Publié le 29 juin 2024Lecture 6 min
Recommandations 2023 ACC/AHA/ACCP/HRS surla fibrillation atriale
Guillaume CHOURROUT, Rodrigue GARCIA, Poitiers
Les dernières recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de la fibrillation atriale (FA) publiées conjointement par l’ACC, l’AHA, l’ACCP et la HRS parues en 2023(1) viennent mettre à jour celles de 2014, actualisées en 2019. De nouvelles données, fruit de nombreuses études s’intéressant au screening, à la prévention et au traitement de la FA notamment dans différentes sous-populations ont motivé la réalisation de ces nouvelles recommandations.
Les principales nouveautés sont le renforcement de la place de l’ablation comme traitement de première ligne dans le contrôle du rythme, la stratégie interventionnelle chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée (HFrEF), la prise en charge de la FA infraclinique détectée par les prothèses cardiaques et les recommandations concernant la fermeture d’auricule gauche (FAG).
Une nouvelle classification par étapes plutôt que la trichotomie habituelle (paroxystique, persistante, permanente) est proposée et permet d’introduire le concept de continuum ; ce concept présentant la FA comme une pathologie progressive (figure 1) qui nécessite différentes stratégies en fonction de différents stades est au cœur de ces recommandations et permet d’en comprendre la philosophie. Il souligne l’importance de la prise en charge précoce de la FA par l’intermédiaire de la prévention et de la correction des facteurs de risques puis du traitement notamment interventionnel.
Figure 1. Stades et évolution de la fibrillation atriale.
Les auteurs insistent sur la prise en charge des facteurs de risques modifiables tels que l’obésité, la sédentarité, la consommation d’alcool et de tabac, la prise en charge du diabète et de l’HTA. Qu’il s’agisse de prévention primaire ou secondaire, c’est un pilier de la prise en charge qui permet de limiter la survenue de FA ou de complication (figure 2).
Figure 2. Piliers de prise en charge de la FA.
Il n’y a pas de nouveauté en pratique concernant la prise en charge du risque thrombotique et de l’anticoagulation, même si de nouveaux scores de risques sont étudiés (ATRIA, GARFIELD-AF) afin de remplacer le CHA2DS2-VASc ; ceux-ci, du fait d’un niveau de preuve plus faible, ne l’ont pas encore supplanté. Les auteurs répètent la préférence des AOD lorsqu’une anticoagulation est indiquée.
Intérêt du contrôle du rythme précoce (tableau 1)
De récentes études, notamment EASTAFNET4(2) ont montré qu’une stratégie de contrôle du rythme précoce permet une réduction de mortalité, d’AVC et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et ce d’autant plus qu’elle est précoce. Cette étude souligne le bénéfice de maintenir au maximum un rythme sinusal.
Les indications de contrôle du rythme des précédentes versions portaient principalement sur la prise en charge des symptômes en lien avec l’arythmie. Ces nouvelles recommandations proposent outre la prise en charge en cas de symptôme, un contrôle du rythme à un stade précoce pour limiter les complications cardiovasculaires et la progression de la maladie que les patients soient symptomatiques ou non (tableau 1).
Indications d’ablation (tableau 2)
De nombreuses publications ont montré la supériorité de l’ablation comparativement aux antiarythmiques pour le contrôle du rythme cardiaque, que la FA soit paroxystique ou persistante, avec des résultats encore meilleurs si la prise en charge est précoce. L’ablation est indiquée en première intention en cas de FA paroxystique ou persistante afin d’améliorer les symptômes (classe IIA) et chez des patients sélectionnés présentant une FA paroxystique (classe I) avec pour objectif d’avoir un impact sur l’histoire naturelle de la FA, en seconde intention chez des patients symptomatiques malgré le traitement médical (classe I) (tableau 2).
En pratique cette stratégie interventionnelle est à privilégier chez des patients sélectionnés (âge jeune, peu de comorbidités, faible durée de FA, atrium gauche peu dilaté).
