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Explorations-Imagerie

Publié le 21 mar 2006Lecture 9 min

Bilan de l'utilisation des D-dimères en pratique

L. DROUET, hôpital Lariboisière, Paris

Le dosage du taux plasmatique des D-dimères est un examen biologique simple, relativement cher comparativement aux examens biologiques de routine, mais relativement économique quand sont évaluées les conduites diagnostiques particulièrement coûteuses qu’il peut faire éviter.
En cette période actuelle de contrainte budgétaire, c’est le test qui, en termes de coût, représente la première dépense des laboratoires d’hémostase hospitaliers. En effet, ce test connaît un engouement qui amène à réévaluer constamment son intérêt.
Cette évaluation se comprend pour l’utilisation du dosage des D-dimères dans un algorithme de démarche diagnostique.
Elle doit être faite dans son indication reconnue pour exclure une pathologie thromboembolique veineuse mais, beaucoup plus critique, pour les autres utilisations.

La place des D-dimères dans les lagorithmes de démarche diagnostique de MTEV Le dosage du taux plasmatique des D-dimères ne fait pas le diagnostic mais permet d’éliminer une pathologie thromboembolique encore faut-il que cette exclusion soit faite dans une démarche diagnostique validée et efficace. Le dosage du taux plasmatique des D-dimères fait partie, à l’heure actuelle, de la majorité des algorithmes diagnostiques, tel l’algorithme d’Arnaud Perrier basé sur le score de probabilité clinque et les D-dimères par une technique de référence (Vidas) (schéma 1). Le score de probabilité clinique de Perrier utilise des critères biologiques de gaz du sang pour la probabilité clinique d’embolie pulmonaire. Le score de probabilité clinique de Wells pour l’embolie pulmonaire n’utilise que des critères cliniques (schéma 2). Dans son algorithme, les D-dimères ont été validés avec la technique SimpliRED qui n’est pas commercialisée en France mais les techniques largement utilisées en France (Vidas ou Liatest) sont plus sensibles que le SimpliRED, donc a priori, ne posent pas de problèmes d’applicabilité. Schéma 1. Stratégie diagnostique selon Perrier. Schéma 2. Stratégie diagnostique selon Wells. Il a ainsi été établi que la mesure des D-dimères (dans le cadre de la population examinée ci-dessus) pouvait réduire de 39 % les indications d’écho-Doppler. Le dosage du taux plasmatique des D-dimères est validé comme test d’exclusion diagnostique. Il est utilisé en association avec un score de probabilité clinique mais il a des limites : la taille, l’ancienneté et la localisation de la thrombose influent sur sa possibilité de générer des D-dimères : les embolies pulmonaires pour être symptomatiques génèrent des quantités mesurables en périphérie de D-dimères, alors que les thromboses distales, les thromboses non aiguës et certaines localisations (peut-être en raison de leur taille ou de la difficulté à les reconnaître à la phase initiale, comme les thromboses veineuses cérébrales) ne s’accompagnent pas toujours d’un taux significativement augmenté de D-dimères. Les D-dimères diminuent assez rapidement quand le traitement anticoagulant est commencé (en moyenne de 25 % à 24 h ce qui leur fait perdre en sensiblité et spécifité s’ils ne sont pas réalisés avant la mise au traitement ; la limite des populations de patients auxquelles ils s’adressent : en effet, quand il s’agit de patients hospitalisés en particulier pour une pathologie chirurgicale, ou de patients âgés, voire très âgés, le pourcentage d’élévation des D-dimères dans cette population est tel que l’intérêt de leur réalisation pour l’exclusion d’un diagnostic de pathologie thromboembolique devient extrêmement limité. Mais une utilisation raisonnée est possible même dans ces populations à taux de base augmentée comme les cancéreux ; la limite du contexte clinique : quand les D-dimères sont associés à un score de haute probabilité clinique, le risque de pathologie thromboembolique est tel que, le plus souvent, la suite des examens diagnostiques est enclenchée indépendamment de l’attente du résultat des D-dimères ; la limite technique : les tests de dosage des D-dimères plasmatiques actuellement commercialisés n’ont pas tous la même sensibilité, la même spécificité, le même risque d’être artefactués par des effets accessoires ; le dernier point technique : les unités d’expression de positivité du test auxquelles il convient de faire attention : en effet, certains tests sont exprimés en équivalent fibrinogène et d’autres en équivalent D-dimères ce qui fait qu’en fonction du test, le cut off habituel est à 500 ng/ml pour ceux qui sont exprimés en unités équivalents fibrinogène, valeur habituellement connue, alors que d’autres tests exprimés en unités équivalents D-dimères ont un seuil de positivité supérieur à 250 ng/ml. Ces remarques techniques amènent à faire extrêmement attention aux tests utilisés par le laboratoire, validés ou non validés, et aux valeurs d’exclusion du test utilisé par ce même laboratoire.   