Recommandations
Publié le 20 oct 2023Lecture 6 min
Points clés des recommandations 2023 sur l’occlusion de l’auricule gauche
Ghassan MOUBARAK, Neuilly-sur-Seine
Un consensus d’experts nord-américain s’est prononcé sur la pratique de la fermeture d’auricule gauche (FAG) percutanée. Regroupant des cardiologues interventionnels de la Society for Cardiovascular Angiography and Interventions (SCAI) et des rythmologues de la Heart Rhythm Society (HRS), ses conclusions ont été publiées simultanément dans JACC Cardiovascular Interventions et Heart Rhythm au printemps 2023(1). En voici les points clés. On notera que n’y figurent pas de grades de recommandations et de niveaux de preuves, comme pour les documents de recommandations classiques.
Indications
La FAG est appropriée pour des patients présentant une fibrillation atriale non valvulaire avec un risque thrombo- embolique élevé, qui ne sont pas de bons candidats (le terme anglais est « suited ») à une anticoagulation orale prolongée, avec une espérance de vie supérieure à 1 an et une bonne qualité de vie.
Le risque thrombo-embolique élevé est celui qui constitue une indication de classe I au traitement anticoagulant oral (OAC), c’est-à-dire un score CHA2DS2-VASc ≥ 2 chez les hommes et ≥ 3 chez les femmes. On remarquera que les recommandations françaises — datant de 2016 — sont plus restrictives, exigeant un score CHA2DS2-VASc ≥ 4.
Doit s’y associer une limite à la prescription de l’OAC qui n’est pas nécessairement une contre-indication formelle : un risque hémorragique élevé défini par un score HAS-BLED ≥ 3, une intolérance à l’OAC (saignement), un risque de chute, une HTA non contrôlée, une insuffisance rénale ou hépatique, la consommation d’alcool, l‘utilisation d’antiagrégant ou d’AINS, une activité à risque, un INR labile, la non-compliance, une allergie à l’OAC et des interactions médicamenteuses.
Requis pour l’opérateur et le centre
Pour démarrer, l’opérateur doit avoir l’expérience d’au moins 50 procédures atriales gauches (ablations ou structurelles) et 25 ponctions transseptales. Le maintien de l’expertise nécessite au moins 12 FAG et 25 ponctions transseptales en 2 ans.
La présence d’une chirurgie cardiaque sur site est obligatoire, au minimum durant la courbe d’apprentissage.
Imagerie préopératoire
Une imagerie préopératoire par échographie transœsophagienne (ETO) ou scanner cardiaque est recommandée, idéalement (mais pas obligatoirement) en amont plutôt que constituant le premier temps de la procédure. Le scanner cardiaque a une meilleure résolution spatiale que l’ETO.
Cette imagerie permet de préciser l’anatomie de l’auricule (diamètre de la landing zone, profondeur, nombre et forme des lobes) afin de guider le choix de la taille de la prothèse. Les mesures doivent être faites au maximum du remplissage de l’auricule (fin de la systole ventriculaire) et sur un auricule « bien rempli » (pression moyenne de l’oreillette gauche > 12 mmHg). Les mesures en scanner sont 2-3 mm supérieures à celles en ETO. La présence d’un thrombus dans l’auricule gauche constitue une contre-indication relative à la procédure.
Imagerie per-opératoire
La fluoroscopie seule n’est pas suffisante pour guider le geste. L’ETO est la technique de choix, permettant de rechercher un thrombus, guider la ponction transseptale, guider le déploiement de la prothèse (stabilité, compression, présence de fuites périprothétiques) et rechercher un épanchement péricardique. Les vues utilisées sont les incidences à 0°, 45°, 90° et 135°.
L’échographie intracardiaque (ICE) est une alternative à l’ETO. Elle présente cependant plusieurs limites : nécessité d’un second abord veineux fémoral ; nécessité de placer la sonde dans l’oreillette gauche pour des images de meilleure qualité ; courbe d’apprentissage ; coût supplémentaire. L’ETO permet d’obtenir de meilleures images et est plus reproductible que l’ICE : elle doit être privilégiée.
Aspects techniques de la procédure
Le détail de la procédure n’est pas l’objet de ce consensus d’expert. Il n’est notamment pas fourni de recommandation sur le choix du modèle, étant entendu que seule la Watchman FLX de Boston Scientific avait l’autorisation de la FDA au moment de l’écriture du document (et pas encore l’Amulet d’Abbott). Quelques indications générales sont néanmoins précisées.
