publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Explorations-Imagerie

Publié le 25 mar 2008Lecture 8 min

Quand demander une enquête génétique en cardiologie ?

Ph. CHARRON, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris


Les Journées européennes de la SFC
Les progrès récents de la génétique moléculaire amènent à considérer l’origine génétique d’un nombre croissant de maladies cardiovasculaires et à discuter la réalisation d’un test génétique pour optimiser la prise en charge du patient et de sa famille.

  Quelles sont les maladies concernées ? Il s’agit ici des maladies mendéliennes ou monogéniques, c’est-à-dire celles pour lesquelles la présence d’une mutation est une condition nécessaire et suffisante. Dans le domaine cardiovasculaire, ces maladies peuvent être classées en trois groupes principaux (tableau). Les cardiomyopathies (maladies du muscle cardiaque associées à des anomalies structurales et hémodynamiques) regroupent essentiellement : – les cardiomyopathies hypertrophiques (CMH), dilatées (CMD), restrictives (CMR), arythmogènes du ventricule droit (CVDA), et la non-compaction ; – les troubles du rythme héréditaires (maladies électriques survenant sur un cœur morphologiquement normal) regroupent essentiellement les syndromes du QT long, de Brugada, et la tachycardie ventriculaire catécholergique ; – les maladies vasculaires héréditaires comprennent essentiellement le syndrome de Marfan et la maladie d’Ehlers-Danlos vasculaire. À côté de ces trois groupes, il faut mentionner certains facteurs de risque d’athérome (hypercholestérolémie, diabète), certaines valvulopathies (le prolapsus valvulaire mitral, la bicuspidie aortique) et de rares formes mendéliennes de cardiopathies congénitales (syndrome CATCH 22, par exemple).   Quand faut-il considérer qu’il s’agit d’une maladie génétique mendélienne ? Le diagnostic d’une des maladies décrites ci-dessus chez un patient conduit à considérer l’origine génétique sous-jacente, quel que soit le contexte familial. En cas de forme d’emblée reconnue comme familiale (plusieurs sujets atteints chez des apparentés au premier degré), l’origine génétique est certaine ou très probable. En cas de forme apparemment sporadique, la probabilité d’une origine génétique mendélienne est variable selon les pathologies : – certaine ou très probable (CMH, syndrome de Marfan, CVDA/DVDA), – importante (QT long), plus modeste (CMD) ou mal connue (Brugada, prolapsus valvulaire, non-compaction). Dans presque tous ces cas, le diagnostic cardiologique une fois posé doit conduire à intégrer l’origine génétique probable ou possible dans la démarche médicale globale et amener à trois objectifs complémentaires : - informer le patient et sa famille ; - organiser le bilan cardiologique familial ; - discuter la réalisation d’un test génétique. Autre situation particulière : la survenue d’une mort subite chez un sujet jeune (surtout si < 40 ans) doit également amener à considérer une origine génétique et déclencher un bilan cardiologique familial systématique.   Quelle information donner au patient et sa famille ? Après avoir retracé précisément l’histoire familiale, l’information concerne : – la probabilité que la maladie considérée soit d’origine génétique et mendélienne (voir ci-dessus), – le mode de transmission con-cerné (majoritairement autosomique dominant), le risque de transmission aux apparentés (50 % de risque pour les apparentés au premier degré dans les formes autosomiques dominantes), – l’histoire naturelle de la maladie (avec habituellement une phase initiale silencieuse et une expression cardiaque retardée, en particulier dans les cardiomyopathies où l’échographie peut devenir anormale seulement vers 30-50 ans), sa variabilité interindividuelle. Les autres informations à donner concernent l’utilité du bilan cardiologique familial et la discussion d’un test génétique.   Organiser l’enquête cardiologique familiale L’organisation d’un bilan cardiologique non invasif chez les apparentés d’un patient atteint d’une maladie cardiaque héréditaire constitue un objectif prioritaire pour permettre un diagnostic précoce et ainsi améliorer la prise en charge. Les implications thérapeutiques immédiates sont diverses : – parfois le diagnostic de la maladie chez un apparenté asymptomatique justifie de débuter un traitement médicamenteux (inhibiteur de l’enzyme de conversion dans la CMD ou bêtabloquant dans le QT long congénital ou le syndrome de Marfan par exemple) ; – parfois le diagnostic conduit à donner une liste de médicaments contre-indiqués (QT long, syndrome de Brugada) ; – parfois encore, il aboutit à la restriction de l’activité sportive, et aussi à approfondir le risque rythmique pour discuter un traitement préventif (dans la CMH et la CVDA/DVDA, par exemple). Dans tous les cas, le diagnostic permet de mettre en place une surveillance médicale régulière. L’enquête cardiologique doit être menée chez les apparentés à risque significatif, en pratique chez tous les apparentés au premier degré quand la transmission est autosomique dominante. L’identification d’un nouveau patient au sein de la famille conduit à étendre l’enquête à tous ses apparentés au premier degré (enquête dite « en cascade »). Du fait de l’expression cardiaque parfois retardée dans certaines des pathologies (en cas de pénétrance liée à l’âge), la normalité du bilan initial ne permet pas d’exclure la possibilité d’une mutation héritée avec expression cardiaque ultérieure. Cela justifie alors la poursuite d’une surveillance cardiologique, y compris à l’âge adulte.   