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Échocardiographie

Publié le 06 juil 2004Lecture 11 min

L’échocardiographie 3D temps réel - Une révolution pour le clinicien

Ph. ACAR, hôpital des Enfants, Toulouse

L’apparition du 3D embarqué dans l’échocardiographe propulse la méthode vers une utilisation clinique courante. La sonde matricielle 4 x permet une acquisition transthoracique volumique instantanée. Plusieurs modes d’imagerie 3D sont utilisables : 3D volumique, biplan et plus récemment Doppler couleur 3D.
Les applications du 3D sont multiples dans les cardiopathies acquises ou congénitales : valvulopathies, shunts, pathologies de l’aorte. Les mesures quantitatives des volumes ventriculaires permettent une analyse fiable de la fonction ventriculaire. La facilité d’utilisation de la sonde matricielle devrait imposer le mode 3D dans l’échocardiographie de routine au même titre que les modes 2D et Doppler. Son apport devrait être décisif dans nombre de cardiopathies avant chirurgie plastique ou cathétérisme interventionnel.

L'échocardiographie 3D est une imagerie nouvelle qui a démontré son utilité dans la description des valvulopathies et des défauts septaux. Son développement clinique s’est heurté à l’acquisition longtemps limitée à la voie œsphagienne et au temps de reconstruction des images 3D. Des méthodes d’acquisition transthoracique sont apparues, mais avec toujours la même nécessité de transfert des images numériques sur une station déportée, ce qui signifiait perte de temps et de résolution de l’image. L’apparition récente de l’échocardiographie 3D temps réel est le fruit d’une longue recherche concernant le mode d’acquisition. La sonde matricielle cardiaque est le premier pas décisif vers une acquisition volumique instantanée. L’imagerie 3D est ainsi acquise et visualisée en temps réel, sans perte d’information numérique. Les études cliniques de la technique sont actuellement réduites à sa faisabilité, qui est excellente. Nous aborderons la méthode puis les applications de l’échocardiographie 3D temps réel.   Méthode   La sonde matricielle La sonde matricielle 4 x est reliée à l’échocardiographe Sonos 7500 (Philips, Andover, US). La fréquence d’émission de la sonde varie de 2 à 4 MHz. La sonde 4 x permet une acquisition volumique instantanée du cœur battant grâce aux 3 000 éléments piézoélectriques ; par comparaison, une sonde phased array standard 2D contient 64 à 128 éléments (figure 1). Tous les éléments piézoélectriques sont connectés électriquement grâce à son propre formateur de faisceau ultrasonore composé de 150 cartes électroniques. L’ensemble informatique miniaturisé dans la poignée confère à la sonde une ergonomie acceptable pour des examens pédiatriques. Figure 1. Sonde matricielle cardiaque (à droite). Sa taille et son poids sont un peu supérieurs à ceux d’une sonde phased array standard (à gauche). Trois mille éléments piézoélectriques sont connectés électriquement grâce à un formateur de faisceau ultrasonore composé de 150 cartes électroniques. L’imagerie 3D temps réel L’imagerie échographique 3D temps réel permet d’acquérir et de visualiser un rendu volumique en temps réel. La densité de lignes choisie influe sur la résolution spatiale et la taille du volume 3D. En utilisant des hautes densités, la résolution spatiale est maximale avec un volume large de 40° et épais de 20°. Une densité faible réduit la résolution spatiale en augmentant le volume acquis de 60° sur 30°. L’acquisition 3D temps réel peut être facilitée par l’option image de références qui donne sur l’écran le volume 3D ainsi que la coupe 2D. Le réglage des gains est essentiel en imagerie 3D temps réel : - trop élevé, les tissus trop brillants empêchent de voir l’intérieur de la cavité ; - trop faible, les valves ou les septa sont faussement troués. Le niveau de gain adéquat est trouvé en passant d’un réglage faible à un réglage élevé jusqu’à l’obtention d’une bonne visualisation des structures valvulaires et des tissus adjacents. La colorisation sépia de l’image 3D aide à un meilleur rendu volumique.   