Publié le 19 déc 2023Lecture 5 min
Recommandations 2023 sur l’organisation des centres de télésurveillance
Cédric GIRAUDEAU, Orléans
Le bénéfice sur la morbi-mortalité de la télésurveillance des dispositifs électroniques cardiaques implantables (DECI) n’est plus à démontrer, et la télésurveillance, inscrite en classe IA dans les recommandations depuis 2015, est devenue maintenant un standard de prise en charge.
Hormis les problèmes de connectique, les centres assurant le suivi des DECI peuvent facilement être inondés par un flux important d’informations à traiter. Cette charge de travail nouvelle nécessite de trouver une organisation rationnelle impliquant à des degrés divers, équipes médicales et paramédicales, mais aussi industriels, établissements de santé, et organismes de remboursement.
En début d’année 2023, un nouveau consensus d’expert HRS/EHRA/APHRS/LHRS évoque les différents aspects et difficultés rencontrées et émet des recommandations afin de guider notre pratique.
Remboursement
C’est un des premiers points abordés. La télésurveillance doit être pérenne et ouverte à tous. Il est nécessaire pour cela d’en obtenir le financement par les organismes d’assurance (classe IB) sachant que le coût est compensé par les économies générées notamment en termes d’hospitalisation et de transport.
Mise en route de la connexion et données administratives
La télésurveillance est à mettre en place sans délai après l’implantation d’un Holter implantable (classe IC) au vu de l’importance diagnostique des premiers jours. Pour les autres DECI, un délai de deux semaines est accordé (classe IIB) pour dépister au plus tôt les dysfonctionnements éventuels post-implantation.
En cas de changement de dispositif, upgrade, transfert du suivi vers un autre centre, modification de coordonnées administratives, etc., ces informations doivent être mises à jour rapidement sur la plateforme correspondante (classe IC). Enfin pour les patients dont la connexion avec le DECI est coupée, il est recommandé d’établir une démarche protocolée incluant le personnel soignant afin de faciliter la reconnexion (classe IC). Pour atteindre cette réactivité, ces tâches administratives et techniques peuvent être assurées par un personnel non soignant.
Dotation en personnel
Activité nouvelle, les différents aspects de la télésurveillance sont souvent méconnus et il est parfois difficile d’obtenir le personnel avec le temps nécessaire pour réaliser les différentes activités plus ou moins visibles que cela requiert (figure 1).
Figure 1. Recommandations d’organisation en personnel pour l’activité de télésurveillance (Consensus 2023 HRS/EHRA/APHRS/LAHRS).
En pratique, il est recommandé :
– une organisation rationnelle des tâches de chaque membre de l’équipe assurant le suivi : médecin, infirmière de pratique avancée, personnel non clinicien, avec mise en place de procédures spécifiques (classe IB) ;
– suffisamment de personnel avec suffisamment de temps dédié en tenant compte de la dynamique d’augmentation du nombre d’alertes à traiter (classe IB) ;
– trois équivalents temps plein pour 1 000 patients sous télésurveillance (comprenant à la fois personnel soignant et administratif) sont recommandés (classe IIaC).
Par ailleurs, les recommandations insistent sur la formation du personnel et sur la nécessité d’une revue des complications dans le but d’une amélioration de la qualité du suivi (classe IC).
Modalités de suivi
La plupart des DECI actuellement implantés disposent d’une connexion distante en continu avec transmissions calendaires pouvant être jusqu’à quotidiennes. Cela procure une plus grande réactivité en cas de dysfonctionnement ou d’évènement rythmique et permet de sélectionner les patients nécessitant un déplacement en consultation. À l’inverse, (sous réserve d’une connexion fiable) cela permet d’espacer les visites de contrôle des stimulateurs ou défibrillateurs cardiaques jusqu’à 24 mois pour les patients stables sans alerte ni comorbidités importantes (classe IIaB).
Pour les cas de transmissions discontinues (manuelle par le patient, ou nécessitant une programmation des transmissions calendaires), l’absence d’information pour certains évènements impose de réaliser une interrogation distante tous les 3 à 6 mois chez les porteurs de défibrillateur, tous les 3 à 12 mois chez les porteurs de stimulateur, interrogations à rapprocher tous les 1 à 3 mois lorsque la batterie approche de sa fin de vie.
Enfin, en cas d’alerte de matériovigilance, il est recommandé (classe IB) d’instaurer un système de télésurveillance continue avec interrogations du dispositif à intervalles fixes.
Programmation des alertes
La diminution du flux d’alertes à traiter nécessite une programmation adéquate et implique de connaitre les caractéristiques inhérentes à chaque système et à chaque modèle de DECI (classe IC).
La personnalisation des alertes selon le patient (classe IB) évite la perte d’information, sans pour autant transmettre de « fausses » alertes (par exemple la survenue d’une arythmie déjà connue) qui alourdiraient inutilement la charge de travail du suivi.
La figure 2 représente les recommandations de programmation des alertes en fonction du type de DECI.
Figure 2. Recommandations de paramétrage individualisé des alertes de télésurveillance (Consensus 2023 HRS/EHRA/APHRS/LAHRS). Entre parenthèses, le niveau de recommandation (I ou IIa) et le niveau de preuve (A, B ou C, et son type: R: études randomisées; LD: données limitées; EO: opinions d’experts).
Concernant les Holters implantables, la consultation présentielle pour interrogation de routine n’est plus indiquée pourvu que le suivi distant soit fonctionnel (classe III). Pour éviter les faux positifs, il faut relire les électrocardiogrammes, adapter la programmation à l’indication, reprogrammer la sensibilité en cas de sous/surdétection (classe IB) pour détecter au mieux la fibrillation atriale en cas d’AVC cryptogénique (classe IIaB). En cas de syncope, l’éducation du patient doit permettre d’obtenir une mémorisation manuelle immédiate du tracé lors d’une récidive, afin d’établir la corrélation avec un éventuel trouble du rythme (classe IB).
Gestion des alertes reçues
Après la programmation des alertes, celles-ci devront être hiérarchisées. Les alertes de sonde (impédance, détection, seuil de stimulation) ou de batterie, tout comme la survenue d’événements ventriculaires ayant nécessité l’intervention d’un défibrillateur constituent des alertes critiques qui doivent être transmises (classe IC) et traitées raisonnablement au bout d’un jour ouvré (classe IIaC), la télésurveillance ne constituant cependant pas un système d’urgence (classe IC).
Rapport de suivi
Les données transmises doivent apparaitre sur un rapport de suivi, si possible standardisé, intégré au dossier informatisé du patient en respectant la confidentialité (classe IC) ; ce rapport pourra être communiqué au patient selon ses préférences (classe IIaC).
Éducation
L’adhésion du patient au suivi à distance à long terme est primordiale et requiert, avant l’implantation elle-même, une information claire du patient et de ses proches, pouvant d’ailleurs déboucher sur un choix concerté du matériel implanté (classe IC).
Industriels
Les constructeurs, sans avoir de lien direct avec le patient, apportent leur savoir-faire technique aux équipes assurant le suivi, facilitant la connectivité et signalant les éventuelles déconnexions (classe IC). Ils doivent fournir un système de suivi sûr, respectant la confidentialité des données, et adapté aux besoins des patients (classe IC). Le suivi à distance des DECI a facilité la prise en charge des alertes de matériovigilance. Pour une télésurveillance optimale, il est demandé aux industriels d’aider à l’identification immédiate des patients concernés et de guider sur l’optimisation des alertes à programmer (classe IC).
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