Quelle amélioration pourrait-on envisager ?   Celle-ci viendra peut-être d’une association : en effet, un processus de résorption d’une fibrine extravasculaire (hématome, épanchement sérofibrineux, zone d’inflammation, etc.), génère des D-dimères que l’on ne distingue pas des D-dimères de thrombose. On peut espérer, pour les années à venir, voir apparaître la mesure des paramètres d’activation de la fibrinoformation, paramètres facilement mesurables dont la positivité associée à celle des D-dimères aurait peut-être un intérêt dans le sens du diagnostic positif ; cela reste à évaluer.   En pratique Les D-dimères sont un test d’exclusion diagnostique de la pathologie thromboembolique à utiliser au moment du diagnostic dans un algorithme localement validé en faisant attention aux écueils techniques.   Utilisation des D-dimères en dehors des algorithmes de démarche diagnostique Ce sont des utilisations non validées qui font partie, pour certaines, de pratiques largement diffusées et, pour d’autres, de croyances locales.   Les D-dimères dans la démarche étiologique - Le bilan étiologique inclut la recherche d’une néoplasie causale. - Les D-dimères présentent un intérêt certain dans ce cadre : la non-normalisation attendue des D-dimères sous traitement anticoagulant bien conduit est un argument en faveur d’un cancer sous-jacent.   Les D-dimères dans la décision d’arrêt du traitement La non-normalisation des D-dimères chez les patients correctement anticoagulés est prédictive du risque de récidive (assez fréquemment parce qu’elle présage d’une néoplasie sous-jacente), traitement thrombotique sous et à l’arrêt du traitement AVK. Ainsi, de plus en plus les patients cancéreux ayant fait un accident thrombotique sont maintenus sous HBPM au long cours (du moins aussi longtemps que le cancer n’est pas en rémission complète) (tableau). Les D-dimères dans le dépistage des risques de récidive thromboembolique précoce Un faisceau de données confirmatives cohérentes vient conforter les premières observations selon lesquelles une réaugmentation précoce des D-dimères (3 à 4 semaines) après l’arrêt du traitement AVK est un facteur prédictif de récidive thrombotique (RR = 6). Cette prédictibilité est d’autant plus forte que l’augmentation des D-dimères est associée à la persistance d’une thrombose veineuse résiduelle ou à un taux augmenté de facteur VIII. Il n’existe qu’une étude ayant évalué l’intérêt de la reprise d’un traitement anticoagulant lors de la réaugmentation des D-dimères et qui démontre l’intérêt d’une telle démarche.   Les D-dimères pendant la grossesse Il est généralement admis que les D-dimères sont inutilisables au cours de la grossesse ; cela est vrai s’ils sont utilisés comme test d’exclusion de la pathologie thromboembolique. En effet, à partir du 7e mois, 100 % des femmes ont un taux supérieur au seuil habituel d’exclusion (figure). Malgré cela, les D-dimères présentent des intérêts potentiels pendant la grossesse : • l’hypercoagulabilité de la grossesse fait qu’en cas d’accident thrombotique au cours de la grossesse, les taux de D-dimères sont rapidement très élevés, d’où un taux beaucoup plus élevé que celui attendu compte tenu du terme de la grossesse (ou de manière encore plus prédictive, un taux qui, lors d’un suivi régulier, alors qu’il s’élevait comme attendu, compte tenu de l’évolution de la grossesse, augmente brutalement à des taux très importants) est indicatif d’un processus thrombotique évolutif entraînant souvent la mise à un traitement antithrombotique curatif. On peut comprendre l’usage que certains groupes spécialisés font du suivi du taux des D-dimères pour décider, ou non, de l’instauration d’un traitement antithrombotique chez des patientes à risque modéré pour lesquelles on hésite entre prescrire systématiquement un traitement antithrombotique préventif ou se contenter d’une simple surveillance. On peut aussi bien comprendre que certains groupes réfutent ces conduites non validées ; • le processus prothrombotique au cours de la grossesse peut être un processus thromboembolique veineux mais aussi un processus thrombotique utéro-placentaire, d’où un autre type d’intérêt ; • l’augmentation des D-dimères « physiologiques » au cours de la grossesse est probablement la traduction du développement et des remaniements tissulaires qui l’accompagne, d’où l’hypothèse corollaire (pour laquelle on a quelques éléments de preuve) qu’un défaut d’évolution des D-dimères au cours de la grossesse pourrait traduire un trouble de développement fœto-utéro-placentaire. Figure. Utilisation des D-dimères dans la surveillance des grossesses à risque. Utilisation des D-dimères dans la prise en charge du risque thromboembolique de la fibrillation auriculaire L’ensemble des données de la littérature est cohérent pour montrer, chez les patients en FA, que : • les D-dimères sont plus élevés chez les patients le plus à risque de survenue ou de récidive d’un accident thromboembolique artériel (pour chaque type de prévention antithrombotique) ; • qu’à niveau de facteurs de risque similaire, les D-dimères sont plus élevés chez les patients non anticoagulés que chez les patients anticoagulés et chez les patients insuffisamment anticoagulés comparativement aux patients anticoagulés dans la zone d’INR cible (2 à 3) ; • en revanche, même si l’on est tenté d’en faire l’extrapolation, il n’existe aucune étude confirmative qui montrerait que, parallèlement à l’INR utilisé pour suivre le degré de traitement anticoagulant, les D-dimères pourraient être utilisés pour juger de l’efficacité antithrombotique d’une conduite thérapeutique.   Utilisation des D-dimères dans la prise en charge de différentes pathologies artérielles Il a été montré, souvent par une seule ou un petit nombre d’études, que : • chez les patients admis pour AVC, les D-dimères sont très significativement augmentés chez ceux ayant fait un accident cardioembolique alors qu’ils sont normaux en cas d’hémorragie cérébrale ; • parmi les AVC ischémiques, les AVC lacunaires n’augmentent pas les D-dimères, les AVC carotidiens (lésion embolique ou dissection) augmentent peu ou pas les D-dimères. Les D-dimères pourraient donc être utiles au triage étiologique des AVC lors de leur admission ; • les D-dimères augmentent avec l’évolutivité des anévrismes de l’aorte abdominale (et pourraient donc être utilisés dans le suivi) ; • les D-dimères augmentent avec l’évolution de l’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs ; • les D-dimères augmentent avec l’évolution de l’hypertension artérielle pulmonaire primitive. Dans toutes ces pathologies où les D-dimères augmentent avec l’évolution de la pathologie se pose alors la question de leur introduction dans les schémas de surveillance.   Utilisation des D-dimères dans la prise en charge de pathologies non primitivement vasculaires Il est connu que les D-dimères sont souvent significativement augmentés dans les cancers, en particulier dans certaines formes de cancers. Quand les D-dimères se sont élevés au cours de l’épisode initial, leur taux est réaugmenté très précocement en cas de récidive. Certains les ont donc proposés (par analogie aux marqueurs tumoraux) pour surveiller certains types de cancers, par exemple les cancers ovariens.   Conclusion   L’intérêt démontré et le potentiel des D-dimères en font un test biologique qui aujourd’hui est incontournable et qui demain deviendra peut-être indispensable. Pour revenir sur les conditions économiques qui sont celles de nos restrictions actuelles, il est sûrement préférable de ne les envisager que dans les utilisations reconnues et donc surtout comme test d’exclusion d’un événement thromboembolique dans le cadre d’un algorithme impliquant la probabilité clinique et une séquence d’examens complémentaires tenant compte des réalités locales. Il faut éviter de l’utiliser comme test de diagnostic positif, même si chacun d’entre nous a une ou plusieurs histoires de chasse où, devant un test positif sans pathologie évidente, on a pu recherche une pathologie sous-jacente que l’on ne se serait pas acharné à explorer sans ces D-dimères positifs… Une bibliographie sera adressée aux lecteurs sur demande au journal.

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