Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 11 sep 2007Lecture 4 min
Statines, inflammation et fibrillation atriale : de la fumée sans feu ?
P. CHEVALIER, CHU de Lyon
Les publications ayant trait au traitement de la fibrillation atriale (FA) par les statines sont de plus en plus nombreuses. L’hypothèse actuelle expose que l’inflammation responsable de l’arythmie est corrigée par les médications inhibant l’HMG-CoA réductase. Comme à l’accoutumée, seule une métaanalyse complète des travaux publiés permet d’établir ou non la solidité de cette hypothèse. Trois points-clés seront ici abordés :
• l’effet prétendu anti-inflammatoire des statines,
• l’origine supposée inflammatoire de la FA,
• les effets antiarythmiques des statines chez les patients avec FA.
Les statines ont-elles des propriétés anti-inflammatoires ?
À l’évidence, l’effet pléiotrope des statines inclut un effet immunomodulateur avec notamment inhibition de l’attraction des leucocytes, première phase de l’inflammation lors d’agression tissulaire(1). Il a aussi été observé une baisse de la CRP dose-dépendante progressivement sur un an, chez les patients traités par statine. L’effet immunosuppresseur des statines a été mis en évidence dans deux essais cliniques de transplantation d’organe. L’ensemble de ces modifications biologiques bénéfiques est à l’origine d’essais randomisés en cours chez les patients présentant une neuropathie d’origine inflammatoire, mais pas une cardiopathie(2).
L’inflammation peut-elle être à l’origine de la FA ?
Certains arguments expérimentaux et cliniques établissent de façon certaine une participation de l’inflammation aux désordres électriques atriaux(3,4).
• Chez le lapin avec FA déclenchée par pacing atrial rapide, une infiltration leucocytaire est constamment retrouvée dans l’auricule gauche. Plus récemment, il a été démontré, chez l’animal ayant une régurgitation mitrale expérimentale, qu’une inflammation myocardique est associée à la dilatation de l’oreillette gauche et à la présence d’arythmie. Encore à l’échelon expérimental, une myocardite atriale objectivée par analyse structurale après simple péricardectomie a été observée de façon reproductible(5).
• Chez l’homme, des biopsies du septum interatrial ont été réalisées dans une petite série de patients avec FA idiopathique. Un infiltrat de cellules inflammatoires a été mis en évidence dans le tissu cardiaque dans 60 % des cas. D’autres investigateurs au cours d’une chirurgie antiarythmique de type « Maze » ont apporté les preuves d’un stress oxydatif de l’auricule droit chez 7 patients. Des prélèvements myocardiques atriaux gauches ont été aussi réalisés lors de thrombectomie chirurgicale. À nouveau, des cellules inflammatoires ont été objectivées dans le tissu myocardique.
L’étude des marqueurs systémiques de l’inflammation chez les patients avec FA a fait l’objet de 8 publications. Dans tous les cas, la méthodologie est sujette à caution avec soit des études observationnelles, soit des études cas-témoins portant que un nombre limité de patients. Toutes ont mis en évidence des taux élevés de CRP ou de certaines fractions du complément, du fibrinogène ou de l’interleukine 6. Trois études suggèrent un lien entre l’intensité de l’élévation des marqueurs inflammatoires et la récidive de FA. Une métaanalyse est en faveur d’une élévation de la CRP indépendante des autres facteurs de risque pro-inflammatoires (diabète, tabac, hypertension, maladie coronaire).
Hypothèse du rôle de l’inflammation dans la genèse d’une fibrillation atriale et chronologie d’intervention des statines. La réaction de fibrose irréversible à l’origine de la fibrillation atriale est la conséquence d’une cascade d’interventions conditionnées par l’intensité de la réponse inflammatoire, propre à chaque individu. Dans ce schéma physiopathologique, il apparaît important de moduler la réponse à l’agression tissulaire, qu’elle soit d’origine virale, toxique ou ischémique par des agents anti-inflammatoires.
Traitement des patients avec FA par statine
Neuf études ont évalué l’efficacité des statines chez les patients avec FA. Là encore, le nombre de patients est faible. Une seule étude de type cas-témoins est négative, avec absence de différence entre les groupes traité et témoin au bout de six semaines de suivi après cardioversion électrique. Dans les autres études les taux de réduction de récidive des FA imputable aux statines varient entre 25 et 77 %. La seule étude randomisée a inclus 200 patients après chirurgie cardiaque(6). Le médicament évalué était l’atorvastatine à la dose de 40 mg et a permis une diminution significative de l’incidence de FA postopératoire.
En pratique
La participation d’une inflammation à l’éclosion d’une arythmie atriale ne fait aucun doute. Le rôle immunomodulateur des inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase est aussi bien établi. Pourquoi donc ne pas utiliser les statines chez nos patients avec FA ? La figure souligne l’intérêt d’une intervention anti-inflammatoire au moment précis de l’agression tissulaire, que celle-ci soit infectieuse, ischémique ou toxique. Ce traitement précoce pourrait atténuer l’intensité de la réponse inflammatoire. L’exagération de cette dernière semble être à l’origine de fibrose par l’intermédiaire de médiateurs connus pour être inhibés par les statines.
Les statines ont donc leur place dans la prévention de la FA.
L’utilité de cette classe médicamenteuse dans le traitement des arythmies ne pourra être validée que par de grands essais qui, malheureusement, ne sont actuellement pas d’actualité.
L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.
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