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Publié le 15 déc 2018Lecture 6 min

Prise en charge de l’insuffisance mitrale par MitraClip® : une actualité riche !

Guillaume LEURENT, Erwan DONAL, service de cardiologie et maladies vasculaires, CHU de Rennes

Le MitraClip® est actuellement remboursé dans l’indication des fuites mitrales primitives (dégénératives) sévères symptomatiques contre-indiquées à la chirurgie. Concernant les fuites mitrales secondaires, son apport, en plus d’un traitement médical optimal, a récemment été évalué dans deux essais randomisés multicentriques dont les conclusions peuvent sembler contradictoires.

On estime qu’environ 30 % des patients en insuffisance cardiaque présentent une insuffisance mitrale secondaire (IMS), dont la prise en charge reste problématique, notamment lorsqu’elle reste significative malgré un traitement médical optimisé (TMO). La chirurgie est parfois proposée, notamment pour les IMS ischémiques, mais avec des résultats médiocres à long terme. C’est dans ce cadre que l’approche percutanée, notamment la suture bord à bord des feuillets valvulaires par Mitra-Clip® (Abbott), a été proposée. Un grand nombre de patients a été traité au cours des dernières années et les données, issues de larges registres multicentriques (plus de 3 000 patients publiés), sont très encourageantes, que ce soit en termes de sécurité de la procédure, de réduction de la fuite, d’amélioration des paramètres cliniques ou échographiques(1). Cependant, chez ces patients présentant de lourdes comorbidités, la mortalité à court ou moyen terme reste importante. De plus, ces données étaient, jusqu’à récemment, uniquement issues de registres, sans groupe contrôle randomisé. Dans ce contexte, les résultats des études randomisées multicentriques COAPT et MITRA-FR étaient très attendus. COAPT et MITRA-FR L’étude américaine COAPT a évalué la stratégie MitraClip® + GDMT versus GDMT seule (Guideline-Directed Medical Therapy), chez 610 malades présentant une IMS ≥ 3+. Les résultats sont sans appel, avec une réduction dans le bras MitraClip® du critère principal (hospitalisation pour insuffisance cardiaque à 2 ans) de 47 % (p < 0,001), une réduction de la mortalité toute cause à 2 ans de 38 % (p < 0,001), une amélioration significative de la qualité de vie et des paramètres fonctionnels et échographiques(2). L’étude française institutionnelle MITRA-FR a également comparé ces deux stratégies chez 304 patients, mais avec des résultats divergents puisque, malgré une réduction significative de la fuite à 12 mois, il n’est cette fois pas retrouvé de différence significative sur le critère primaire (mortalité toute cause ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque à 12 mois), que ce soit en analyse perprotocole ou en intention de traiter(3). Comment expliquer ces résultats discordants ? Une population différente Malgré des caractéristiques en apparence similaires (âge, FEVG, taux de CMD ischémique, etc.), compte tenu de critères d’inclusion divergents, les populations traitées sont bien différentes (tableau). Schématiquement, la population COAPT présente une IM très importante et un VG peu dilaté tandis que, dans MITRA-FR, l’IM est moins sévère, mais avec un VG très dilaté. Même si nous n’avons pas de données concernant l’histoire de la cardiopathie en elle-même, nous pouvons supposer que la population MITRA-FR présente des cardiopathies « vieillies », plus avancées, répondant classiquement moins bien aux différentes thérapeutiques. De même, le design de COAPT éliminait, sans doute à juste titre, les patients présentant une dysfonction ventriculaire droite modérée ou sévère et les hypertensions pulmonaires (> 70 mmHg), dont on sait qu’elles représentent un critère de mauvais pronostic, même après une procédure Mitra-Clip® réussie. Ainsi, la population COAPT est très sélectionnée, comme l’illustre la durée d’enrôlement dans l’étude (4,5 ans pour 78 centres), liée aux difficultés de recrutement des patients. * : Résultat présenté sous forme de moyenne ± écart type. FEVG : fraction d’ejection du ventricule gauche ; SOR : surface d’orifice régurgitant ; VTDVG : volume télédiastolique ventriculaire gauche ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique. Un groupe contrôle traité différemment Tandis que dans MITRA-FR l’ordonnance du