Publié le 03 juin 2008Lecture 6 min
L'HVG est-elle fréquente chez l'hypertendu ? Y a-t-il une prise en charge spécifique ?
J. AMAR, hôpital Rangueil, CHU Toulouse
L’hypertension artérielle est fréquemment associée à une hypertrophie ventriculaire gauche qui majore notablement le risque cardiovasculaire. Cette conséquence n’est pas inéluctable et il a été montré que le traitement antihypertenseur permet de réduire la masse ventriculaire gauche. Tous les traitements antihypertenseurs ne sont cependant pas égaux à cet égard.
Combien d’hypertendus avec hypertrophie ventriculaire gauche ?
En population générale (étude de Framingham), la prévalence de l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) détectée par électrocardiogramme, est de 2,9 % chez l’homme et de 1,5 % chez la femme. Dépistée par échographie, la prévalence de l’HVG est de 17,6 et 14,2 % respectivement selon les sexes.
Chez l’hypertendu, selon la métaanalyse conduite par F. Gueyffier à partir de l’analyse individuelle des données des patients hypertendus inclus dans les essais randomisés, la prévalence de l’HVG dépistée par ECG est de 11,2 % chez la femme et 13,2 % chez l’homme.
Selon l’étude de cohorte bordelaise conduite par P. Gosse, 44 % des patients hypertendus examinés présentaient des signes échographiques d’HVG.
Dans une étude de cohorte américaine réalisée chez des patients plus jeunes (< 40 ans), la Strong Heart study, la prévalence échographique était de 6,5 % chez le normotendu, de 11 % chez le préhypertendu et de 19 % chez l’hypertendu.
Quelle est la signification pronostique de l’HVG ?
L’étude de Framingham a montré que la présence d’une HVG est un puissant facteur de risque en population générale. Chez l’homme, après ajustement sur les facteurs de risque traditionnels, on observe une augmentation du risque de 49 % (57 % chez la femme) pour une augmentation de 50 g de la masse ventriculaire gauche.
La métaanalyse conduite par F. Gueyffier a précisé ce risque chez l’hypertendu. Le risque de décès cardiovasculaire est doublé en présence d’une HVG au sein d’une population de plus de 23 000 hypertendus inclus dans des essais randomisés et affectés dans le groupe placebo. À cet égard, il paraît pertinent, lorsque l’on désire faire une analyse plus fine du risque associé à l’HVG, de distinguer les HVG inappropriées, c’est-à-dire excessives par rapport à l’augmentation de la postcharge générée par l’hypertension artérielle. Cette forme d’HVG est, en effet, associée à un risque accru.
Prise en charge thérapeutique de l’hypertendu avec hypertrophie ventriculaire gauche
Quelle évolution sous traitement antihypertenseur ?
Il est possible de réduire la masse ventriculaire gauche chez l’hypertendu traité. Des études randomisées ont montré qu’il existe des différences entre les molécules antihypertensives. L’étude LIVE, conduite par Ph. Gosse, a montré à l’aide d’une méthodologie rigoureuse que l’indapamide comparé à l’énalapril réduit davantage la masse ventriculaire gauche. L’étude LIFE chez l’hypertendu avec HVG électrique a établi qu’une stratégie losartan et diurétique comparée à une combinaison bêtabloquant et diurétique est associée à une diminution significative de la masse ventriculaire gauche. Les métaanalyses conduites par Shmieder ont globalement suggéré l’infériorité des bêtabloquants comparés à la plupart des autres classes d’antihypertenseurs sur l’évolution de ce paramètre du fait d’une tendance à une augmentation du diamètre télédiastolique ventriculaire gauche.
Quel est le mécanisme de la réduction de la masse ventriculaire gauche sous traitement ?
