Publié le 25 nov 2024Lecture 5 min
Quoi de neuf en hémostase ? L’actualité du congrès de l’ESC 2024
Sophia SABRI*, Anne-Céline MARTIN, *Interne en cardiologie Unité médico-chirurgicale d’insuffisance cardiaque sévère, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris
Deux essais randomisés sur les stratégies antithrombotiques ont été présentés en Hotline à l’ESC, OCEANIC-AF et EPIC-CAD, tous les deux publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine.
OCEANIC-AF
L’essai OCEANIC-AF est le premier essai de phase 3 évaluant l’asundexian, un nouvel anticoagulant anti-XIa pour la prévention des AVC et embolies systémiques dans la fibrillation atriale. Il s’agit d’un essai international, en double aveugle avec double placebo. Des patients avec un risque thrombo-embolique et/ou hémorragique élevé (population enrichie) ont été randomisés en 1:1 pour recevoir soit l’asundexian à la dose de 50 mg/j, soit l’apixaban à la dose standard. L’asundexian est une petite molécule orale inhibant le FXIa, facteur de la voie intrinsèque de la coagulation, impliqué dans l’amplification de la génération de thrombine, et la croissance du caillot, d’une part, et dans la stabilisation du caillot de fibrine en retardant la fibrinolyse, d’autre part (activation du TAFI). L’asundexian inhibe donc la thrombose pathologique tout en conservant l’hémostase physiologique et pourrait à la fois conserver son efficacité antithrombotique et diminuer le risque hémorragique. L’objectif principal était de tester l’hypothèse selon laquelle l’asundexian 50 mg/j était non inférieur à l’apixaban pour la prévention des AVC et embolies systémiques.
L’objectif principal de sécurité était de déterminer si l’asundexian était supérieur à l’apixaban pour diminuer les saignements majeurs selon la Société internationale de thrombose et d’hémostase (ISTH) et s’il apportait un bénéfice clinique net en considérant un critère composite incluant AVC, embolie systémique ou saignements majeurs selon l’ISTH.
Au total, 14 810 patients ont été inclus, dans 1 035 centres situés dans 38 pays, entre décembre 2022 et novembre 2023. L’âge moyen était de 73,9 ± 7,7 ans, 35,2 % étaient des femmes, 18,6 % avaient une maladie rénale chronique, 18,2 % avaient déjà eu un AVC ou un AIT, et le score moyen CHA2DS2-VASc était de 4,3 ± 1,3. Au total, 36,5 % avaient une FA paroxystique, et 61,8 % une FA persistante. La durée médiane de suivi était de 155 jours.
L’essai a été arrêté prématurément sur recommandation du comité indépendant de surveillance des données en raison d’une augmentation des événements thrombotiques dans le groupe asundexian. En effet 98 patients (1,3 %) ayant reçu l’asundexian ont présenté un AVC ou une embolie systémique pour 26 patients (0,4 %) ayant reçu l’apixaban soit un risque multiplié par 3,79 (IC 2,46 à 5,83) (figure 1). Il n’y avait pas de différence sur la mortalité toutes causes et la mortalité cardiovasculaire. Concernant la sécurité, l’asundexian réduisait l’ensemble des saignements, mineurs, non majeurs cliniquement pertinents et majeurs diagnostiqués chez 17 patients (0,2 %) seulement ayant reçu de l’asundexian et 53 patients (0,7 %) ayant reçu de l’apixaban, soit une réduction de 68 % (HR 0,32 [0,18 à 0,55]). Il n’y avait pas de différence sur les AVC hémorragiques. Le bénéfice clinique net était en défaveur de l’asundexian.
Figure 1. Incidence cumulée d’AVC et embolies systémiques.
Seul 1 sous-groupe se distinguait, celui des patients naïfs vs les patients exposés aux anticoagulants au moment de la randomisation (83 %) chez qui l’asundexian n’augmentait pas les événements thrombotiques (HR 4,66 [2,84-7,65] vs 1,42 [0,54-3,73], p interaction 0,03).
Au total, il s’agit d’une étude négative. Plusieurs hypothèses peuvent être évoquées :
– l’inefficacité des anti-XIa pour réduire les événements thromboemboliques dans la FA : ceci est peu probable vu les résultats obtenus avec d’autres molécules anti-XI dans la prévention des événements thrombotiques veineux ;
– une dose insuffisante d’asundexian : la dose de 50 mg/jour a été retenue à la suite de l’étude de phase 2 PACIFIC-AF. Cependant, l’inhibition du FXIa n’était que de 90 %. Une inhibition complète pourrait être nécessaire pour une prévention efficace.