Acquisition d’un volume total Le terme de volume total désigne un mode d’acquisition dans lequel les données acoustiques sont recueillies par sous-volumes, puis associées pour créer une image volumique de grande dimension (figure 2). La synchronisation à l’ECG est indispensable afin de caler temporellement le rendu volumique final. Le mode prévisualisation permet de matérialiser les limites du volume total qui doit contenir l’anatomie d’intérêt (valve aortique, pilier mitral, etc.). Quatre sous-volumes sont acquis, si possible en apnée, afin de réduire les artefacts de respiration (temps d’acquisition < 15 secondes). En haute résolution, le volume total est large de 60° et épais de 60° (90° x 90° en faible résolution). Le volume total peut être découpé à partir de la station Sonos afin de visualiser la zone anatomique en 3D. La fenêtre de découpe permet de découper le volume selon les axes latéraux, de profondeur ou d’élévation du volume. Si la zone anatomique n’est pas parallèle à ces 3 axes, le plan de découpe peut être modulable, multipliant les axes de découpe. Aucune mesure géométrique ne peut être réalisée dans le volume 3D. L’utilisation d’une station déportée (TomTec, Munich, AL) permet des mesures 3D : surface valvulaire, volume ventriculaire et diamètre des communications interauriculaires. Figure 2. Acquisition d’un volume total 3D. À partir d’un plan de coupe de référence, 4 sous-volumes synchronisés sur l’ECG sont acquis successivement. Le temps moyen d’acquisition est court (10 secondes environ). Doppler 3D couleur Le mode Doppler 3D couleur ne peut être utilisé qu’en acquisition de volume total. Sept sous-volumes synchronisés à l’ECG sont acquis en apnée (si possible). Le volume 3D couleur peut être découpé de la même façon que le volume total (découpe par fenêtre ou modulable). Les jets de régurgitation ou de shunt peuvent être visualisés en 3D couleur avec ou sans l’image 3D des tissus surajoutés (valves ou septa) (figures 3 A-B). Aucun calcul de vélocité ne peut être effectué à partir du volume 3D couleur. En effet, les vélocités 3D correspondent à des projections moyennes et ne sont pas nécessairement indicatrices des vélocités affichées en imagerie couleur 2D. Toutes les acquisitions 3D (temps réel, volume total, volume couleur) sont stockées immédiatement sur le disque dur 3D du Sonos. Les volumes peuvent alors être relus, redécoupés, et les niveaux de gains et de compression sont modulables. La fonction pivotage 3D améliore souvent la visualisation de la structure 3D. Les images 3D informatives peuvent alors être enregistrées en format AVI. Figures 3. Mode Doppler couleur 3D chez un patient ayant une CIA ostium primum. A : l’imagerie 3D associe celle des tissus et des flux (shunt auriculaire, remplissage mitral et tricuspide). B : les flux Doppler couleur sont visualisés sans les structures cardiaques. Imagerie biplan temps réel La sonde matricielle 4 x permet d’afficher une imagerie biplan en temps réel, soit l’affichage de deux images 2D d’incidences différentes mais acquises d’une seule fenêtre acoustique. Le déplacement électronique du réseau matriciel autorise un mouvement dans l’axe de rotation et dans les axes latéral et vertical du faisceau ultrasonore. L’image fixe de référence peut subir une rotation sur 180° sans modifier le placement de la sonde (figure 4A). Après rotation, l’image peut également subir une inclinaison latérale de – 45° à + 45° (figure 4B). L’inclinaison peut aussi être verticale de – 30° à + 30° (figure 4C). L’imagerie Doppler couleur peut également s’appliquer au mode biplan. En cas de faible échogénicité, l’utilisation de l’imagerie d’harmonique permet de renforcer le signal ultrasonore en mode biplan. L’écho 3D transthoracique est désormais temps réel avec l’obtention d’images volumiques ou biplans. A   Figures 4. Principes de l’imagerie biplan permettant l’affichage de deux images 2D d’incidences différentes acquises d’une seule fenêtre acoustique. Le déplacement motorisé du réseau matriciel autorise un mouvement dans l’axe de rotation (A) et dans les axes latéral (B) et vertical (C) du faisceau ultrasonore.         B             C     Applications   Valvulopathies aortiques et mitrales L’écho 3D de la valve mitrale, acquise par voie œsophagienne, a démontré sa supériorité dans la description des prolapsus avant chirurgie mitrale réparatrice. L’application de l’échocardiographie temps réel est très récente. Les modes d’imagerie 3D, volumique ou biplan, offrent une description précise de la valve et du mécanisme de régurgitation aussi bien dans les pathologies acquises que congénitales de la valve mitrale (figures 5 et 6). L’écho 3D dans les sténoses aortiques ou mitrales est une méthode valide de mesure de la surface orificielle (figure 7). Elle permet de décrire le mécanisme de la sténose en décrivant la fusion des