Recommandations
Publié le 29 oct 2024Lecture 6 min
Recommandations AHA 2024 sur les infections de DECI
Les dernières recommandations américaines sur la prise en charge des infections sur matériels rythmologiques implantables (IDECI) remontant à 2010, une mise à jour était nécessaire au vu des avancées importantes sur la prévention, le diagnostic et la prise en charge d’une IDECI avec :
– 2 essais contrôlés randomisés, PADIT et WRAP-IT, évaluant le bénéfice des enveloppes antibiotiques dans la prévention des DECI ;
– une étude qui a réévalué le rôle de l’ETO et ses limites dans la distinction des images appendues aux sondes ;
– des études sur les avantages du 18FDG PET scanner ;
– la reconnaissance du DECI comme facteur prédisposant à l’endocardite comme critère mineur dans la version actualisée 2023 des critères de Duke ;
– le développement du S-ICD et du stimulateur sans sonde (LPM) qui offrent de nouvelles solutions de remplacement après extraction du matériel infecté, mais qui peuvent aussi être une alternative à un matériel avec sonde endocavitaire chez des patients à risque élevé d’infection.
En réalité rien de très nouveau pour notre pratique dans cette mise à jour si on regarde les recommandations européennes de 2019. Elles ont cependant un format intéressant en posant des questions pratiques et en essayant d’y apporter des réponses.
Prévention
Comment prévenir les hématomes et comment gérer les anticoagulants, en particulier les AOD ?
BRUISE CONTROl 1 et 2 ont montré qu’il ne fallait pas faire de relais, mais qu’il fallait poursuivre le traitement par AVK et que le taux d’hématome est identique sous AVK et sous AOD. Il n’y a pas d’étude avec interruption des AOD, mais cette attitude est considérée comme acceptable. Les AOD peuvent donc être soit maintenus pendant l’intervention soit interrompus brièvement.
L’antibioprophylaxie par céfazoline a fait ses preuves et doit être un standard, mais peut-on faire mieux ?
PADIT trial n’a pas réussi à montrer un bénéfice à une antibioprophylaxie plus agressive (association à de la vancomycine, lavage de la poche à la bacitracine, céfazoline post-procédure), mais il y avait une tendance en sa faveur. WRAP-IT trial montre que le lavage de la poche et la préparation cutanée à la chlorhexidine diminuaient les infections. Le lavage de la poche par une solution saline est considéré comme raisonnable.
Quid de la vancomycine ?
Pas de bénéfice sur la céfazoline, et risque de sélectionner des résistances. C’est donc une alternative en cas d’allergie auxβ-lactamines, d’antécédents d’infection à S. aureus méthicilline résistant, ou si le centre présente un taux inhabituellement élevé de Staphylocoques méthicilline résistants. Il faut administrer la vancomycine 120 minutes avant l’incision à une dose de 20 mg/kg. Avis pharmacologiques conseillés chez les patients souffrant d’insuffisance rénale ou d’obésité.
Les poches antibiotiques, pour qui ?
Elles ont fait leurs preuves. Elles peuvent être utilisées chez les patients à haut risque infectieux, y compris les patients à haut risque d’hématome post-opératoire.
Diagnostic
Les recommandations européennes de 2019 utilisent l’ETT et l’ETO dans la définition d’une IDECI. Ces recommandations soulignent les limites de l’échocardiographie pour différencier les végétations infectieuses des caillots ou autres masses non infectieuses, et qu’elle peut être normale chez des patients infectés.
Les critères de Duke pour le diagnostic d’endocardite ont été modifiés en 2000 et adaptés pour être utilisés dans l’IDECI. Les critères de Duke 2023 incluent une évaluation plus détaillée, mais n’ont pas été spécifiquement validés pour le diagnostic d’IDECI. Par conséquent, ces recommandations proposent des définitions cliniques, pour le clinicien. Elles plaident pour une évaluation complète des résultats cliniques, microbiologiques et d’imagerie chez les patients suspectés d’IDECI, avec une évaluation dans des centres médicaux dotés d’une expertise spécialisée (tableau).
