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Cardiologie interventionnelle

Publié le 25 oct 2024Lecture 22 min

ESC 2024 : retour sur 6 études de cardiologie interventionnelle structurelle

Chekrallah CHAMANDI, Tanios AKIKI, Hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris

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L’essai TRI.fr   Pourquoi cette étude ? La régurgitation tricuspide sévère symptomatique secondaire (TR) représente un défi considérable pour le traitement des patients à haut risque. Bien que la réparation transcathéter edge-to-edge (TEER) ait montré un potentiel pour réduire la sévérité de la TR et améliorer la qualité de vie, son impact sur des résultats cliniques durs comme la mortalité et les hospitalisations reste encore peu exploré. L’étude TRI.Fr avait pour objectif d’évaluer si l’ajout de TEER à une thérapie médicale optimale (GDMT) pourrait améliorer les résultats cliniques de manière plus efficace que la GDMT seule dans cette population complexe.   Messages clés Efficacité de la TEER L’essai TRI.Fr démontre que la réparation transcathéter edge-to-edge (TEER) associée à une thérapie médicale optimale (GDMT) améliore significativement les résultats cliniques par rapport à la GDMT seule chez les patients avec une régurgitation tricuspide sévère symptomatique secondaire (TR).   Réduction de la sévérité de la TR Au total, 93,2 % des patients traités par TEER ont montré une réduction de la sévérité de la TR à moins de 4+, contre seulement 46,5 % dans le groupe GDMT. Amélioration de la qualité de vie Les patients traités par TEER ont connu une augmentation moyenne de 14,5 points du score KCCQ, démontrant une amélioration significative de la qualité de vie. Sécurité et succès procédural La TEER a montré un taux de succès technique élevé (97,3 %) avec peu de complications majeures, soulignant sa sécurité et son efficacité dans cette population à haut risque.   Méthodologie L’essai TRI.Fr est un essai contrôlé randomisé multicentrique, conçu pour comparer l’efficacité et la sécurité de la TEER combinée à la GDMT contre la GDMT seule chez des patients présentant une TR sévère symptomatique secondaire. Réalisé dans 24 centres en France et en Belgique, il a inclus 300 patients jugés à haut risque pour des interventions chirurgicales traditionnelles en raison de leur âge, de comorbidités importantes ou de fragilité.   Conception de l’étude et procédures Les patients ont été randomisés en deux groupes : l’un recevant TEER plus GDMT et l’autre GDMT seule. Les procédures TEER ont été effectuées avec des dispositifs commerciaux, et les patients ont été suivis pendant 12 mois pour évaluer les résultats principaux et secondaires. Critères de jugement • Critère principal : amélioration du score composite clinique à 12 mois, incluant la classe fonctionnelle NYHA, l’évaluation globale de la santé par le patient (PGA), et l’incidence d’événements cardiovasculaires majeurs (MACE). • Critères secondaires : réduction de la sévérité de la TR, amélioration des scores KCCQ, amélioration de la classe fonctionnelle NYHA, hospitalisations pour insuffisance cardiaque, et mortalité toutes causes confondues.   Résultats principaux Critère principal Au total, 74,1 % des patients dans le groupe TEER ont présenté une amélioration du score composite clinique, contre 40,6 % dans le groupe GDMT, avec une estimation de l’effet de 0,67 (IC95% : 0,61-0,72 ; p < 0,0001) (figure 1). Figure 1. Critère de jugement principal.   Critères secondaires • Réduction de la sévérité de la TR : 93,2 % des patients dans le groupe TEER ont atteint une réduction de la TR à moins de 4+, contre 46,5 % dans le groupe GDMT (estimation de l’effet : 0,73 ; IC95% : 0,68-0,78 ; p < 0,0001). • Score KCCQ : augmentation significative dans le groupe TEER (69,9 ± 25,5) par rapport au groupe GDMT (55,4 ± 28,8), avec une différence absolue de 14,5 points (p < 0,001). • Évaluation globale par le patient : amélioration observée chez 74,6 % des patients dans le groupe TEER contre 39,5 % dans le groupe GDMT (estimation de l’effet : 0,68 ; IC95% : 0,63-0,74 ; p < 0,0001). Performance du dispositif Succès technique de 97,3 %. La majorité des patients (68,2 %) ont reçu 2 dispositifs, avec une préférence pour les dispositifs XT ou XTW. Lecture critique et pertinence pour la pratique clinique L’essai TRI.Fr représente une avancée majeure dans les interventions transcathéter pour la TR, surtout pour les patients à haut risque chirurgical. Les résultats montrent non seulement un succès élevé de la TEER mais aussi des améliorations substantielles en termes de résultats cliniques à long terme et de qualité de vie. Ces résultats suggèrent que la TEER devrait être considérée comme une option thérapeutique de plus en plus intégrée dans la pratique clinique, notamment pour les patients inopérables.   