commissures, ainsi que la dysplasie des feuillets (figure 8). L’écho 3D contribue, chez l’enfant, dans les sténoses aortiques congénitales, au choix entre la valvuloplastie chirurgicale et percutanée. L’écho 3D décrit parfaitement les lésions valvulaires, qu’elles soient régurgitantes ou sténosantes. Figure 5. Imagerie 3D temps réel : prolapsus mitral vu de l’oreillette gauche. La portion médiane de la valve mitrale antérieure prolabe en systole. Figure 6. Imagerie biplan : canal atrioventriculaire partiel dont la fuite à travers la fente mitrale est parfaitement vue sur les deux incidences orthogonales. Figure 7. Bicuspidie aortique visualisée à partir d’un faisceau monoplan (mode TM à gauche), d’une coupe (mode 2D au milieu) ou d’une vue (mode 3D acquise par voie œsophagienne à droite, noter la fusion commissurale). Figure 8. Imagerie 3D temps réel : bicuspidie aortique sténosante vue de l’aorte. Noter l’épaississement des feuillets avec nodules sans vraie fusion des commissures. La surface orificielle aortique peut être calculée. Défauts septaux L’écho 3D transœsophagienne a permis une meilleure compréhension de l’anatomie des communications interauriculaires (figure 9). L’écho 3D temps réel est un moyen de sélection des patients avant fermeture percutanée dans la mesure où la fenêtre transthoracique est suffisante (figure 10). En cas de mauvaise échogénicité, l’ETO reste le complément indispensable pour décrire les berges et vérifier la position de l’obturateur (figure 11). Une berge déficiente est une contre-indication à la fermeture percutanée et doit conduire à une fermeture chirurgicale de la communication interauriculaire (figure 12). Les communications interventriculaires sont parfaitement décrites aussi bien par l’imagerie 3D volumique que par le biplan (figures 13 et 14). L’écho 3D est un moyen de sélection fiable des patients avant fermeture percutanée des communications interauriculaires. Figure 9. Vue 3D acquise par ETO : la communication interauriculaire est vue de l’oreillette gauche. Elle a une forme arrondie. Ao = aorte, VG = ventricule gauche. Figure 10. Vues 3D acquises par écho transthoracique. À gauche : communication interauriculaire centrale avec des berges suffisantes pour une fermeture percutanée. À droite : large défaut septal dont l’absence de berge contre-indique la mise en place d’un obturateur. VCI = veine cave inférieure ; VCS = veine cave supérieure ; VT = valve tricuspide. Figure 11. Large communication interauriculaire avec déficience de la berge postéro-inférieure. À gauche : vue 3D acquise par écho transthoracique. À droite : vue chirurgicale chez le même patient confirmant l’absence de rebord vers la veine cave inférieure. VCI = veine cave inférieure ; VCS = veine cave supérieure ; VPSD = veine pulmonaire supérieure droite. Figure 12. Vue 3D acquise par ETO : l’obturateur Amplatzer est vu de l’oreillette gauche. Il a une forme arrondie. Noter sur le bouton central un petit thrombus flottant. Figure 13. Imagerie 3D temps réel : communication interventriculaire trabéculée moyenne vue du ventricule droit (flèche). Figure 14. Imagerie biplan : communication interventriculaire infundibulaire. L’incidence parasternale grand axe identifie un shunt sous-aortique sans localiser le défaut septal. L’incidence perpendiculaire obtenue en même temps localise le shunt en position infundibulaire. Pathologies de l’aorte Le pronostic des patients atteints du syndrome de Marfan est étroitement lié au degré de dilatation aortique. Les mesures de la racine aortique par échocardiographie 2D sur l’incidence parasternale grand axe excluent le sinus coronaire gauche. Le mode biplan par rotation permet d’obtenir l’incidence orthogonale de la racine aortique et ainsi la mesure des trois diamètres : sinus coronaire droit-coronaire gauche, non coronaire-coronaire droit et non coronaire-coronaire gauche (figure 15). Les modes 3D (échographique ou IRM) mesurent des diamètres en moyenne supérieurs de 4 à 5 mm par rapport au 2D en raison de la fréquente asymétrie de la taille des sinus. L’écho 3D est une méthode simple de surveillance des patients avec syndrome de Marfan. La crosse de l’aorte peut également être visualisée en 3D en plaçant la sonde matricielle dans le creux suprasternal. Seule l’écho 3D permet d’offrir des vues endoluminales de la coarctation, très proches des descriptions anatomopathologiques (figures 16 A-B). La mesure de la surface de la zone coarctée, dynamique au cours du