La baisse de la pression artérielle tient bien entendu une part prépondérante dans la diminution de la MVG observée. À cet égard, il faut considérer le rôle de la pression centrale. En effet, la pression systolique n’est pas la même tout au long du circuit artériel. Chaque systole ventriculaire gauche donne naissance à une onde de pression. Cette onde de pression incidente parcourt l’arbre artériel, vient buter sur les résistances artériolaires et donne naissance à une onde réfléchie. C’est la surimposition de l’onde incidente sur l’onde réfléchie qui définit, en tout temps et en tout lieu de l’arbre artériel, le signal de pression. De fait, plus on se rapproche des résistances artériolaires et plus la surimposition des ondes réfléchies sur les ondes incidentes a lieu tôt en systole, provoquant une élévation de la pression systolique. Ce phénomène donne naissance à un gradient de pression systolique du centre vers la périphérie. Ainsi, chez un individu jeune en bonne santé, la différence entre les pressions systoliques humérale et aortique peut atteindre 20 mmHg. Or, la pression artérielle qui « compte » vis-à-vis du pronostic cardiovasculaire et de l’HVG est plus probablement celle qui règne au niveau de l’aorte. En effet, la pression aortique est vue par le cœur, les artères carotides, les artères coronaires, c’est-à-dire les artères qui sont le siège des complications, contrairement à la pression humérale qui n’est vue que par les bras.
À cet égard, il est intéressant de prendre en compte l’impact hétérogène des différentes classes d’anithypertenseurs sur la pression centrale. L’étude REASON initiée par M. SAFAR, puis l’étude CAFE ont, en effet, montré que, pour une même baisse de pression humérale, les combinaisons IEC + diurétique ou ICA + inhibiteur calcique provoquent une baisse plus ample de la pression aortique que la combinaison aténolol + diurétique.
Il est intéressant de rapprocher ces résultats de l’infériorité suggérée des bêtabloquants dans la réduction de la masse ventriculaire gauche comparé en particulier aux IEC.
Quelle est la signification de l’évolution de la masse ventriculaire gauche sous traitement ?
L’étude observationnelle conduite par P. Verdecchia a suggéré pour la première fois qu’une réduction de la masse ventriculaire sous traitement est associée à une amélioration du pronostic. Une analyse à posteriori de l’étude LIFE a renforcé ce message en montrant qu’une réduction de la masse ventriculaire gauche sous traitement est associée à une réduction de 40 % du risque de décès cardiovasculaire.
Faut-il proposer une stratégie spécifique à l’hypertendu avec HVG ?
Les recommandations sur l’HTA publiées en 2005 sous l’égide de la Haute autorité de santé répondent clairement par l’affirmative. En effet, l’hypertendu avec HVG y est reconnu comme un hypertendu à haut risque. À ce titre, dans cette population, il est proposé d’installer sans attendre un traitement médicamenteux en association aux mesures hygiéno-diététiques et de combiner rapidement les antihypertenseurs si l’objectif tensionnel n’est pas atteint.
Par ailleurs, en référence à l’étude LIFE qui a démontré la supériorité d’une stratégie losartan + diurétique sur la stratégie bêtabloquants + diurétique en termes de pronostic cardiovasculaire en particulier sur la réduction des accidents vasculaires cérébraux, les recommandations proposent d’appliquer en priorité la stratégie ARA II + diurétique aux patients avec hypertrophie ventriculaire gauche électrique.
À ce titre, il faut souligner que seuls les signes électriques d’HVG doivent être recherchés de façon systématique chez l’hypertendu. L’échographie est à réserver aux patients symptomatiques ou ayant des anomalies auscultatoires ou électriques.
En association à cet important niveau de preuve procuré par l’étude LIFE, on dispose d’un corpus d’arguments suggérant le rôle bénéfique des ARA II mais aussi des IEC dans la prévention de la fibrillation auriculaire. Cela pourrait d’ailleurs contribuer à expliquer le bénéfice prédominant sur l’accident vasculaire cérébral observé dans l’étude LIFE.
En pratique
L’hypertendu avec hypertrophie ventriculaire gauche est un hypertendu à haut risque.
La réduction de la masse ventriculaire gauche sous traitement est possible. Elle est associée à une amélioration du pronostic.
Cette réduction de la MVG est avant tout dépendante de la baisse de la pression, en particulier aortique.
Les antihypertenseurs ont une action différentielle sur la baisse de la pression aortique et sur la masse ventriculaire gauche avec à la clé des différences de pronostic. En référence aux niveaux de preuve disponibles, les recommandations HAS 2005 proposent de dépister de façon systématique les patients hypertendus ayant des signes électriques d’HVG.
Il est suggéré dans cette population d’installer sans délai un traitement antihypertenseur et de combiner très vite les antihypertenseurs si l’objectif de pression artérielle n’est pas atteint.
Enfin, en référence aux résultats de l’étude LIFE, les recommandations proposent de recourir préférentiellement dans cette population aux combinaisons ARA II + diurétique thiazidique pour y parvenir.
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