publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Thérapeutique

Publié le 01 mar 2021Lecture 4 min

La monothérapie antiagrégante plaquettaire : quelle balance bénéfices-risques ?

Antoine VAILLIER, Thomas CUISSET, CHU Timone, Marseille

Le traitement de référence après un syndrome coronarien aigu ou une angioplastie est une double antiagrégation plaquettaire (DAPT) associant aspirine et un inhibiteur du P2Y12(1). Cependant, cette DAPT qui permet de couvrir le risque thrombotique expose à un risque d’événements hémorragiques non négligeable. C’est pourquoi de nouvelles stratégies antiagrégantes s’adaptant à la fois au risque thrombotique et hémorragique voient le jour.

• Évidence De plus en plus d’études s’intéressent à la monothérapie antiagrégante par ticagrelor dont 2 études récentes (TWILIGHT et TICO) avec des résultats encourageants (tableau 1). • L’étude TWILIGHT est une étude randomisée, en double aveugle qui a comparé, après 3 mois de DAPT associant aspirine et ticagrelor, un groupe « standard » où la DAPT par ticagrelor et aspirine est poursuivie, et un groupe où l’aspirine est arrêtée en maintenant une monothérapie par ticagrelor seul pendant 15 mois. Cette étude incluait des patients définis par l’étude à haut risque ischémique ou hémorragique et bénéficiant de l’implantation d’au moins un stent actif. À noter que 2/3 des patients inclus présentaient un syndrome coronaire aigu (SCA)(2). Le critère d’évaluation primaire était la survenue d’hémorragies cliniquement significatives (BARC de type 2, 3 ou 5) et le critère d’évaluation secondaire était un critère d’évaluation composite de mortalité totale, d’infarctus myocardiques ou d’AVC non fatals. L’étude a montré une réduction significative du critère d’évaluation primaire hémorragique dans le groupe traité par ticagrelor en monothérapie en réduisant pratiquement de moitié le risque hémorragique qui passe de 7,1 % à 4,0 % et sans perte d’efficacité sur les événements ischémiques. • L’étude TICO est une étude randomisée, ouverte, qui a inclus 3 056 patients avec SCA en Corée du Sud et qui ont été traités par stent actif (ORSIRO, Biotronik). Les patients ont été randomisés pour recevoir soit une DAPT « standard » par aspirine et ticagrelor pendant 12 mois soit une DAPT courte de 3 mois suivie d’une monothérapie ticagrelor. Le critère d’évaluation primaire était le taux net d’événements cliniques indésirables (NACE) à 12 mois, associant saignements majeurs et décès toutes causes, infarctus du myocarde, thrombose de stent, AVC ou revascularisation du vaisseau cible (MACCE). On retrouve à 12 mois, un taux de NACE de 3,9 % dans le groupe bénéficiant d’une DAPT courte suivie d’une monothérapie par ticagrelor contre 5,9 % dans le groupe traité avec une DAPT classique. La différence est principalement une réduction du risque de saignement majeur dans le groupe monothérapie par ticagrelor. À noter qu’aucune différence significative n’a été observée entre les groupes concernant les MACCE (2,3 % vs 3,4 %), ni les thromboses de stents (0,4 % et 0,3 %). • Guidelines Les dernières recommandations de l’ESC concernant le SCA sans sus-décalage ST publiées en 2020 nous suggèrent de guider le choix de la DAPT selon le risque hémorragique du patient(4)(figure 1). En effet, elles proposent chez les patients à faible risque hémorragique une DAPT de 12 mois (classe I), chez les patients à risque hémorragique élevé une DAPT raccourcie de 3 mois (classe IIa) et chez les patients à très haut risque hémorragique une DAPT courte de 1 mois (classe IIa). Les recommandations ont intégré les études TWILIGHT et TICO et proposent comme alternative à la DAPT de 12 mois, une DAPT de 3 mois suivie d’une monothérapie par ticagrelor chez les patients présentant un SCA sans sus-décalage ST à faible risque hémorragique (classe IIa). À noter que le risque ischémique est à prendre en compte chez ces patients à faible risque hémorragique, en privilégiant une DAPT de 12 mois à la monothérapie par ticagrelor en cas de risque ischémique non négligeable. Dans la même thématique, la désescalade est également intégrée dans les nouvelles recommandations. Elles proposent de réaliser une rétrogradation de l’inhibiteur du P2Y12 (par exemple, en passant du prasugrel ou du ticagrelor au clopidogrel), comme une stratégie alternative de la DAPT classique inchangée de 12 mois, en particulier chez les patients à risque d’être traités par un antiagrégant puissant au long cours. La désescalade peut être guidée par un jugement clinique et également par des tests plaquettaires ou le génotypage du CYP2C19(5-7). • Dans la pratique Dans notre pratique quotidienne, nous adoptons une stratégie guidée à la fois sur le risque hémorragique et ischémique. Elle permet d’individualiser et d’optimiser le traitement antiagrégant à chaque patient. Chez les patients à très haut risque hémorragique, on privilégiera une DAPT raccourcie comprenant du clopidogrel. Alors que chez les patients à très haut risque ischémique on préférera une DAPT d’au moins 12 mois avec un P2Y12 puissant (ticagrelor ou prasugrel)(figure 2). En dehors de ces situations, une stratégie de désescalade ou de monothérapie par ticagrelor après une DAPT courte paraît intéressante. L’idée est de couvrir la période à risque ischémique dans les suites immédiates de l’angioplastie par une DAPT puissante. Puis, après cette période (généralement de 1 à 3 mois), lorsque désormais c’est le risque hémorragique qui prédomine, on réalisera une rétrogradation de l’inhibiteur du P2Y12 (switch du ticagrelor ou du prasugrel pour du clopidogrel) ou un arrêt de l’aspirine pour une monothérapie au ticagrelor ou au prasugrel. Cette stratégie permet de s’adapter à l’évolution permanente du risque ischémique et hémorragique de chaque patient dans les suites d’un SCA.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 16 sur 48