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Paramédical

Publié le 30 sep 2013Lecture 7 min

Comment optimiser les doses aux patients et limiter les effets déterministes des actes complexes et itératifs ?

S. CARPENTIERa, F. LEROYb, B. ROYERc, F. MAALOULc a. Cadre de santé, Service de coronarographie, Hôpital privé La Louvière, Générale de santé, Lille b. Cardiologue interventionnel, Cabinet de cardiologie Intercard, Lille c. Physicien médical, Service de p

L’évolution des techniques d’exploration en cardiologie interventionnelle a permis ces dernières années d’élargir considérablement les indications thérapeutiques par voie percutanée. Ce progrès s’est accompagné du développement de procédures complexes et souvent itératives, d’une augmentation du temps d’exposition aux rayonnements ionisants et des doses délivrées aux patients. Les risques associés à ces nouvelles techniques sont devenus difficiles à évaluer pour les professionnels de santé et nécessitent ainsi une gestion a priori et a posteriori.
Notre objectif, par le partage de notre expérience dans le domaine de la radioprotection patient et de la physique médicale pour les procédures CTO (Chronic Total Occlusion), est d’apporter notre contribution en termes de maîtrise des risques dans ce domaine.

Problématique Avec l’accroissement des actes de cardiologie interventionnelle, les risques liés à l’exposition des patients aux rayonnements ionisants augmentent. En outre, on constate une grande variabilité du risque et des niveaux de dose de rayonnements délivrés aux patients en fonction du type d’acte interventionnel, de sa complexité, des antécédents du patient et des éventuels actes itératifs. Matériels et méthodes Pour répondre à cette problématique et dans le but d’une meilleure prise en charge de la radioprotection des patients : • un groupe de travail multidisciplinaire a été constitué. Il est composé de cardiologues interventionnels, de cadres de soins en imagerie médicale/personnes compétentes en radioprotection et de physiciens médicaux ; • une plateforme Web collaborative (extranet) en physique médicale permettant de mutualiser une expertise multidisciplinaire a été mise en place ; • la solution DOSITRACE, une nouvelle technologie développée par la société BIOMEDIQA, a été implémentée. Elle permet le recueil automatisé des données et historiques dosimétriques des patients et d’alerter les professionnels de santé en cas de situation à risque (dépassement de seuil de dose, examens itératifs, prédiction d’apparition d’effets déterministes, etc.). Résultats Identification des interventions à risques Une étude statistique sur les doses délivrées pour l’ensemble de l’activité du service sur les deux années 2010 et 2011, soit une cohorte de 3 167 patients, a été réalisée. La procédure CTO, en raison de sa durée, de sa complexité et de son NRI local (niveau de référence interventionnel) dépassant les 300 Gy.cm2, a été identifiée comme l’intervention la plus irradiante dans notre centre, avec une moyenne de dose relevée de 255 Gy.cm2 (dose moyenne angioplastie coronaire = 100 Gy.cm2). Une étude monocentrique a été réalisée sur la CTO afin d’identifier les facteurs déterminants dans l’apparition d’effets déterministes éventuels comme : la durée d’exposition, l’indice de masse corporelle (IMC), les incidences utilisées, les doses antérieures cumulées, les facteurs de risques patients et le J-CTO score (tableau 1).   Mise en œuvre d’une démarche d’optimisation de la dose patient Une démarche d’optimisation de la dose délivrée au patient par l’application d’un protocole « de bonnes pratiques en radioprotection patient » a préalablement été mise en œuvre. Le résultat de cette démarche a permis : • de réduire la dose de 50 % en passant d’une cadence d’image de 15 à 7,5 images/seconde ; • de réduire la dose de 55 % en éloignant le patient de 20 cm du tube radiogène ; • de réduire la dose de plus de 50 % en évitant les incidences obliques accentuées. Étude monocentrique sur la CTO, technique innovante particulièrement irradiante Cette étude a été réalisée sur une cohorte de 125 patients ayant bénéficié d’une recanalisation d’une occlusion coronaire (CTO) au cours de la période s’étalant de mars 2012 à mars 2013. Cette cohorte comportait 90,5 % d’hommes. L’âge moyen était de 57 ans et l’IMC moyen de 28,2. Dans le but d’établir des corrélations entre la radiosensibilité du patient et ses antécédents médicaux, ces derniers ont été analysés. Les patients étudiés sont dans 45 % des cas fumeurs, 38 % diabétiques, 50 % hypertendus et, enfin, 82 % ont une hypercholestérolémie. Cette étude nous a permis d’identifier des facteurs déterminants dans la prédiction et la maîtrise des risques. La corrélation entre l’IMC et le produit dose-surface (PDS) a été démontrée (figure 1). La corrélation entre le facteur de complexité J-CTO score et le PDS est présentée ci-dessous. Le PDS moyen croît de façon significative avec l’augmentation du J-CTO score (figure 2).    