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HTA

Publié le 15 fév 2023Lecture 10 min

Retour sur les 41es Journées d’HTA - Du dépistage de l’HTA secondaire aux nouveaux traitements

Laurence AMAR, Centre de soins, de recherche et d’enseignement en hypertension artérielle, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris ; Université de Paris ; Centre de référence en maladies rares de la surrénale

Les 41es Journées d’hypertension artérielle, sous l’égide de la Société française d’hypertension artérielle, filiale de la Société française de cardiologie, se sont tenues à Paris les 15 et 16 décembre derniers. Parmi les thèmes abordés, nous reviendrons sur la recherche d’hypertension artérielle secondaire et sur les nouveautés dans le traitement antihypertenseur.

Comment dépister les HTA secondaires en dehors de l’hospitalisation   En collaboration avec le Collège national des cardiologues français (CNCF) et le Collège national des cardiologues hospitaliers (CNCH), une première session s’est tenue avec pour thème « Comment le cardiologue peut dépister les HTA secondaires en dehors de l’hospitalisation ? ». Les Drs François Silhol, Benoît Lequeux, Yara Antakly et moi-même avons fait un point sur les indications et les modalités de recherche d’hypertension artérielle secondaire, ainsi que sur les phénotypes cardiaques des HTA secondaires.   Comment peut-on avancer le bilan d’HTA secondaire avec nos appareils d’échographie ? F. Silhol a tout d’abord évoqué l’importance de l’échographie cardiaque pour les patients hypertendus et a rappelé que devant une hypertrophie ventriculaire gauche chez un patient hypertendu, notamment lorsque l’épaisseur du septum ou de la paroi postérieure est supérieure à 15 mm, il faut penser à une amylose cardiaque, une cardiomyopathie hypertrophique de type sarcomérique, une maladie de Fabry, une maladie mitochondriale, etc. Concernant la recherche de cause d’hypertension artérielle, on peut utiliser une sonde abdominale pour rechercher une sténose artérielle rénale. Le pic de vitesse systolique est à 250 cm/s. On recherchera en fonction du contexte, soit une sténose athéromateuse, soit une dysplasie fibromusculaire. La recherche de dysplasie fibromusculaire multifocale passe par la recherche de : – un aspect de perles enfilées ; – un épaississement irrégulier de la paroi vasculaire ; – des diaphragmes en intravasculaire ; – des variations irrégulières des vélocités Doppler. F. Silhol a également rappelé qu’il est possible dans certains cas de visualiser des lésions surrénales en échographie.   Comment rechercher un hyperaldostéronisme primaire Si l’on effectue une recherche systématique d’hyperaldostéronisme primaire chez les patients hypertendus, la prévalence est estimée à 6 % de la population hypertendue. Mais en fait, on considère que moins de 2 % des patients avec un hyperaldostéronisme primaire sont diagnostiqués. Les raisons de ce sous-diagnostic majeur sont l’absence de signe clinique évocateur, les difficultés de diagnostic de par l’hétérogénéité de la pathologie et les difficultés à réaliser et interpréter les bilans hormonaux. La réalisation d’une imagerie en coupe de type scanner ne permet pas non plus d’affirme Pour autant, ce diagnostic est important, car de nombreux auteurs considèrent que l’aldostérone est un facteur de risque cardiovasculaire propre. En effet, les patients avec un hyperaldostéronisme primaire présentent plus fréquemment des infarctus du myocarde, des épisodes de fibrillation atriale, des accidents vasculaires cérébraux, des insuffisances cardiaques que des patients avec une HTA essentielle, même après appariement sur le sexe, l’âge et le niveau de pression artérielle(1). Ainsi, les indications à rechercher un hyperaldostéronisme primaire sont(2) : – une hypertension artérielle résistante ; – une hypertension artérielle maligne ou une hypertension artérielle de grade 3 ; – une HTA associée à une hypokaliémie (kaliémie < 3,5 mmol/L) d’origine rénale spontanée ou provoquée (par des diurétiques), intermittente ou permanente ; – une HTA avec un incidentalome surrénal ; – une HTA à moins de 40 ans ; – une HTA avec un retentissement sur les organes cibles ou une morbidité cardiovasculaire disproportionnées par rapport au niveau et à la durée de l’HTA. Pour ce qui est de la recherche d’hyperaldostéronisme primaire, il a été rappelé qu’il faut prescrire sur l’ordonnance en même temps : – un dosage de kaliémie ; – une évaluation de la natriurèse et de la créatininurie ; – des dosages de rénine et d’aldsotéronémie en position demi-assise. En effet l’aldostéronémie et la rénine doivent être évaluées en condition standardisée : – en normokaliémie (en effet l’hypokaliémie induit une diminution des concentrations d’aldostérone) ; – en normovolémie (on vérifiera pour cela la natriurèse, bien que ce soit un reflet imparfait) avec un objectif de natriurèse entre 100 et 150 mmol/24 h ; – le matin à jeun ; – en position assise depuis au moins 15 minutes ; – après