patient pouvait être adaptée en fonction de son évolution clinique, le protocole de COAPT limitait au maximum les modifications de traitement, pendant toute la durée de l’étude. On peut ainsi s’interroger sur l’effet du sacubitril/valsartan (Entresto®, Novartis), par exemple, introduit sur le marché durant cette période, dont on connait l’efficacité tant sur le pronostic que sur les paramètres fonctionnels de ces patients insuffisants cardiaques. Il est probable qu’un grand nombre de patients MITRA-FR, notamment les patients du groupe TMO, aient bénéficié de ce traitement au décours de leur randomisation, contrairement aux patients COAPT. Ainsi, même si cela ne se traduit pas en termes d’événements cliniques, près de 75 % des TMO de MITRA-FR sont en classe NYHA I ou II à 1 an (vs 29 % à l’inclusion), contre 49 % à 1 an (vs 35 % à l’inclusion) dans COAPT. Un effet « courbe d’apprentissage » dans MITRA-FR indiscutable L’activité MITRA-FR correspondait pour un grand nombre de centres à leur activité toute initiale. Aussi, pour être centre participant, il fallait pouvoir justifier d’une expérience minimale de 5 procédures. A posteriori, connaissant la complexité de la technique, ce seuil était sans doute trop bas. Il faut en effet reconnaître un taux non négligeable de complications de procédure dans MITRA-FR (14 %, contre 8 % dans COAPT), et surtout un taux important (45 %, contre 36 % dans COAPT) de procédures n’utilisant qu’1 clip. On sait aujourd’hui que, dans les IMS, la réduction à long terme de la fuite est souvent meilleure lorsque 2 clips ou plus sont implantées. Ainsi, le taux de fuite résiduelle ≥ 3+ à 12 mois est de 17 % (contre 5 % dans COAPT). Par ailleurs, il convient de signaler que les clips utilisés dans ces études correspondent à la 1re génération de clips, tandis que nous utilisons actuellement la génération suivante (clip NT), et nous nous apprêtons à utiliser la 3e génération (clips NTR et XTR). Ainsi, si la correction des IMS améliore le pronostic des patients, l’avenir nous dira si ce bénéfice est l’apanage de l’approche MitraClip®, ou si les approches chirurgicales (étude MATTERHORN), par annuloplastie percutanée directe (essai ACTIVE), ou par implantation percutanée d’une valve dédiée partagent cet intérêt. De plus, la valeur pronostique et la prise en charge des fuites tricuspides, fréquemment associées à ces IMS, restent à préciser. Conclusion Loin d’être discordants, les résultats de ces deux études sont en fait complémentaires : COAPT nous a montré qu’une stratégie de réduction de l’IMS par MitraClip® est bénéfique, tandis que MITRA-FR nous a, elle, précisé les limites de cette stratégie, notamment en nous indiquant la population au-delà de cette approche. L’analyse soigneuse des images échographiques, de la cardiopathie sous-jacente, et du patient dans sa globalité par la Heart Team est donc plus que jamais d’actualité. Cas cliniques ➜ Il s’agit d’une régurgitation mitrale secondaire avec une séquelle d’infarctus inférobasal. Il y a une restriction marquée du jeu de la valve mitrale malgré une optimisation, pas à pas du traitement médical incluant, chez une patiente symptomatique, du LCZ696. Le jet de régurgitation est central, sévère ; la fonction ventriculaire droite est préservée. La fonction ventriculaire gauche est altérée mais la fraction d’éjection est à 35 ± 5 % avec une forme qui reste conique (pas de remodelage sphérique trop marqué qui se traduirait par une longueur = à la largeur en apical 4 cavités) (photo 1). Photo 1. ➜ Un bon cas d’une patiente ayant une cardiopathie dilatée traitée optimalement et qui, malgré la resynchronisation cardiaque, reste symptomatique avec une fuite sévère centrale sur des feuillets fins et non calcifiés (photo 2). Photo 2. ➜ L’analyse en échocardiographie transœsophagienne : elle est fondamentale pour localiser le jet régurgitant, parfaire la compréhension des mécanismes de la fuite. Il faudra exclure un thrombus, une autre valvulopathie sévère, analyser précisément le septum interatrial et la 3D permettra de s’affranchir d’indentations marquées qui pourraient poser des problèmes techniques comme des feuillets trop épais ou calcifiés dans la zone de grasping (photo 3). Photo 3. Avant et après MitraClip® et cela durablement (photo 4). Photo 4.

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