cycle cardiaque, peut aider à un éventuel cathétérisme interventionnel (taille du ballon et/ou du stent). Le mode biplan permet une nouvelle approche des dilatations de l’aorte ascendante. Figure 15. Imagerie biplan chez un patient avec syndrome de Marfan. La valve aortique est tricuspide. L’incidence orthogonale au grand axe de l’aorte permet une mesure précise des 3 sinus de Valsalva. Figures 16. Imagerie 3D temps réel d’une coarctation de l’aorte. A : vue longitudinale de la crosse de l’aorte montrant une réduction isthmique sévère. B : vue endoluminale de l’isthme à partir de la crosse aortique. La sténose isthmique est sévère et circonférentielle. Sa surface peut être calculée à partir de la vue aortique 3D. Fonction ventriculaire gauche Si l’écho 3D temps réel permet une acquisition volumique rapide, le calcul des volumes ventriculaires doit être réalisé sur une station déportée (figure 17). La fraction d’éjection et le volume d’éjection systolique sont automatiquement mesurés. L’analyse de la cinétique segmentaire est possible au repos et lors d’un stress. L’apport du contraste au 3D est à l’étude. L’écho 3D est une méthode fiable de calcul de la fraction d’éjection ventriculaire gauche. Figure 17. Calcul des volumes ventriculaires et analyse de la fonction segmentaire tout au long du cycle cardiaque. Les fractions d’éjection globale et régionale du ventricule gauche sont calculées après contourage automatique de l’endocarde. Écho 3D fœtale L’imagerie cardiaque 3D du cœur fœtal s’est longtemps heurtée à l’impossibilité d’obtenir un monitorage ECG. L’échocardiographie 3D temps réel s’affranchit de cet obstacle en dehors de l’acquisition d’un volume total impossible sans ECG. L’imagerie biplan permet de multiplier les plans de coupe sans avoir à déplacer la sonde matricielle et d’obtenir ainsi des coupes 4 et 3 cavités en même temps (figure 18). L’écho 3D temps réel est applicable aux cardiopathies malformatives (figure 19). L’écho 3D peut être appliquée à la cardiologie fœtale. Figure 18. Imagerie biplan d’un cœur fœtal. À partir d’une incidence des 4 cavités, une rotation sur 135° permet simultanément de voir l’incidence longitudinale des cavités gauches. La jonction des valves auriculoventriculaires et les continuités septo- et mitro-aortiques peuvent être étudiées en même temps sans déplacement de la sonde. og = oreillette gauche ; od = oreillette droite ; vg = ventricule gauche ; vd = ventricule droit. Figure 19. Imagerie 3D temps réel d’un fœtus avec maladie d’Ebstein. Le feuillet septal est accolé (flèche). L’oreillette droite est dilatée. od = oreillette droite ; vg = ventricule gauche ; vd = ventricule droit. Limitations L’écho 3D temps réel connaît encore des limites. La faible échogénicité transthoracique peut être un obstacle majeur pour l’imagerie 3D temps réel. La seconde harmonique optimise l’imagerie biplan mais reste très insuffisante pour l’imagerie volumique 3D. L’introduction de la matrice au sein de sonde transœsophagienne constituerait une avancée majeure. L’imagerie Doppler couleur 3D a pour l’instant une résolution spatiale et temporale médiocre, limitant son développement clinique. Une approche quantitative directe sur l’échographe (possible sur le biplan mais non sur le volume) réduirait le temps nécessaire au transfert des images sur une station déportée. La miniaturisation de la matrice et l’augmentation des fréquences d’émission de la sonde aideraient au développement du 3D en cardiologie pédiatrique. Enfin, les sondes matricielles 3D doivent à moyen terme intégrer le mode TM et le Doppler continu et pulsé, afin de permettre la réalisation d’un examen échocardiographique complet.   Conclusion   L’échocardiographie 3D est entrée dans une nouvelle ère avec l’apparition de la sonde matricielle. L’imagerie 3D est désormais temps réel disponible sur un échographe standard. Ses applications dans les pathologies valvulaires et les défauts septaux peuvent entrer en routine clinique. Le mode biplan révolutionne le 2D en multipliant les coupes dans le volume d’acquisition. Ce mode est très prometteur dans l’approche quantitative des dilatations aortiques mais aussi dans l’obtention simultanée de coupes chez le fœtus. La mesure des volumes ventriculaires et l’analyse de la cinétique segmentaire bouleversent l’approche quantitative de la fonction ventriculaire.  Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal. 

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