arrêt des traitements interférents. (Tableau 1) Ensuite, l’interprétation des résultats dépendra des techniques de dosage. En effet, le seuil proposé n’est pas le même si l’aldostéronémie a été mesurée par une technique de spectrométrie de masse ou par des techniques radio-immunologiques. Il faudra donc se rapprocher du laboratoire en charge des dosages pour discuter ensemble des normes et de la norme du rapport qui conduira à suspecter ou à infirmer un hyperaldostéronisme primaire. Lorsque le dosage de rénine et d’aldostérone ne permet pas de conclure, souvent parce qu’il existe une élévation du rapport aldostérone sur rénine avec des aldostéronémies dans les normes, on peut recourir à un test de charge sodée qui dans ce cas est réalisé en milieu hospitalier.   Syndrome d’apnées obstructives du sommeil B. Lequeux a ensuite présenté une synthèse sur les complications et la prise en charge du syndrome d’apnées du sommeil. Il a tout d’abord rappelé que le syndrome d’apnées du sommeil au niveau physiopathologique induit une augmentation du risque de survenue d’une hypertension artérielle, d’une insuffisance cardiaque, d’une coronaropathie, d’un accident vasculaire cérébral… et ce d’autant plus que l’index apnée-hypopnée est élevé(3). En ce qui concerne le dépistage, des études ont montré que l’utilisation des scores comme le score d’Epworth ou le score de Berlin ne suffisent pas. Il faut donc ne pas se limiter aux résultats du score utilisé pour prescrire une polygraphie ventilatoire nocturne, mais ne pas hésiter à la prescrire directement lorsqu’il existe une indication clinique. En population générale, la mise en place d’une pression positive ne permet pas de réduire la pression artérielle. Par contre, chez des patients avec une HTA résistante, le bénéfice tensionnel est de 7,2/4,9 mmHg sur 24 heures pour respectivement la pression artérielle systolique et la pression artérielle diastolique, ce qui équivaut globalement à une classe d’antihypertenseur(4). Lors de la mise en place de la pression positive continue, il est essentiel de bien suivre le patient pendant les premiers mois. En effet, cette période est essentielle pour l’adhésion du patient au traitement. Les facteurs prédictifs de l’efficacité de la pression positive continue sur la pression artérielle sont : – l’adhésion thérapeutique ; – la durée pendant laquelle le patient va utiliser sa pression positive continue dans la nuit. Le minimum est de 4 heures pour le remboursement de l’appareillage par la Sécurité sociale ; – la présence de symptômes cliniques ; – le niveau initial de pression artérielle ; – la sévérité du SAOS initiale ; – l’indice de masse corporelle initial. En ce qui concerne l’efficacité de la pression positive continue sur la morbi-mortalité cardiovasculaire, les études sont assez décevantes car il n’y a pas d’efficacité sur la réduction de survenue d’événements cardiovasculaires. En revanche, l’analyse en sous-groupes montre qu’il existe un bénéfice chez les patients qui ont une utilisation de la pression positive continue plus de 4 heures par nuit. L’étude ALASKA publiée récemment à partir du système national de données de santé sur 176 000 patients montre une réduction des événements cardiovasculaires et des décès chez les patients qui poursuivent leur pression positive continue versus ceux qui l’arrêtent(5). Dans une dernière présentation, Yara Antakly a fait une mise au point sur les atteintes cardiaques des HTA secondaires. Elle a tout d’abord souligné l’importance de l’hypertrophie ventriculaire gauche qui, à niveau de pression artérielle équivalent, est plus élevé dans les HTA secondaires que dans les HTA essentielles. Chez les patients avec un hyperaldostéronisme primaire, il est à noter que des plages de fibromes peuvent être visualisées en IRM cardiaque. Chez les patients avec un phéochromocytome, en plus de l’hypertrophie ventriculaire gauche et de l’altération du strain, il peut y avoir des troubles de la fonction diastolique et des épisodes de cardiopathie adrénergique à type de Takotsubo(6).   Nouveautés dans le monde dans les thérapies antihypertensives   Lors de ces Journées, il y a eu plusieurs présentations sur les nouvelles molécules antihypertensives, avec notamment, une synthèse par le Pr Joël Ménard, une présentation sur les ARN d’interférence qui vont cibler la synthèse d’angiotensinogène par le Pr Michel Azizi et une session sur les inhibiteurs de l’aldostérone synthase avec les Prs Michel Burnier et Reinhold Kreutz.   