• L’échographie vasculaire doit être fortement considérée pour l’abord veineux fémoral droit.
• L’héparine non fractionnée doit être administrée (avant ou après la ponction transseptale, au choix de l’opérateur) pour atteindre un TCA supérieur à 250-300 s.
• La ponction transseptale doit être habituellement pratiquée dans une zone postérieure et inférieure. Elle pourra être un peu supérieure lorsque l’axe de l’auricule (estimé avec la vue à 90°) est horizontal ou vers le bas.
• Le choix d’une gaine déflectable ou non déflectable est laissé à l’appréciation de l’opérateur.
• L’avancée de la gaine dans l’OG peut se faire soit sur un guide rigide placé dans la veine pulmonaire supérieure gauche, soit sur une pigtail placée dans l’auricule.
• La mesure de la pression moyenne de l’OG peut être utile pour s’assurer d’avoir les dimensions maximales de l’auricule.
• Le déploiement de la prothèse se fait selon les recommandations de chaque fabricant.
Complications précoces
Les complications sérieuses, au premier rang desquelles l’épanchement péricardique, ont diminué avec l’expérience des opérateurs et l’amélioration du matériel. Elles sont actuellement inférieures à 2 % dans les derniers registres.
L’épanchement péricardique est le plus souvent lié à une perforation de l’auricule gauche. Sa prise en charge (ponction +/- réparation chirurgicale) ne présente pas de particularité spécifique à la FAG. De même, l’AVC per-procédural est au mieux prévenu par l’anticoagulation efficace comme pour toute procédure atriale gauche.
La migration de la prothèse est très rare (< 0,1 %), et est décelée durant la procédure dans 2/3 des cas. Son extraction peut être chirurgicale (migration dans la valve mitrale ou le ventricule gauche) ou percutanée (migration dans l’aorte descendante).
Suites postopératoires précoces
Une échographie cardiaque transthoracique est recommandée avant la sortie pour rechercher un épanchement péricardique de constitution progressive et une migration de la prothèse. Une hospitalisation en ambulatoire est possible mais une nuit d’hospitalisation est fortement recommandée après l’intervention. Le traitement antithrombotique au décours est fortement débattu mais malheureusement aucune recommandation pratique n’est fournie. Le choix peut se faire entre les anti-vitamine K, les OAC directs et une double antiagrégation plaquettaire, et doit dépendre des études cliniques (différentes selon la prothèse) et du profil des patients. Il est mentionné que la biantiagrégation plaquettaire est plus fréquemment employée en Europe qu’aux États-Unis, en raison d’une plus forte proportion de patients réellement contre-indiquée aux OAC. On remarque cependant qu’il n’est pas non plus explicitement mentionné si une simple antiagrégation peut ou pas être utilisée, que ce soit d’emblée ou après une phase de biantéagrégation (6 mois après, dans les études PROTECT-AF et PREVAIL)…
Imagerie tardive et gestion des complications tardives
Une nouvelle imagerie (au choix ETO ou scanner cardiaque) est préconisée à 45-90 jours.
Elle permet de rechercher une thrombose de prothèse (3-5 % des procédures). La signification clinique de cette thrombose (risque d’embolie ?) est imprécise mais la poursuite (ou la reprise) de l’OAC est recommandée. Une nouvelle imagerie à 45-90 jours est recommandée pour vérifier sa disparition.
Elle permet aussi de rechercher une fuite périprothétique. Une fuite minime est assez fréquente et son pronostic encore imprécis. Sa prise en charge n’est pas encore pleinement codifiée. Il est possible que des fuites importantes, de diamètre supérieur à 5 mm, doivent nécessiter la poursuite de l’OAC. L’évaluation de leur fermeture par embolisation est encore préliminaire.
Une imagerie de contrôle à un an peut être considérée en cas d’une de ces deux constatations.
Enfin, la communication inter-atriale créée pendant la procédure se ferme le plus souvent dans les 6 mois.
Association à d’autres gestes
Il n’est pas recommandé de réaliser en même temps une FAG et un autre geste atrial gauche, typiquement une ablation de fibrillation atriale. Cette recommandation est essentiellement de prudence, en attendant de plus grandes études.
Conflits d’intérêt : aucun.
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