Figure 1. Corrélation entre le PDS moyen et l’IMC. Figure 2. Corrélation entre et le PDS moyen et le J-CTO score. Intégration de techniques innovantes indispensables à la prédiction et à la maîtrise des risques Mise en oeuvre d’un dispositif de dosimétrie in vivo Étant donné que le PDS et l’air kerma (dose estimée à un point de référence), et les indicateurs dosimétriques donnés par l’équipement radiologique, sont insuffisants pour prédire le risque d’apparition d’effets déterministes, une technologie innovante de dosimétrie in vivo par films radiochromiques positionnés dans le dos du patient a été instaurée. Cette technique a été mise en œuvre de façon systématique pour chaque procédure de CTO. Elle permet ainsi d’obtenir une cartographie de la dose réelle à l’entrée du patient et de mesurer ainsi la dose maximale à la peau, seul et réel indicateur de risque d’apparition des effets déterministes pour le patient (figure 3). Figure 3. Dosimétrie in vivo par films radiochromiques. A : exemple de mise en place de la dosimétrie in vivo à la peau du patient ; B : exemple de cartographie 2D/3D de la dose à la peau du patient.. Implémentation d’une méthode de calcul de la dose cumulée pour les examens itératifs Le groupe de travail s’est intéressé à la sommation des doses à la peau délivrées pour des examens itératifs dans le but de pouvoir prédire l’apparition d’effets déterministes. Pour ce faire, une méthode de calcul de la dose équivalente radiobiologique, basée sur le modèle linéaire quadratique utilisé en radiothérapie et publiée par l’équipe de Balter et al. en 2010, a été adaptée à la cardiologie interventionnelle. Ce modèle de calcul a été implémenté dans DOSITRACE, une solution logicielle permettant le recueil automatisé des données et historiques dosimétriques des patients, pour tenir compte des effets radiobiologiques liés aux doses cumulées sur plusieurs examens étalés dans le temps. Intégration d’une démarche de gestion des risques a posteriori (retour d’expérience) en cas de dépassement de seuils d’alerte de dose En fonction des doses cumulées et des effets déterministes qui peuvent en résulter, des seuils d’alerte ont été définis dans le système DOSITRACE afin de déclencher une démarche spécifique de suivi postinterventionnel des patients. Ces seuils ont été établis pour chaque type d’intervention en concertation avec les radiophysiciens. Cette démarche place le patient au centre de son processus de prise en charge et nous permet de capitaliser ce retour d’expérience dans l’objectif de maîtriser le risque a posteriori. Une étude bibliographique internationale a été réalisée afin d’établir la relation entre la dose et les effets déterministes attendus ainsi que leur délai d’apparition. Ces relations dose-effet ont été intégrées dans le système DOSITRACE pour prédire les effets radiobiologiques induits par les doses délivrées au patient ainsi que leur délai d’apparition afin d’assurer le suivi médical postinterventionnel adéquat des patients. En pratique, le patient est préalablement prévenu des risques liés aux rayonnements ionisants par le biais du consentement éclairé. Après l’intervention, un document lui est remis afin de lui expliquer la démarche d’une autoévaluation cutanée pendant la période préconisée par DOSITRACE, les coordonnées téléphoniques du service lui étant communiquées.  Conclusion L’objectif de ce projet était de mettre en place une gestion globale des risques liés aux rayonnements ionisants en cardiologie interventionnelle. Cette étude nous a permis d’identifier les procédures les plus irradiantes et d’implémenter de façon automatisée et sécurisée, grâce au système DOSITRACE, des méthodes permettant d’évaluer et de maîtriser le risque d’apparition d’effets déterministes, à la fois a posteriori et a priori, en fonction de la dose maximale délivrée à l’entrée du patient, de l’IMC et du J-CTO score. Cette démarche intègre aussi l’évaluation du risque pour les examens itératifs en tenant compte des effets radiobiologiques (déterministes) à court et moyen terme. Étant donné le développement des techniques en cardiologie interventionnelle, la radioprotection du patient est actuellement un réel défi pour les professionnels de santé, les cardiologues interventionnels et paramédicaux (manipulateurs, infirmiers). La mise en place de démarches globales de gestion des risques est exigée par les institutions (Autorité de sûreté nucléaire et Haute Autorité de Santé). 

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