Discuter la réalisation d’un test génétique moléculaire Réalisé à partir d’un prélèvement sanguin : il constitue un outil diagnostique complémentaire qui peut représenter une aide importante pour le clinicien, dans des situations variées comme les tests diagnostique, pronostique, prédictif ou parfois prénatal. Sa réalisation en pratique clinique doit être discutée en fonction : – des connaissances des gènes sous-jacents, – de la possibilité ou non de les analyser en « routine », la probabilité de trouver une mutation chez le propositus (environ 90 % dans le syndrome de Marfan, 50-70 % dans le QT long ou la CMH, 50 % dans la DVDA, environ 20 % dans la CMD « commune » ou le syndrome de Brugada), – des connaissances quant à la probabilité de développer la maladie si un apparenté est porteur de la mutation, – de la pertinence médicale du test génétique (ce en quoi il va modifier la prise en charge). La pratique du test génétique doit aussi s’entourer de précautions pour préserver le consultant de répercussions négatives éventuelles (psychologiques, sociales, professionnelles), préserver la confidentialité et empêcher toute discrimination. C’est pourquoi des textes de lois régissent la pratique des tests génétiques en France. Dans certaines situations comme le test prédictif, le test ne peut d’ailleurs être prescrit que par une équipe pluridisciplinaire déclarée au ministère de la Santé.   Le test génétique diagnostique Dans certains cas particuliers, le test génétique peut être utile pour affirmer un diagnostic : – il peut s’agir de sportifs de haut niveau avec anomalies modérées pouvant faire discuter un « cœur d’athlète » physiologique ou bien une forme débutante de cardiomyopathie (la distinction est ici cruciale) ; – il peut aussi s’agir d’anomalies difficiles à interpréter comme un QT long régressif après arrêt d’un médicament en cause ; – la situation peut aussi être celle d’un patient avec une cardiopathie avérée mais apparemment « sporadique », et donc sans certitude sur l’origine mendélienne (et donc sur la nécessité d’une surveillance familiale) ; – une autre situation enfin est celle d’une mort subite inaugurale chez un jeune avec autopsie normale. Le test génétique post mortem peut identifier la mutation causale, et donc la pathologie cardiaque (maladie électrique pure de type QT long), avec des implications majeures pour le reste de la famille.   Le test génétique pronostique La nature du gène ou de la mutation peut parfois rendre compte, au moins en partie, de la variabilité du phénotype, notamment du risque de complications. Le test moléculaire peut ainsi permettre de mieux stratifier le pronostic des patients, en identifiant les sous-groupes à haut et bas risques, et donc d’optimiser la stratégie thérapeutique (avec implantation précoce d’un défibrillateur, par exemple). Dans la CMH, les porteurs de certaines mutations (du gène de la troponine T notamment) ont un risque très élevé de mort subite. Dans la CMD, les porteurs de mutation du gène des lamines A/C ont un risque particulier de troubles conductifs sévères et d’arythmies ventriculaires. Dans le QT long, les porteurs de mutation du gène SCN5A sont de mauvais répondeurs aux bêtabloquants.   Le test génétique prédictif Quand la mutation est identifiée chez le propositus d’une famille donnée (le premier patient avec maladie avérée), alors un test génétique prédictif peut être proposé aux apparentés asymptomatiques ayant un bilan cardiologique normal, pour déterminer leur statut génétique et orienter ainsi la prise en charge. La démarche concerne surtout les maladies autosomiques dominantes, du fait de l’expression cardiaque volontiers retardée. En l’absence de mutation, la surveillance cardiologique du sujet et de ses descendants devient inutile. Chez l’apparenté porteur de la mutation, la poursuite d’une surveillance cardiologique est impérative, et d’autres mesures peuvent parfois être discutées à ce stade précoce : remise d’une liste de médicaments contre-indiqués (QT long, Brugada), restriction d’alcool dans la CMD, restriction sportive dans la CMH ou la CVDA, plus rarement instauration d’un traitement médicamenteux (bêtabloquant dans le QT long). À l’inverse, l’impact psychologique du test ne doit pas être négligé. L’annonce d’une mutation peut conduire à une angoisse importante, liée à la quasi-certitude de développer la maladie et au risque de la transmettre.   Le diagnostic prénatal De façon à éviter la transmission de la maladie, certains couples souhaitent réaliser un diagnostic prénatal (analyse du statut génétique du fœtus en début de grossesse par amniocentèse ou biopsie de trophoblaste) pour envisager une interruption médicale de grossesse en cas de mutation. La législation précise que la démarche ne peut s’envisager que si l’affection recherchée est « d’une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic », ce qui est rarement le cas pour les maladies cardiovasculaires (il existe souvent une thérapeutique efficace, les maladies ne sont, par ailleurs, pas systématiquement gravissimes et certaines ne débuteront que tardivement au cours de la vie). Le diagnostic prénatal est donc discuté au cas par cas, au sein d’une équipe pluridisciplinaire, et il est rarement retenu en fin de compte. Les alternatives doivent être expliquées (telles que l’adoption, la procréation avec don de gamètes, le diagnostic pré-implantatoire), alors que certains couples prendront finalement le risque d’une grossesse.   En pratique   Le test génétique doit s’intégrer dans une démarche globale qui comporte la transmission d’une information sur les divers aspects génétiques de la pathologie et l’organisation d’un bilan cardiologique familial. Le test génétique constitue un outil complémentaire particulièrement utile. Sa réalisation doit cependant prendre en compte les différentes dimensions médicales, socioprofessionnelles, psychologiques et médico-légales du test génétique. La prise en charge fait appel le plus souvent à une équipe pluridisciplinaire expérimentée, et cela est facilité par la désignation récente de Centres de référence (www.cardiogen. aphp.fr) et de Centres de compétence par le Ministère de la Santé.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème