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Thérapeutique

Publié le 13 sep 2005Lecture 5 min

Deux essais de statines négatifs !

A. CASTAIGNE, hôpital Henri Mondor, Créteil

Nous étions habitués, depuis des années, à ce que chaque nouvel essai comparant une statine à un placebo soit un succès pour la statine. Voilà que viennent d’être publiés dans le New England Journal of Medicine deux essais « statines versus placebo » négatifs.

Rétrécissement aortique   Un traitement énergique par statine L’auteur du premier essai s’est attaqué à la question de la progression du rétrécissement aortique et à l’hypothèse que celle-ci pourrait être ralentie par un traitement énergique par statine. Cette hypothèse n’est pas née par hasard. Il y a bien des points communs entre les lésions dégénératives des valvules aortiques qui sont la cause du rétrécissement aortique lié à l’âge et les lésions athéroscléreuses. De plus, les malades âgés ayant un rétrécissement aortique ont souvent aussi des lésions artérielles d’athérosclérose.   Protocole Ce sont 155 patients ayant un rétrécissement aortique n’ayant pas atteint le stade de la sanction chirurgicale qui ont été randomisés pour recevoir soit 80 mg d’atorvastatine, soit un placebo. Ils avaient 68 ans de moyenne d’âge, un tiers avait eu une manifestation d’une maladie liée à l’athérosclérose, leur LDL-c était à 1,3g/l et le pic du gradient VG-aorte était de 48 mmHg. La surface aortique non-indexée était mesurée à 1,03 cm2. Enfin, un scanner spiralé permettait de calculer un score de calcification de l’orifice aortique.   Résultats Les patients ont été suivis pendant 25 mois. Le LDL-c est resté à 1,3 g/l dans le groupe témoin alors qu’il est descendu à 0,63 g/l dans le groupe traité. Malgré cette différence impressionnante, la progression de la vitesse du jet aortique et du score de calcification de l’orifice aortique a été la même dans les deux groupes. Ces deux mesures constituaient le critère de jugement principal de l’étude. On peut penser que cet échec reflète une trop courte durée de l’étude mais les malades qui ont été suivis le plus longtemps ont eu la même vitesse de progression ; de même, le degré de sténose initiale n’influe pas sur le résultat. Si on regarde les événements cliniques, les décès ont été de 3 dans le groupe statine contre 5 dans le groupe placebo et les hospitalisations ont été nécessaires dans 10 cas contre 12. Seul signe encourageant : 11 patients du groupe statine ont été opérés de leur rétrécissement aortique pendant la durée de l’étude contre 19 dans le groupe témoin ; mais cette différence n’est pas significative.   Que peut-on tirer de cette étude ? Cette étude qui renvoie à l’analyse ci-dessous « Tout ce qui brille n’est pas or », manque probablement de puissance et de durée. Dix fois plus de malades suivis pendant 5 années auraient donné une photographie plus précise ! Aurait-elle été différente quant aux résultats ? Cette étude est ce que l’on appelle une étude faite pour tester un concept ; on ne peut guère espérer qu’un médicament qui ne fait rien sur la progression des lésions aortiques puisse avoir un effet sur les manifestations cliniques. L’autre hypothèse est que même si les lésions initiales de dégénérescence de l’orifice aortique pouvaient être influencées par l’abaissement du cholestérol, il est difficile d’imaginer qu’au stade plus tardif du dépôt de calcium, ces médicaments puissent être utiles. D’autres études sont en cours sur le même sujet, mais la chirurgie aura encore le dernier mot pendant des années dans le traitement du rétrécissement aortique calcifié.   Diabète et hémodialyse La deuxième étude négative était menée chez des diabétiques en hémodialyse. L’expérience de tous les jours montre que ces malades sont à haut risque d’événement cardiovasculaire. L’idée qu’un traitement systématique par statine puisse abaisser ce risque était une hypothèse à tester.   Protocole Ce sont 1 255 patients diabétiques en hémodialyse qui ont été randomisés pour recevoir 20 mg d’atorvastatine ou un placebo. Le critère de jugement principal de l’étude était les décès de cause cardiovasculaire et les infarctus du myocarde ou les AVC non-mortels. Un critère secondaire avait été défini : il s’agissait du nombre total de décès et d’événements cardiaques ou vasculaires cérébraux. Ces patients avaient 66 ans d’âge moyen, étaient en dialyse depuis 8 ans en moyenne et la grande majorité d’entre eux avait eu des signes d’une athérosclérose coronaire, périphérique ou cérébrale et/ou des signes d’insuffisance cardiaque. Leur hémoglobine glycosylée était à 6,7 %. Le LDL-c de départ était de 1,26 g/l. L’effet immédiat de la thérapeutique a été de créer un écart de 0,5 g/l entre les LDL-c des groupes traité et témoin (0,7 vs 1,2 g/l). Par la suite, cet écart a diminué à mesure que des malades du groupe témoin ont été mis en ouvert à une statine.   Résultats Après un suivi moyen de 4 ans, l’un des éléments du critère de jugement primaire est survenu chez 226 patients du groupe statine contre 243 dans le groupe placebo. La différence n’est pas significative. La mortalité totale a été la même dans les deux groupes. Il y a eu moins d’événements cardiaques dans le groupe statine (205 vs 246) ; cette différence est significative. Mais en miroir, il y a eu plus d’AVC dans le groupe statine que dans le groupe placebo, la différence atteignant même la signification statistique pour les AVC mortels. Ces différences, même statistiquement significatives, n’ont aucune signification clinique. Dès lors qu’un essai est négatif sur l’ensemble des événements, on peut toujours, en cherchant bien, trouver des événements qui ont été par hasard plus fréquents dans un groupe et d’autres qui l’ont été dans l’autre.   Que peut-on retirer de cette étude ? Cette étude négative est plus surprenante que la première relatée dans cette chronique. En effet, avec une telle fréquence d’événements (près de 50 % de mortalité totale dont la moitié de cause cardiovasculaire), on pouvait s’attendre à un bénéfice important du traitement par statine. Il faut rappeler que l’atorvastatine 10 mg a démontré sa capacité à réduire la morbi-mortalité de cause cardiovasculaire chez les patients diabétiques et chez les hypertendus n’ayant pas eu de manifestation de l’athérosclérose et que la simvastatine 40 mg a apporté la même démonstration chez des diabétiques athéroscléreux ou non. L’hypothèse proposée par les investigateurs serait que l’intervention au stade de l’hémodialyse serait trop tardive et ne permettrait pas d’influer sur le cours d’une maladie très rapidement évolutive. Ces deux études négatives seront-elles contredites par des études faites sur de plus grands nombres ? L’avenir nous le dira.

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