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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 mar 2023Lecture 4 min

Best of de l’insuffisance cardiaque aux JESFC 2023

François ROUBILLE, CHU Arnaud de Villeneuve, Montpellier

L’année 2022 a encore été une année riche dans le domaine de l’insuffisance cardiaque. Cette année particulièrement, tous les aspects de cette thématique ont été enrichis, à tel point qu’il est difficile de proposer un best of sans négliger certaines avancées. Le groupe GICC-CAT de la Société française de cardiologie est en particulier actif dans le domaine de la recherche, des conditions du soin, et va prochainement présenter à travers ses membres de nombreux résultats sur les données françaises (registre FRESH), l’HTAP, le vécu par les patients et leurs aidants (étude EPHICA’S), etc.

Un best of, c’est en effet faire des choix, en soulignant aussi ce qui a le plus haut niveau de preuves et de conséquences pratiques. L’étude ADVOR à ce titre a montré qu’une décongestion rapide avec une molécule ancienne (l’acétazolamide) était faisable, en sécurité, mais sans réduire les hospitalisations. La place de cette thérapeutique reste donc à définir, ce qui n’est pas le cas des gliflozines. En effet, les recommandations portant sur la prise en charge de l’IC, européennes de 2021(1) et nordaméricaines de 2022(2) ont largement mis en avant la famille des gliflozines, compte tenu de leur niveau de preuve chez le patient IC, en particulier chez les patients IC à fraction d’éjection (FE) ventriculaire gauche réduite, mais aussi pour la première fois dans l’IC à FE préservée. Surtout, il s’agit d’un médicament initialement développé dans le diabète, et désormais proposé à des patients IC, quel que soit leur statut, diabétique ou non. Toutes les études ont jusqu’à présent confirmé, quelles que soient la population et la forme d’IC, que l’effet favorable est observé chez les patients diabétiques ou non. Toute la question est donc de savoir comment mettre en musique ces recommandations avec de nombreuses propositions de sociétés savantes ou d’experts, la plupart s’inscrivant dans la stratégie « tout, tout de suite, très fort et pour tout le monde ». Cette attitude un peu simpliste est pourtant largement confortée par les études suivantes. Dans le domaine de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpEF) tout d’abord, on attendait en 2022 la confirmation de l’intérêt des gliflozines, après la publication de l’étude avec l’empagliflozine (EMPEROR-preserved) en 2021. C’est chose faite avec l’étude DELIVER(3). Dans cette étude randomisée, internationale, en aveugle, portant sur plus de 6 000 patients, l’âge moyen était de plus de 71 ans, ce qui nous rapproche de la vraie vie, presque la moitié de femmes, comme attendu pour cette population. Le critère primaire était la mortalité cardiovasculaire ou l’aggravation de l’insuffisance cardiaque. La dapagliflozine permettait une réduction de 18 % de ce critère composite (IC95% : 0,73-0,92 ; p = 0,0008) (figure 1). Il suffirait alors de traiter 32 patients pour éviter un événement clinique. La principale réserve porte sur la réduction des hospitalisations principalement, et non de la mortalité cardiovasculaire dans cette étude (figure 2). De très nombreuses méta-analyses ont été proposées sur cette famille de molécules, qui confirment un effet classe, et suggèrent aussi une réduction de la mortalité cardiovasculaire, et même totale (figure 3). Tout cela a bien sûr conforté l’utilisation large des gliflozines, quelle que soit la forme d’insuffisance cardiaque, et donc presque indépendamment de la fraction d’éjection.   De même, l’étude EMPULSE a confirmé, chez 530 patients, la faisabilité de l’introduction précoce du traitement chez un patient hospitalisé pour insuffisance cardiaque, une fois stabilisé(4). Qu’est-ce qu’un patient stabilisé pour les auteurs ? C’est : 1/ un patient qui a au moins 100 mmHg de PA systolique, sans hypotension symptomatique sans les 6 heures qui précèdent ; 2/ un patient sevré de diurétiques IV dans les 6 heures qui précèdent ; 3/ un patient sevré de dérivés nitrés IV dans les 6 heures qui précèdent ; et enfin 4/ un patient sevré d’inotropes IV depuis 24 heures au moins. Cette définition reste discutable, mais présente le grand intérêt d’être très pratique dans la vie de tous les jours. Dans la même idée, l’étude STRONG-HF chez un peu plus de 1 000 patients a confirmé la possibilité d’une titration rapide des médicaments indiqués dans l’insuffisance cardiaque(5). Le point capital est la sécurité et la possibilité d’obtenir des taux élevés de titration à 90 j. À noter, en revanche, que cette étude a été menée avant l’ère des gliflozines, et que l’impact porte surtout sur les hospitalisations, pas sur la mortalité. Enfin, signalons les résultats encourageants d’une approche ciblant l’ARN, avec le patisiran dans le traitement de l’amylose cardiaque à TTR, ce qui confirme que notre arsenal thérapeutique devrait s’enrichir avec des approches innovantes, et permettant en pratique de dispenser des traitements par injection tous les 6 mois, voire tous les ans, selon les pathologies cibles. L’actualité de l’insuffisance cardiaque, c’est aussi, en 2022, l’engagement fort de l’assurance maladie auprès des patients et des professionnels de santé, à travers une large campagne d’information sur la pathologie. Cela s’inscrit dans un travail de longue haleine, prenant en compte l’insuffisance cardiaque comme une priorité de santé publique, et même parmi les toutes premières. Les aspects organisationnels en particulier sont mis en avant, depuis la prise en charge en ville jusqu’à l’organisation de la sortie d’hospitalisation. À ce titre, signalons que les résultats de l’étude PRADOC portant sur la randomisation du PRADO sont annoncés pour 2023. De même, le déploiement des dispositifs de télésurveillance est largement encouragé avec des résultats intéressants, mais qui va maintenant devoir sortir de l’expérimentation pour rentrer dans la vie réelle, ce qui risque d’être compliqué par la parution de décrets à la toute fin 2022. Espérons que des solutions pérennes seront trouvées, pour ne pas compromettre la prise en charge de nos patients.  

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