Analyse comparative avec TRILUMINATE Les essais TRI.Fr et TRILUMINATE présentent des différences notables dans les critères d’inclusion et d’exclusion, reflétant des approches distinctes dans le traitement de la TR. TRI.Fr se concentre sur les patients avec une TR sévère symptomatique secondaire et exclut les cas avec des feuillets tricuspides sévèrement calcifiés. TRILUMINATE, quant à lui, inclut une gamme plus large de sévérité de la TR, y compris les cas massifs et torrentiels. Efficacité de la réduction de la sévérité de la TR Les deux essais montrent une réduction significative de la TR avec la TEER, bien que les résultats varient légèrement en fonction des populations étudiées. Améliorations de la qualité de vie Les augmentations du score KCCQ sont significatives dans les deux études, soulignant le bénéfice symptomatique de la TEER. Sécurité et succès procédural Les deux études rapportent des taux élevés de succès procédural et des profils de sécurité favorables.   Implications pour la pratique clinique Les résultats des essais TRI.Fr et TRILUMINATE soutiennent l’utilisation croissante de la TEER comme traitement clé pour la TR sévère, surtout chez les patients inopérables. L’adoption de la TEER devrait s’accélérer avec les progrès dans le dépistage des patients et les technologies procédurales. À l’avenir, la TEER pourrait devenir un traitement de première ligne pour la TR sévère, avec des approches personnalisées basées sur les caractéristiques individuelles des patients. L’accumulation de données à long terme renforcera probablement l’acceptation mondiale de la TEER, transformant potentiellement les lignes directrices et établissant cette procédure comme une norme pour la gestion de la TR sévère.   L’étude RESHAPE-HF2   • Chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque (IC) et de régurgitation mitrale fonctionnelle (RMF) modérée à sévère, la réparation percutanée avec MitraClipTM, en complément d’un traitement médical optimal, réduit significativement le taux d’hospitalisation pour IC et la mortalité cardiovasculaire. • Le traitement percutané améliore notablement la qualité de vie, avec une augmentation significative du score KCCQ (Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire). • La réparation percutanée de la valve mitrale présente un profil de sécurité favorable, avec un faible taux de complications liées au dispositif. • Comparée au traitement médical seul, cette approche démontre un bénéfice clinique important chez des patients inéligibles à la chirurgie conventionnelle.   Introduction L’insuffisance mitrale (IM) fonctionnelle est un facteur de mauvais pronostic dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, avec une morbi-mortalité proportionnelle à la sévérité de l’IM. L’efficacité de la réparation percutanée de la valve mitrale chez les patients présentant une insuffisance cardiaque (IC) avec régurgitation mitrale fonctionnelle (RMF) modérée à sévère reste débattue. Bien que des essais antérieurs, tels que COAPT et MITRA-FR, aient produit des résultats contrastés, l’étude RESHAPE- HF2 vise à clarifier l’impact de cette approche (figure 2). Figure 2. Différences de caractéristiques des populations entre RESHAPE-HF2, COAPT et MITRA-FR. Les patients de RESHAPE-HF2 forment une troisième population distincte testée avec MitraClipTM comprenant principalement les personnes atteintes d’insuffisance mitrale fonctionnelle modérée à sévère, contrairement aux essais COAPT et MITRA-FR, qui ont recruté des patients atteints d’insuffisance mitrale sévère.   RESHAPE-HF2, une étude randomisée, contrôlée et multicentrique, a évalué l’efficacité et la sécurité de la réparation percutanée de la valve mitrale associée à un traitement médical optimal comparée à un traitement médical seul, chez des patients souffrant d’insuffisance cardiaque systolique avec IM secondaire modérée à sévère.   