Il n’est pas fait de commentaire sur le type d’énergie utilisée entre la radiofréquence, la cryothérapie ou l’électroporation. Il est préconisé en tant que première étape la réalisation d’une isolation des veines pulmonaires ; l’ablation en routine d’autres cibles d’ablation n’a pas montré de bénéfice sur la récurrence de FA dans les dernières études. Dans les suites de l’ablation, l’utilisation d’un traitement antiarythmique sur des patients sélectionnés permet de diminuer les récurrences précoces d’arythmies et d’hospitalisation. En cas de récidive de FA après procédure interventionnelle l’utilisation d’antiarythmiques ou une procédure redux est envisageable d’autant plus qu’il existe des symptômes ou une dysfonction ventriculaire gauche.
Patients en insuffisance cardiaque et présentant de la FA
La FA peut être responsable de cardiopathie rythmique ou de dégradation de la FEVG sur cardiopathie structurelle préexistante. L’ablation de FA est indiquée en classe I en cas d’insuffisance cardiaque, car une stratégie agressive et précoce permet de réduire la charge en FA, de limiter le remodelage et la survenue de cardiopathie rythmique. Il n’y a pas de bénéfice en faveur d’une stratégie de contrôle du rythme médicale en comparaison avec un contrôle de la fréquence chez les patients avec HFrEF, en revanche il est établi qu’une procédure interventionnelle par ablation permet la réduction de la mortalité et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque d’autant plus que la prise en charge est précoce. Il existe donc une indication de classe I en cas d’HFrEF afin d’améliorer les symptômes, la qualité de vie, réduire les hospitalisations, et améliorer la FEVG(3).
Les données concernant l’HFpEF sont moins robustes, mais l’ablation dans cette catégorie permet une diminution de mortalité, d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et améliore la qualité de vie (EAST-AFNET(2), CABANA(4)).
Prise en charge des arythmies détectées par les prothèses cardiaques
Les « Atrial High-Rate Episode » (AHRE), épisodes d’arythmie atriale (FA, flutter, tachycardies atriales), détectée par les prothèses rythmiques cardiaques correspondent à des épisodes de FA infraclinique. Les données actuelles font part d’un risque thrombotique plus faible qu’en cas de FA clinique.
Il existe une indication d’anticoagulation (classe IIA) des patients avec épisodes ≥ 24 heures et score CHA2DS2-VASc ≥ 2, en revanche pas d’indication en cas de durée < 5 minutes (classe III)(5).
Il n’y a pas de véritable réponse apportée lorsque la durée de l’AHRE est entre 5 minutes et 24 heures La décision d’anticoagulation peut être influencée selon le score de risque CHA2DS2-VASc (classe IIb lorsque score ≥ 3). Les publications des études NOAH-AFNET6 et ARTESIA(6) sont plutôt en défaveur de l’introduction d’un anticoagulant dans ce cas de figure.
Indication de fermeture percutanée de l’auricule gauche (tableau 3)
La fermeture percutanée de l’auricule gauche réduit le risque thrombotique en cas de FA, efficacité prouvée par une étude de non-infériorité comparativement aux AVK et AOD. Cette fermeture percutanée est indiquée chez les patients à risque thrombotique (CHA2DS2-VASc ≥ 2) en cas de contre-indication persistante à une anticoagulation curative.
Conclusion
• Cette mise à jour des recommandations nord-américaines concernant la prise en charge de la FA propose une nouvelle classification de la FA qui souligne le caractère progressif de la maladie. Les indications de contrôle du rythme notamment par ablation se sont élargies, avec pour objectif un véritable impact sur l’histoire naturelle de cette pathologie.
• Les nouveautés portent principalement sur l’ablation. Celle-ci est à réaliser précocement et n’est plus limitée aux symptômes, mais a pour but la réduction des évènements cardiovasculaires ; elle est indiquée en première intention chez des patients sélectionnés et ses indications sont renforcées chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Une mise au point est faite sur la prise en charge des AHRE et sur les indications de fermeture d’auricule gauche.
• Malgré les importants progrès réalisés ces dernières années sur la compréhension et le traitement de la FA, il reste de nombreuses zones d’ombre qu’il faut encore étudier. Qu’il s’agisse d’une meilleure individualisation du risque thrombotique guidant l’anticoagulation, de la prise en charge des AHRE de moins de 24 heures, de la standardisation des procédures d’ablation ou d’une meilleure sélection des patients en vue de l’ablation, les perspectives de recherche sont nombreuses.
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