode de vie « sain », visant à réduire les événements cardiovasculaires et à améliorer la qualité de vie. Il est recommandé d’avoir une activité physique régulière (IA) jusqu’à une réadaptation cardiaque à domicile (IIaB). Les grandes classes de traitement médicamenteux antiangineux sont inchangés avec les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques en première ligne pour la majorité des patients (I-B). En ce qui concerne le traitement antithrombotique, l’aspirine reste le traitement de première intention, mais chez les patients avec antécédent d’infarctus ou d’angioplastie, le clopidogrel 75 mg/jour est maintenant recommandé comme alternative sûre et efficace en monothérapie (I-A). L’aspirine est également recommandée en prévention primaire chez ceux présentant des signes de coronaropathie obstructive significative (I-B). Après angioplastie, la durée de bithérapie par défaut reste de 6 mois, cette durée pouvant être diminuée à 1-3 mois en cas de haut risque hémorragique. En cas d’indication d’anticoagulation, il est recommandé dans le cas standard une trithérapie pendant une semaine association l’aspirine, le clopidogrel et un AOD, puis une bithérapie pour une durée de 6 mois par défaut avec l’association clopidogrel et AOD, puis une monothérapie par l’anticoagulant au long cours. Là encore, ces durées sont à moduler selon le risque ischémique et hémorragique des patients. Un traitement hypolipidémiant avec un objectif de LDL-C de < 55 mg/dL et une réduction de > 50 % du LDL-C par rapport à la valeur initiale est recommandé en classe I-A. La nouveauté étant que l’utilisation d’une statine à haute intensité administrée à la dose maximale tolérée d’emblée est recommandée chez tous les patients (I-A), associée à l’ézétimibe si besoin (I-B), tandis que l’acide bempédoïque apparaît la première fois chez les patients intolérants aux statines (I-B). Autres nouveautés importantes : l’apparition des inhibiteurs du SGLT2 et des analogues des récepteurs du GLP1 chez les patients diabétiques, indépendamment du contrôle glycémique (I-A). Il existe également une recommandation de grade IIa-B chez les patients non diabétiques avec un IMC > 27 pour réduire les événements cardiovasculaires. La colchicine à faible dose (0,5 mg/j) fait également son apparition comme agent antiinflammatoire pour réduire les risques d’événements cardiovasculaires (IIa-A.)   4e étape (suite) - revascularisation (figure 4)   Ces nouvelles recommandations insistent sur l’importance de proposer une approche centrée sur le patient, intégrant ses préférences individuelles (I-C). Dans le cas classique des patients avec FEVG > 35 %, il reste recommandé de revasculariser les lésions « fonctionnellement » significatives du tronc commun ou tritronculaires (I-A) ou monoet bitronculaires comportant l’IVA proximale (I-B) pour améliorer le pronostic et la qualité de vie. Ceci pouvant être fait par angioplastie ou pontage avec un niveau de preuve similaire. Chez les patients atteints de SCC dont la FEVG est ≤ 35 %, il est recommandé de choisir entre la revascularisation et le traitement médical seul, après une évaluation minutieuse de l’anatomie coronaire, de la corrélation entre la maladie coronarienne et la dysfonction ventriculaire gauche, des comorbidités, de l’espérance de vie, du rapport risque/bénéfice individuel et du point de vue du patient (I-C). Dans ce cas, une préférence est portée à la chirurgie (I-B) versus angioplastie (IIb-B). Les grandes nouveautés sont retrouvées du côté des « outils » de la cardiologie interventionnelle avec une recommandation de classe I-A pour : – l’utilisation de l’imagerie endocoronaire par IVUS ou OCT sur les lésions anatomiquement complexes, en particulier le tronc commun, les bifurcations nécessitant deux stents et les lésions longues ; – l’utilisation de la FFR (Fractional Flow Reserve) (ou de la QFR en I-B) pour sélectionner les lésions à revasculariser en cas d’atteinte pluritronculaires, notamment pour les lésions intermédiaires (40-90 %). Enfin, une partie très importante des nouvelles recommandations est consacrée au diagnostic et à la prise en charge des patients souffrant d’angor/ischémie avec des artères coronaires non obstructives. Le traitement de ces deux nouvelles entités ANOCA/INOCA inclut des mesures générales (régime, exercice, gestion du stress…) associé au contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires. Un traitement médical spécifique peut être initié avec une association IEC et statines en cas de dysfonction endothéliale (IIa-B). En cas d’angor microvasculaire confirmé par une réduction du flux coronaire, les traitements anti-ischémiques doivent être envisagés pour améliorer les symptômes (IIa-B). En cas de vasospasme isolé, les inhibiteurs calciques sont recommandés pour contrôler les symptômes et prévenir l’ischémie ainsi que les complications potentiellement fatales (I-A).   EN PRATIQUE   - Ces nouvelles recommandations insistent toujours plus sur la prise en charge personnalisée avec une part importante des conseils de vie « saine » (alimentation, exercice physique, sommeil, gestion du stress, etc.) et des décisions prises en « heart team ». - D’un point de vue pratique, on ne retrouve pas de grand changement par rapport aux dernières recommandations avec une prise en charge restant centrée sur l’évaluation du risque par imagerie anatomique (scanner) ou fonctionnelle (test d’ischémie) en fonction de la probabilité pré test de lésion coronaire significative. - Les principales nouveautés sont retrouvées dans la part importante donnée aux ANOCA/INOCA en tant que partie intégrante du SCC et dans les outils imposés aux cardiologues interventionnels (imagerie endocoronaire et FFR) étant considérés comme importants pour diminuer le risque d’événement cardiovasculaire. - Enfin, on peut constater que le nouveau paradigme mettant en évidence que le pronostic de la maladie coronaire est plus lié à la présence de plaques non significatives instables qu’à la présence d’une ischémie myocardique n’est pas encore pris en compte dans ces recommandations avec une prise en charge restant centrée sur la présence de « lésions coronaires fonctionnellement significatives ».

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