Méthodologie L’essai a inclus 505 patients, dans 30 centres européens, symptomatiques souffrant d’IC avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) comprise entre 20 et 50 % et une régurgitation mitrale (IM) modérée à sévère (grade ≥ III selon la classification de la Société européenne d’échocardiographie). Ces patients étaient randomisés en 1:1 de manière aléatoire entre le groupe « dispositif » (réparation percutanée avec MitraClipTM + traitement médical) et le groupe « contrôle » (traitement médical seul). Les patients devaient être ambulatoires, éligibles à la réparation percutanée, et aptes à réaliser un test de marche de 6 minutes. Les patients devaient également avoir été hospitalisés pour IC dans l’année précédant l’étude ou présenter une élévation des peptides natriurétiques (BNP ≥ 300 pg/mL ou NT-proBNP ≥ 1 000 pg/mL) dans les 3 mois précédents. Les critères primaires de jugement étaient : – le taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou décès cardiovasculaire à 24 mois ; – le taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque seul ; – l’évolution du score de la KCCQ-OS à 12 mois. Les critères secondaires comprenaient les performances au test de marche de 6 minutes, la dyspnée, la quantification de l’IM, et la mortalité toutes causes confondues.   Résultats Les 2 groupes étaient comparables sur le plan clinique avec une FEVG moyenne de 32 % et un volume télédiastolique ventriculaire gauche (VTDVG) de 200 mL et une surface d’orifice régurgitant (SOR) médiane de 0,23 cm2. À 24 mois, le groupe « dispositif » a présenté des résultats supérieurs au groupe « contrôle ». Le taux d’hospitalisation pour IC ou décès cardiovasculaire était de 37 événements pour 100 patients- années dans le groupe « dispositif », contre 58,9 événements dans le groupe « contrôle » (RR 0,64 ; IC95% : 0,48-0,85 ; p = 0,002). De même, le taux d’hospitalisation pour IC seule était de 26,9 événements pour 100 patients-années dans le groupe « dispositif », contre 46,6 dans le groupe « contrôle » (RR 0,59 ; IC95% : 0,42-0,82 ; p = 0,002) (figure 3). Figure 3. Nombre d’événements du critère d’évaluation principal et variation du score KCCQ-OS. A. Nombre total d’événements dans le composite comprenant la première hospitalisation ou les hospitalisations récurrentes pour insuffisance cardiaque, ou le décès dû à des causes cardiovasculaires, sur une période de 24 mois. B. Nombre total de premières hospitalisations ou d’hospitalisations récurrentes pour insuffisance cardiaque sur une période de 24 mois. C. Variation moyenne par rapport à la valeur initiale, sur une période de 12 mois, du score au KCCQ-OS pour la qualité de vie (les scores vont de 0 à 100, des scores plus élevés indiquant un meilleur état de santé). Les barres représentent les intervalles de confiance à 95 %.   L’amélioration de la qualité de vie a également été significative, avec une augmentation moyenne de 21,6 points du score KCCQ-OS dans le groupe « dispositif », comparé à 8 points dans le groupe « contrôle », soit une différence moyenne de 10,9 points (p < 0,001). L’analyse en intention de traiter a montré une proportion plus élevée de cross-over (n = 38) et de perdus de vue (n = 41) dans le groupe « contrôle ». Il n’a pas été observé d’interactions significatives en fonction des sous-groupes, incluant la sévérité de l’IM, le VTD VG et la SOR. De plus, l’analyse des critères secondaires a révélé une amélioration fonctionnelle et une réduction notable de la sévérité de l’IM dans le groupe « dispositif », sans différence significative en termes de mortalité toutes causes après un suivi médian de 2,5 ans. Les événements indésirables liés au dispositif ont été rares, avec seulement 4 patients (1,6 %) présentant des complications spécifiques au MitraClipTM (tableau 1).   Conclusion Chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque avec RMF modérée à sévère, la réparation percutanée de la valve mitrale avec MitraClipTM, en complément du traitement médical standard, a réduit significativement les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, amélioré la qualité de vie et s’est révélée sûre. En comparaison avec le traitement médical seul, cette approche montre un net bénéfice en termes de morbidité cardiovasculaire et de bien-être des patients, avec un profil de sécurité acceptable. Ces résultats renforcent la place de la réparation percutanée de la valve mitrale dans la prise en charge des patients inéligibles à une chirurgie classique.   