Les réponses pratiques se résument ainsi :
– l’ETO, outil diagnostique essentiel, a ses limites ;
– l’ETO peut être différée chez les patients présentant une infection de poche et des hémocultures négatives sans antibiotiques préalables, mais elle reste utile pour planifier la prise en charge ;
– pour les patients à forte suspicion d’IDECI, lorsque les techniques d’imagerie conventionnelles n’ont pas réussi à fournir un diagnostic définitif, le [18F]FDG PET/CT est une option à considérer ;
– le [18F]FDG PET/CT a une faible sensibilité chez les patients avec infection de poche de bas grade, ou infection des sondes en cas d’antibiothérapie avant l’imagerie. Il devrait être envisagé conjointement avec d’autres tests diagnostiques et en tenant compte de la clinique pour garantir un diagnostic précis et un traitement approprié ;
– chez les patients présentant une possible IDECI qui sont médicalement stables, dans les hôpitaux sans accès au [18F]FDG PET/CT, il est suggéré une orientation précoce vers des centres ayant accès à ces modalités d’imagerie. Sinon, une évaluation par une équipe multidisciplinaire d’experts dans le diagnostic et la prise en charge d’IDECI est conseillée (figure).
Figure. Schéma diagnostique de prise en charge d’une IDECI suspectée ou confirmée.
Prise en charge
L’extraction du matériel implanté est la règle.
L’extraction rapide est associée à une meilleure survie.
L’antibiothérapie seule est réservée aux infections superficielles précoces.
On manque d’études pour définir la durée du traitement antibiotique.
En cas d’extériorisation, une durée de 7 jours après extraction est raisonnable.
Pour les infections purulentes de poches, une durée de 10 jours après l’extraction est raisonnable.
Une durée plus longue est suggérée chez les patients présentant une infection systémique (figure) ; les patients avec atteinte valvulaire peuvent avoir besoin de 4 à 6 semaines de traitement parentéral, selon l’agent pathogène en cause et s’il existe une endocardite valvulaire native ou prothétique.
La date de réimplantation dépend de multiples facteurs. Il est admis :
– de retarder la réimplantation jusqu’à ce que les signes et symptômes d’une infection aient disparu ;
– d’évaluer les risques d’une réimplantation précoce avec la dépendance au dispositif et aux dispositifs alternatifs, LPM ou S-ICD ;
– une Lifevest et un stimulateur cardiaque temporaire sont des stratégies raisonnables pour les patients chez lesquels la réimplantation d’un dispositif permanent est retardée ;
– d’envisager de retarder la réimplantation jusqu’à 14 jours en cas d’endocardite valvulaire ;
– il est raisonnable d’utiliser le LPM et le S-ICD chez les patients présentant un risque élevé d’infection ;
– l’utilisation de LPM après extraction pourrait réduire le délai de réimplantation en cas d’infection systémique.
L’aspiration mécanique percutanée des végétations a été réalisée dans certains cas, mais des données d’essais cliniques sont nécessaires pour mieux définir le rôle de cette procédure.
Une fois le traitement antibiotique initial terminé, un traitement antibiotique oral chronique peut être envisagé chez les patients qui ne sont pas candidats au retrait complet du dispositif.
Les patients recevant un traitement antibiotique oral chronique ont besoin d’un suivi précoce pour dépister une rechute de l’infection et les événements indésirables liés aux médicaments.
Chez les patients dont le dispositif n’a pas été complètement retiré, le [18F]FDG PET/CT peut être utile pour évaluer l’infection résiduelle afin de déterminer si un traitement antibiotique oral chronique est justifié.
Pour en savoir plus
• Baddour L et al. Update on cardiovascular implantable electronic device infections and their prevention, diagnosis, and management: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation 2024 ; 149 : e201-e16.
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