Le schéma d’administration pourrait également avoir eu un impact sur l’efficacité ;
– un nombre d’événements thromboemboliques plus faible qu’attendu, et donc une potentielle efficacité plus difficile à mettre en évidence ;
– un potentiel effet rebond chez les patients recevant déjà un anticoagulant anti-Xa à l’inclusion ;
– un effet antiplaquettaire moins puissant avec les antiFXIa qu’avec les anti-Xa chez des patients dont on ne peut exclure l’origine plutôt athéromateuse que cardio-embolique des AVC.
EPIC-CAD
L’essai EPIC-CAD est un essai randomisé, en ouvert, réalisé en Corée du Sud, qui avait pour objectif de tester l’hypothèse selon laquelle une monothérapie par AOD était supérieure à une bithérapie associant un AOD et un antiplaquettaire chez les patients avec une FA à risque emboligène (CHA2DS2-VASc ≥ 2) et une maladie coronaire stable sur un critère de bénéfice clinique net. On parlait de maladie coronaire stable pour un délai de 6 mois après une angioplastie programmée ou un pontage et un délai de 12 mois après un syndrome coronarien aigu.
Le critère principal était un critère composite associant mortalité toutes causes, infarctus du myocarde, AVC, embolie systémique, revascularisation en urgence, et saignements majeurs ou non majeurs cliniquement pertinents à 12 mois. Les critères secondaires comprenaient un critère composite d’événements ischémiques majeurs et le critère de sécurité à savoir les saignements majeurs ou non majeurs cliniquement pertinents.
Au total 1 040 patients ont été inclus dans 18 centres de Corée du Sud et randomisés en 1:1 pour recevoir soit l’edoxaban en monothérapie (dose de 60 mg/j ou 30 mg/j selon les critères d’ajustement classiques) soit une bithérapie associant l’edoxaban et un antiplaquettaire. L’âge moyen était de 72,1 ans, 22,9 % seulement étaient des femmes, et le score moyen CHA2DS2-VASc était de 4,3. L’antiplaquettaire le plus prescrit était l’aspirine à 61,8 %. 65,7 % des patients avaient été revascularisés, essentiellement par angioplastie dans 88,7 % des cas, les autres traités médicalement. 55 % présentaient une FA paroxystique.
À 12 mois, 34 patients (6,8 %) recevant la monothérapie et 79 patients (16,2 %) recevant la bithérapie antithrombotique avaient présenté le critère de jugement principal, soit une diminution de 56 % (0,44 [0,30- 0,65] ; p < 0,001) obtenue avec la monothérapie. L’incidence des événements ischémiques majeurs à 12 mois semblait similaire dans les deux groupes (tableau 1), y compris les revascularisons urgentes. Aucune thrombose de stent n’a été observée. Concernant les saignements majeurs ou non majeurs cliniquement pertinents, la monothérapie réduisait de 66 % les événements avec 4,7 % dans le groupe recevant l’edoxaban seul et 14,2 % dans le groupe recevant la bithérapie (figure 2).
Figure 2. Bénéfice clinique net à 12 mois (mortalité toutes causes, infarctus du myocarde, AVC, embolie systémique, revascularisation en urgence, et saignements majeurs ou non majeurs cliniquement pertinents).
EPIC-CAD corrobore les résultats de AFIRE qui démontre que le rivaroxaban à la dose de 15 mg/j dose (validée dans la population asiatique) est non inférieur à la bithérapie associant rivaroxaban et antiplaquettaire sur les événements ischémiques et supérieur sur la réduction des saignements. Cependant il existe des limites : essai réalisé en ouvert ; patients d’Asie de l’Est, connus pour avoir un profil de risque ischémique et hémorragique différent des populations occidentales, et sous-représentation des femmes ; critère de jugement principal (bénéfice clinique net) qui peut favoriser la stratégie antithrombotique la moins puissante. Surtout, cet essai n’était pas conçu pour évaluer une différence sur les événements ischémiques, moins nombreux. Donc on ne peut exclure, en particulier chez certains patients à risque, le bénéfice de la poursuite d’une bithérapie.
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