L’essai NOTION-3   Contexte et objectif de l’étude L’impact de la revascularisation coronaire (intervention coronarienne percutanée - ICP) chez les patients atteints de maladie coronarienne stable et de sténose aortique sévère, candidats à l’implantation de valve aortique par cathéter (TAVI), reste incertain. Environ la moitié des patients subissant un TAVI présente également une maladie coronarienne (CAD), dont 20 % seulement seront revascularisés. Toutefois, dans certains cas, la découverte fortuite de CAD durant l’évaluation pré-TAVI pourrait être cliniquement insignifiante, rendant les bénéfices de l’ICP potentiellement limités. Cette étude vise à explorer l’intérêt d’une revascularisation systématique des sténoses coronariennes (définies par une FFR ≤ 0,80 ou une sténose ≥ 90 %) par rapport à un traitement conservateur chez les patients atteints de CAD stable et de sténose aortique sévère, avec la réalisation du TAVI.   Méthodes L’essai international NOTION-3 a inclus 455 patients présentant une sténose aortique sévère symptomatique et au moins 455 une sténose coronaire significative (FFR ≤ 0,80 ou sténose ≥ 90 %). Ces patients ont été randomisés selon un ratio 1:1 pour subir soit une ICP, soit un traitement conservateur avant la réalisation du TAVI. Les patients du groupe ICP devaient recevoir une revascularisation complète avant le TAVI, bien que l’ICP simultanée ou réalisée dans les 48 heures après le TAVI ait également été permise (figure 4). Figure 4. Résumé de l’étude NOTION-3. Revascularisation coronaire chez les patients subissant un TAVI. Chez les patients présentant une sténose sévère de la valve aortique et une coronaropathie stable, la combinaison de PCI et de TAVI a réduit les taux de mortalité, d’insuffisance myocardique, infarctus et revascularisation urgente par rapport au TAVI seul ; Cependant, elle était associée à un risque accru de saignement.   Le critère d’évaluation principal était un événement cardiaque indésirable majeur (MACE), défini comme un composite de décès toutes causes confondues, d’infarctus du myocarde ou de revascularisation urgente. La sécurité des procédures, notamment les complications hémorragiques et procédurales, était également analysée. Les critères d’exclusion comprenaient une espérance de vie inférieure à un an, une insuffisance rénale sévère (DFG < 20 mL/min), un syndrome coronarien aigu récent et une sténose du tronc commun gauche.   Résultats Parmi les 455 patients randomisés, 227 ont été assignés au groupe ICP et 228 au groupe traitement conservateur. L’âge médian des patients était de 82 ans, avec un score STS-PROM médian de 3 %, indiquant un risque modéré de mortalité procédurale à 30 jours. Le suivi médian était de 2 ans. Dans le groupe ICP, une revascularisation complète a été réalisée chez 89 % des patients. L’ICP a été réalisée avant le TAVI dans 74 % des cas, tandis que 26 % ont subi l’ICP simultanément ou après le TAVI. À la fin du suivi, un événement cardiaque indésirable majeur était survenu chez 60 patients (26 %) du groupe ICP, contre 81 patients (36 %) du groupe traitement conservateur (HR 0,71 ; IC95% 0,51 à 0,99 ; p = 0,04). La différence était principalement due à une réduction des infarctus du myocarde et des revascularisations urgentes dans le groupe ICP. Cependant, le groupe ICP a montré un taux plus élevé d’événements hémorragiques (64 patients, soit 28 %), comparé au groupe traitement conservateur (45 patients, soit 20 %) (HR 1,51 ; IC95% 1,03 à 2,22). En outre, 3 % des patients du groupe ICP ont présenté des complications liées à la procédure.   Analyse critique et implications cliniques L’essai NOTION-3 démontre que chez les patients atteints de CAD stable et de sténose aortique sévère, l’ICP associée au TAVI est liée à une réduction du risque d’événements cardiaques indésirables majeurs (MACE), par rapport au traitement conservateur. En particulier, la réduction des infarctus du myocarde et des revascularisations urgentes était marquée. Toutefois, ce bénéfice s’accompagne d’un risque accru de saignements. Il est donc important de prendre en compte les caractéristiques individuelles des patients, telles que leur âge, état de santé général, comorbidités et risque hémorragique, avant de décider de réaliser une ICP avant ou pendant un TAVI. Ces résultats suggèrent que, chez certains patients, l’ICP pourrait améliorer les résultats cliniques lorsqu’elle est réalisée en association avec le TAVI, mais la décision de revasculariser les lésions coronariennes doit être individualisée en fonction du profil de risque du patient et du type de lésion.   