Concernant les ARN d’interférence anti-angiotensinogène Les ARN d’interférence appelés en anglais small interference RNA (siRNA) sont des ARN double brin qui vont empêcher la production d’une protéine. Ces ARN d’interférence sont très fragiles et donc pour qu’ils ne soient pas dégradés, on les couple avec des sucres comme le N-acétylgalactosamine. Ce dernier a une particularité : il n’est reconnu que par un récepteur qui se situe au niveau hépatique. Le siRNA va donc agir au niveau hépatique et inhiber la synthèse protéique. La première utilisation thérapeutique de ces siRNA date de 2018 pour le traitement de l’amylose à transthyrétine. La première cible a été l’hypercholestérolémie en inhibant la protéine PCSK9, avec une efficacité suite à une injection d’inclisiran qui se poursuit pendant 210 jours. Dans l’hypertension artérielle, il fallait identifier une cible hépatique et c’est ainsi qu’il a été décidé de cibler l’angiotensinogène, afin de freiner l’axe rénine-angiotensine. Les études chez des rats spontanément hypertendus montrent une efficacité similaire du siRNA et du valsartan sur la baisse de pression artérielle(7). Au niveau biologique, il y a un effondrement des concentrations d’angiotensinogène avec une augmentation des concentrations de rénine, ce qui témoigne de l’inhibition du système. Les premières administrations chez l’homme montrent un effet persistant 48 semaines après l’injection de 200 mg avec une effondrement des concentrations d’angiotensinogène. Les données présentées lors du dernier congrès de la Société européenne d’hypertension artérielle montrent une diminution de la pression artérielle 8 semaines après une administration de siRNA qui peut atteindre 15 mmHg en MAPA (mesure ambulatoire de la pression artérielle) pour la pression artérielle systolique à la posologie maximale de 800 mg. Une des questions qui se pose est celle de la rémanence de l’effet, notamment en cas de situation aiguë avec un risque d’insuffisance rénale aiguë, lors d’un épisode de choc, lors d’une chirurgie urgente, un risque d’hyperkaliémie, les risques en cas de grossesse. Il est possible de lutter contre ces effets en augmentant la consommation de sel, par une administration de fludrocortisone ; enfin, un antagoniste du siRNA est également en développement et pourra être administré aux patients en cas d’événement aigu.   Les inhibiteurs de l’aldostérone synthase Toujours dans l’objectif de bloquer le système rénine-angiotensine, des inhibiteurs de l’aldostérone synthase sont en cours d’étude (figure 1). Figure 1. Représentation du système rénine-angiotensine-aldostérone. Les flèches rouges représentent les cibles des traitements antihypertenseurs en développement.   L’aldostérone est synthétisée par les cellules glomérulées de la corticosurrénale. La spécificité de ces cellules à produire de l’aldostérone est due au fait que ces cellules expriment l’aldostérone synthase. Cette enzyme traduite du gène CYP11B2 transforme la 11-déoxycorticostérone (ou DOC) en corticostérone par une hydroxylation, puis en 18- hydroxycorticostérone par une hydroxylation et en aldostérone par une oxydation. L’aldostérone agit ensuite au niveau rénal, salivaire et digestif. L’aldostérone a des actions génomiques médiées par le récepteur minéralocorticoïde et des effets non génomiques médiés par différents récepteurs. Ainsi bloquer le récepteur minéralocorticoïde n’est a priori pas suffisant pour bloquer intégralement les effets de l’aldostérone. La première molécule visant à inhiber l’aldostérone synthase manquait de spécificité et avait donc également une action sur la synthèse de cortisol. Ainsi, après exposition à la molécule pendant un mois, on notait bien une diminution des concentrations d’aldostérone chez des patients avec hyperaldostéronisme primaire. Il y avait également une augmentation des concentrations de kaliémie, de rénine, et une diminution de la pression artérielle(8). Cependant lors de la réalisation d’un test au synacthène, les patients avaient une absence d’augmentation des concentrations de cortisol, ce qui signait donc une insuffisance surrénale partielle. Cette molécule appelée initialement LCI699 a par la suite été développée comme anticortisolique sous le nom d’osilodrostat. Une nouvelle génération d’inhibiteurs de l’aldsotérone synthase a été développée, et notamment le baxdrostat. Les études chez les animaux et chez les volontaires sains montrent une spécificité beaucoup plus importante pour l’inhibition de l’aldostérone synthase par rapport à la 11-bêtahydroxylase. Une première étude a été publiée récemment chez des patients avec une HTA résistante qui ont reçu dans une étude contrôlée randomisée en double insu du baxdrostat ou du placebo. Au total, 275 patients avec une hypertension artérielle ont été inclus dans l’étude avec une exposition au baxdrostat pendant 12 semaines. Parmi eux, 248 ont terminé l’étude. Des changements dose-dépendants de la pression artérielle systolique de -20,3 mmHg, -17,5 mmHg, -12,1 mmHg, et -9,4 mmHg ont été observés dans les groupes 2 mg, 1 mg, 0,5 mg, et placebo, respectivement. Aucun décès n’est survenu au cours de l’essai, aucun événement indésirable grave n’a été attribué par les investigateurs au baxdrostat, et il n’y a eu aucun cas de décompensation d’insuffisance sur rénale. Des hyperkaliémies (> 6 mmol/L) liées au baxdrostat sont survenues chez 2 patients avec normalisation à l’arrêt de la molécule(9).

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