L’étude MATTERHORN   Pourquoi cet essai ? Les recommandations actuelles, tant européennes qu’américaines, proposent la réparation percutanée bord à bord (TEER) ou la chirurgie valvulaire mitrale pour les patients présentant une insuffisance cardiaque associée à une insuffisance mitrale secondaire. Toutefois, aucune comparaison directe entre ces deux stratégies thérapeutiques n’avait été réalisée dans cette population. L’essai MATTERHORN avait pour objectif de comparer l’efficacité et la sécurité du TEER et de la chirurgie chez des patients atteints de RM secondaire.   Messages clés L’étude MATTERHORN est la première à comparer directement la réparation percutanée par TEER (MitraClip) à la chirurgie chez des patients atteints d’insuffisance mitrale secondaire modérée à sévère et d’insuffisance cardiaque. Les résultats montrent que le TEER est non inférieur à la chirurgie en termes de mortalité, hospitalisations pour insuffisance cardiaque et réinterventions à un an, avec un profil de sécurité supérieur à court terme. Toutefois, un suivi plus long est nécessaire pour confirmer la durabilité des résultats, en particulier en raison d’un taux plus élevé de récidive d’insuffisance mitrale dans le groupe TEER.   Introduction L’insuffisance mitrale (IM) secondaire est un facteur de morbi-mortalité élevé chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque. La réparation percutanée bord à bord avec le système MitraClipTM (TEER - Transcatheter edge-to-edge repair) représente une option thérapeutique prometteuse pour ces patients, en particulier ceux présentant une IM symptomatique malgré un traitement médical optimisé. Les recommandations européennes actuelles (classe IIa, niveau de preuve B) suggèrent le recours au TEER chez les patients inéligibles à la chirurgie, tandis que les recommandations américaines privilégient la chirurgie lorsque la réparation percutanée n’est pas faisable. L’étude MATTERHORN est la première étude randomisée à comparer directement l’efficacité et la sécurité du TEER avec la chirurgie chez des patients présentant une IM secondaire modérée à sévère, symptomatique malgré une prise en charge médicale optimale.   Méthodologie Cette étude multicentrique, prospective, randomisée et de non-infériorité a été réalisée dans 16 centres en Allemagne. Elle a inclus 210 patients présentant une IM secondaire cliniquement significative, définie par au moins 2 des critères suivants : – une surface de l’orifice régurgitant ≥ 20 mm2 ; – une vena contracta en biplan > 8 mm ; – un volume régurgitant ≥ 30 mL ; – une fraction de régurgitation ≥ 50 % ; – 2 hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans l’année. Les participants devaient également être éligibles à une intervention chirurgicale ou percutanée, avec une évaluation du risque opératoire effectuée par une équipe multidisciplinaire. Les patients ont été randomisés en deux groupes : l’un traité par TEER avec MitraClipTM et l’autre par chirurgie (réparation ou remplacement de la valve mitrale, selon l’évaluation de l’équipe locale). Les critères d’inclusion comprenaient également une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FeVG) > 20 %, classe fonctionnelle NYHA ≥ II malgré un traitement médical optimal et un risque chirurgical élevé.   Critères d’évaluation Le critère principal d’efficacité combinait le décès toutes causes, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les réinterventions sur la valve mitrale, l’implantation d’une assistance ventriculaire gauche ou les accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans l’année suivant la procédure. Les critères secondaires incluaient la récidive d’une IM sévère, l’amélioration de la capacité fonctionnelle (test de marche de 6 minutes), de la classe NYHA et de la qualité de vie (questionnaire Minnesota Living with Heart Failure). Le critère de sécurité évalué à 30 jours regroupait les événements indésirables majeurs, dont la mortalité, les infarctus du myocarde, les hémorragies graves et les complications post-opératoires.   Résultats Sur les 208 patients randomisés, l’âge moyen était de 70,5 ans, et 85,7 % d’entre eux étaient en classe NYHA III ou IV. La FeVG moyenne des participants était de 43 %, et 96 % des patients présentaient une IM de grade ≥ 3. Le taux de réussite technique était de 96,1 % pour le TEER et de 98,6 % pour la chirurgie. À un an, 16,7 % des patients du groupe TEER et 22,5 % de ceux du groupe chirurgie ont atteint le critère principal composite, sans différence statistiquement significative entre les deux groupes (p = 0,32), confirmant la non-infériorité du TEER par rapport à la chirurgie, bien que la marge de non-infériorité soit large (17,5 %) (figure 5). Figure 5. Étude MATTERHORN. Critère de jugement principal.   En ce qui concerne les critères secondaires, la seule différence notable était une récurrence plus fréquente d’une IM de grade ≥ 3 dans le groupe TEER (8,9 % contre 1,5 % dans le groupe chirurgie, p = 0,091) (figure 6). Figure 6. Degré de gravité de la régurgitation mitrale et classes NYHA. A. Gravité de la régurgitation mitrale. B. Classe NYHA.   Sur le plan de la sécurité, les événements indésirables à 30 jours étaient significativement moins fréquents dans le groupe TEER (14,9 %) par rapport au groupe chirurgie (54,8 %), les complications étant principalement liées à des hémorragies et à la survenue de fibrillation atriale postopératoire.   Limitations   Toutefois, ces résultats doivent être nuancés compte tenu de certaines limitations : • Taille d’échantillon réduite, avec une durée d’inclusion longue (2015-2022), et un nombre d’événements inférieur aux attentes (16,7 % dans le groupe TEER, 22,5 % dans le groupe chirurgie, alors que l’incidence attendue était de 35 % dans les deux bras). • Une marge de non-infériorité relativement large de 17,5 %. • Des interventions concomitantes ont été réalisées dans le groupe chirurgical (18,5 % ablation de FA par MAZE, 10 % annuloplastie tricuspide), susceptibles d’influencer les résultats. • Un suivi limité à un an, insuffisant pour évaluer pleinement les effets à long terme de la chirurgie. • Variabilité dans les traitements des deux groupes : toutes les générations de MitraClipTM (G1 à G4) ont été utilisées, principalement G2 et G3 ; 28 % des patients du groupe chirurgie ont subi un remplacement valvulaire, et 8 % une réintervention au cours de l’hospitalisation initiale.   Conclusion et perspectives L’étude MATTERHORN est la première à démontrer que la réparation percutanée (TEER) est non inférieure à la chirurgie chez les patients présentant une IM secondaire modérée à sévère. Le TEER s’est montré aussi efficace que la chirurgie en termes de mortalité, d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de réinterventions après un an, tout en offrant un profil de sécurité plus favorable à court terme. Cependant, en raison de certaines limites, notamment la marge de non- infériorité large et le taux plus élevé de récidive d’IM dans le groupe TEER, un suivi plus prolongé est nécessaire pour évaluer la durabilité des résultats à long terme. Des études complémentaires avec un suivi prolongé permettront de mieux définir la place du TEER par rapport à la chirurgie chez cette population à haut risque.   POPular PAUSE TAVI : interrompre ou poursuivre les anticoagulants pendant un TAVI ?   Messages clés • La gestion péri-interventionnelle des anticoagulants oraux (AO) lors d’une procédure de TAVI reste controversée. • L’étude POPular PAUSE TAVI est un essai randomisé contrôlé, ouvert et de non-infériorité, incluant des patients sous anticoagulants devant bénéficier d’un TAVI, répartis aléatoirement entre deux groupes : interruption ou poursuite des AO avant la procédure. • Les résultats n’ont pas démontré la non-infériorité de la poursuite des AO par rapport à leur interruption sur le critère composite principal (décès cardiovasculaire, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde, complications vasculaires majeures et hémorragies majeures à 30 jours post-TAVI). De plus, le taux de saignements était significativement plus élevé dans le groupe ayant poursuivi les anticoagulants. • Ces résultats ne soutiennent donc pas la poursuite systématique des AO lors d’un TAVI.   Introduction Environ 35 % des patients candidats au TAVI sont sous anticoagulants oraux, principalement en raison d’une fibrillation atriale (FA). Cette population, caractérisée par une comorbidité importante et un risque élevé d’événements ischémiques, thrombo-emboliques et hémorragiques, présente des défis thérapeutiques complexes. Les recommandations actuelles suggèrent l’interruption des AO avant le TAVI avec cependant un bénéfice qui reste incertain. Certaines études observationnelles suggèrent que la poursuite des AO pourrait réduire le risque d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) sans majorer significativement le risque hémorragique. L’objectif de cette étude était d’évaluer la sécurité et l’efficacité de la poursuite des AO chez les patients bénéficiant d’un TAVI.   Méthodologie et résultats Il s’agit d’un essai contrôlé, randomisé, multicentrique et ouvert, conçu pour tester la non-infériorité d’une stratégie de poursuite des AO par rapport à leur interruption avant TAVI. Les patients sous AO étaient randomisés en 1:1 dans un groupe poursuivant les AO (groupe expérimental) ou les interrompant (groupe témoin), avec stratification selon le type d’anticoagulant (antagonistes de la vitamine K [AVK] ou anticoagulants oraux directs [AOD]). L’interruption des AO suivait un protocole prédéfini, avec un arrêt 2 à 5 jours avant la procédure, selon l’agent utilisé et la fonction rénale, sans relais. La reprise des anticoagulants était programmée dès le lendemain du TAVI. Les patients présentant un risque cardio-embolique élevé (prothèse valvulaire mécanique, thrombus intracardiaque, thrombose veineuse récente, AVC ou AIT récents avec FA) étaient exclus. Le critère de jugement primaire était un composite associant décès cardiovasculaires, AVC, infarctus du myocarde, complications vasculaires majeures et hémorragies majeures dans les 30 jours suivant le TAVI. Les critères secondaires incluaient chacun de ces événements pris individuellement. Au total, 869 patients ont été inclus dans 22 centres européens (âge moyen 81 ans, 65 % d’hommes, score CHA2DS2-VASc moyen de 4,5). Parmi eux, 431 ont poursuivi les AO et 427 les ont interrompus. Les principaux antécédents des patients incluaient la FA (présente chez plus de 95 % des participants), les AVC ischémiques (10 %) et l’insuffisance rénale chronique (50 %). La majorité (82 %) étaient sous AOD, tandis que 18 % prenaient des AVK, et 12 % des patients recevaient également un traitement anti-plaquettaire. Presque toutes les procédures (99 %) ont été réalisées par voie fémorale, avec une anticoagulation per-procédurale par bolus d’héparine non fractionnée (HNF) et réversion par protamine si nécessaire. L’analyse du critère primaire n’a pas démontré la non-infériorité de la poursuite des AO par rapport à leur interruption, avec un taux d’événements de 16,5 % dans le groupe de poursuite contre 14,8 % dans le groupe d’interruption (différence de risque : 1,7 %, IC95% -3,1 à 6,6, p = 0,18 pour la non-infériorité) (figure 7). Figure 7. POPular PAUSE TAVI. Critère de jugement principal.   Concernant les critères secondaires, il n’y avait pas de différence significative dans les événements cardio-emboliques (environ 8 % dans chaque groupe), mais le groupe de poursuite des AO présentait un taux plus élevé d’événements hémorragiques (31,1 % contre 21,3 %, différence de risque : 9,8 %, IC95% : 3,9 à 15,6), principalement en raison d’une augmentation des saignements mineurs (VARC type 1). Les saignements majeurs (VARC 2-4) montraient une tendance non significative. 91 % des saignements étaient liés à la procédure elle-même (tableau 2).   L’analyse en sous-groupes ne retrouve pas de différence selon le type d’AO mais une tendance en faveur du groupe témoin si score CHADS-VASC ≥ 5 et score de fragilité d’Edmonton > 5.   Conclusion L’étude POPular PAUSE TAVI a montré que chez les patients sous AO subissant un TAVI, la poursuite des anticoagulants n’était pas non inférieure à leur interruption en termes d’événements cardiovasculaires majeurs et hémorragiques. De plus, la poursuite des AO a été associée à un taux accru d’événements hémorragiques, sans réduction significative des événements thrombo-emboliques.   Essai RHEIA : supériorité du TAVI face au remplacement aortique chirurgical chez les femmes   Messages clés L’étude RHEIA est le premier essai contrôlé randomisé comparant le TAVI et la chirurgie dans une population exclusivement féminine quel que soit leur risque chirurgical et avec une valve tricuspide Dans cette étude, le TAVI, réalisé avec une valve expandable par ballonnet, était supérieur au remplacement valvulaire aortique chirurgical sur le critère composite regroupant décès, AVC et réhospitalisations à 1 an. La supériorité de la procédure TAVI tient en grand partie à la diminution des réhospitalisations.   Introduction Le remplacement valvulaire aortique percutané (TAVI) représente une alternative sure et efficace au remplacement valvulaire aortique chirurgical pour la prise en charge du rétrécissement aortique sévère, quel que soit le risque chirurgical(1). Un effet retrouvé également dans l’analyse de sous-groupe de femmes à bas risque chirurgical tel que dans l’essai PARTNER-3 (30 % de femmes)(2). L’objectif de l’étude RHEIA était de comparer le TAVI avec une valve expandable par ballonnet à la chirurgie dans une population exclusivement féminine quel que soit le risque chirurgical (en excluant les patientes à très haut risque).   Méthodes Il s’agit d’un essai contrôlé randomisé ayant inclus des femmes avec rétrécissement aortique sévère, dans le groupe TAVI avec une valve Sapien 3 ou Sapien 3 Ultra (voie transfémorale) ou dans le groupe chirurgie (Edwards Magna Ease, Intuityn Livanova Perceval). Les patientes avec une valve bicuspide ou une maladie coronaire complexe étaient exclues. Le critère de jugement principal était le composite à 1 an de la mortalité toute cause, des AVC et des réhospitalisations pour une cause en rapport avec la valve ou la procédure ou pour aggravation de l’insuffisance cardiaque (figure 8). Figure 8. RHEIA. Critère de jugement principal.   Résultats Au total, 443 patientes atteintes d’une sténose valvulaire aortique sévère (à gradient élevé ou faible) ont été randomisées (1:1) dans 48 centres répartis dans 12 pays européens. L’âge moyen des patients était de 73 ans et le score de risque STS moyen était de 2,1 % et 19 % des patients avaient une maladie coronarienne concomitante. La majorité des patientes du groupe TAVI (63 % du total) ont été traitées avec la valve de 26 mm, tandis que la majorité des valves chirurgicales étaient de 21 mm (34%) et 23 mm (43 %). À 1 an, l’incidence du critère de jugement principal a été significativement plus faible dans le groupe TAVI (8,9 %) que dans le groupe chirurgie (15,6 %) (hazard ratio (HR) 0,55, intervalle de confiance à 95% [0,34- 0,88], p=0,03). La différence de risque absolu entre les deux groupes de -6,8% et la borne supérieure de l’intervalle de confiance permettent de confirmer la non-infériorité mais aussi la supériorité du TAVI par rapport à la chirurgie dans cette analyse (figure 8). L’analyse individuelle des composantes du critère principal ne retrouve pas de différence entre les deux groupes sur la mortalité et les AVC. En revanche, le taux de réhospitalisations à 1 an était significativement ainsi que l’incidence de fibrillation atriale étaient plus faible dans le groupe TAVI que dans le groupe chirurgie (4,8 % vs 11,4 %, p = 0,02 et 3,3 % vs 28,8%, respectivement ; p < 0,001) (tableau 3).   Cependant, le taux d’implantation de pacemaker (8,8 % vs 2,9 %, respectivement ; p = 0,01) et de fuite paravalvulaire modérée à un an (15,5% vs 2,4%, respectivement ; p < 0,001) étaient plus élevées dans le groupe TAVI. De point de vue hémodynamique, les valves TAVI présentaient des gradients moyens plus élevés et des surfaces d’orifice effectives plus faibles à 1 mois et 1 an par rapport aux valves chirurgicales (gradients moyens : 13,6 mmHg contre 10,9 mmHg à 1 mois, p < 0,001 et 14,3 contre 11,7 mmHg à 1 an, p < 0,001).Le taux de mismatch prothèse/patient à 30 jours ne différait pas entre les groupes.   Conclusion Dans l’étude RHEIA, le TAVI avec valve expandable par ballonnet a été supérieur au remplacement valvulaire aortique chirurgical sur le critère composite des décès, AVC et réhospitalisations chez des femmes avec rétrécissement aortique sévère et valve tricuspide. TRI.Fr • Donal et al. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2022 ; 23(12) : 1617-27. MATTERHORN • Baldus S et al. for the MATTERHORN Investigators. RHEIA 1. Popma JJ et al. Transcatheter aortic- valve replacement with a self-expanding valve in low-risk patients. N Engl J Med 2019 ; 380 : 1706-15. 2. Siontis GC et al. Transcatheter aortic valve implantation vs surgical aortic valve replacement for treatment of severe aortic stenosis: a meta-analysis of randomized trails. Eur Heart J 2016 ; 37(47) : 3503-12.

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