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Valvulopathies

Publié le 15 mar 2018Lecture 4 min

Prise en charge de la sténose aortique à fraction d’éjection préservée - Pourquoi se soucier des calcifications ?

Bernard COSYNS, Service de cardiologie, Hôpital universitaire, Bruxelles

La sténose fibro-calcifiante de la valve aortique représente un large spectre allant de la sclérose aortique à la sténose aortique sévère. C’est la maladie valvulaire la plus fréquente dans les pays développés et la seconde cause de maladie cardiovasculaire après les maladies coronaires. La prévalence dans la population générale est de 0,4%et va de 2 à 7%dans la population de plus de 65 ans. Les anomalies congénitales comme la bicuspidie et un âge avancé sont des facteurs de risque majeurs pour le développement de la sténose aortique calcifiante (RAC). Par ailleurs, le syndrome métabolique et des niveaux élevés de lipoprotéine (a) ont été associés à un risque accru de RAC. Actuellement, seul le remplacement valvulaire aortique a démontré être un traitement efficace pour les RAC sévères.

On a longtemps postulé que le RAC correspondait à un phénomène passif de dégénérescence liée à l’âge. On sait depuis plus d’une dizaine d’années que c’est un phénomène actif, associé à des facteurs de risque cliniques similaires à l’athérosclérose. Cependant, seulement 10 % des patients ayant un diagnostic de maladie coronaire vont développer une sclérose aortique et parmi eux seuls 2,5 % vont présenter un RAC sévère à 8 ans. À l’inverse, 50 % des patients présentant une sclérose aortique avec des microcalcifications (maladie très prévalente : 25 % au-delà de 65 ans, 37 % au-delà de 75 ans), vont présenter un événement cardiovasculaire coronarien ou décéder de coronaropathies dans les 5 ans qui suivent la détection de cette sclérose. En d’autres termes, les mécanismes physiopathologiques du RAC et de l’athérosclérose sont différents et la présence de calcifications au sein d’une valve aortique sclérosée représente un marqueur de risque de maladie coronarienne. La physiopathologie de la calcification dans le RAC est liée à la production de calcium au départ des cellules valvulaires interstitielles (VIC), qui sous l’effet de différents stimuli, vont se nécroser ou subir une apoptose menant à des dépôts amorphes de calcium. Une autre partie de ces VIC vont se transdifférencier en fibroblastes et en ostéoblastes produisant des calcifications mimant ou non l’infrastructure osseuse. On sait que l’internalisation de cellules endothéliales valvulaires, de cellules inflammatoires (monocytes, macrophages, lymphocytes) jouent aussi un rôle important dans le processus de calcification valvulaire (figure 1). On divise de manière schématique la genèse de ces calcifications en une phase d’initiation, principalement inflammatoire et en phases de propagation d’abord à prédominance fibrotique puis calcifiante. À chaque phase, un mécanisme physiopathologique prédomine et les cibles thérapeutiques différentes (statines au stade initial, IEC ou sartans à la phase fibrotique et biphosphonate, denosumab ou vitamine K à la phase procalcifiante). Des composantes mécaniques sur les feuillets et les parois aortiques jouent probablement un rôle additionnel, de même que des prédispositions génétiques. Figure 1. Physiopathologie. L’imagerie des calcifications dans le RAC • L’échocardiographie garde un rôle limité au diagnostic de la sévérité du RAC, à sa classification en fonction de son impact hémodynamique sur le cœur. Une imagerie paramétrique sur la base d’image transœsophagienne permet de localiser et de quantifier les calcifications en préremplacement percutané. • Le CT-scanner est la technique de choix pour définir le score Agatston et quantifier les calcifications aortiques de manière reproductible, de préparer un remplacement percutané en localisant et quantifiant les calcifications valvulaires mais aussi aortiques. • Le PET-CT (18F-fluoride), permettrait de prédire le développement futur de calcifications en devenir sur la base de l’activité inflammatoire et ostéoblastique. L’impact clinique de la détection des calcifications dans le RAC par imagerie est important. Des anciennes publications utilisant un score qualitatif par échocardiographie ont mis en évidence une valeur indépendante des calcifications sévères dans le pronostic à long terme des RAC sévères mais aussi modérés. Plus récemment, en utilisant le même score, il a été démontré, qu’après ajustement, cette valeur pronostique était uniquement valable pour les individus de sexe mâle (figure 2). Le CTscan a montré des différences similaires entre sexes, ce qui explique les valeurs de seuil différentes du score Agatston dans les RAC « faible débit-faible gradient » utilisées dans les directives ESC. Figure 2. Calcifications selon le sexe. Calcifications sévères (pointillés). Le phénotype du RAC serré serait plus fibrotique chez la femme que calcifiant pour des mêmes degrés de sévérité. Les mécanismes expliquant ces différences sont en voie d’exploration. Le score Agatston a une relation curvi-linéaire avec la sévérité du RAC et peut être utilisé en cas d’échocardiographie douteuse ou non contributive. Cependant, une étude récente montre que cette relation ne serait pas valable en cas de bicuspidie chez les individus jeunes. De plus, la présence de calcifications importantes prédit une évolution plus rapide vers le RAC serré. Les perspectives en termes de diagnostic concernent la quantification par échocardiographie, soit par rétrodiffusion, soit sur la base de l’analyse des échelles de gris. La validation clinique de ces nouveaux scores est en bonne voie. Le 3D-printing est prometteur également, avec des polymères pouvant mimer les calcifications et leur localisation. Ceci permettrait de mieux préparer les remplacements percutanés et les impacts hémodynamiques du RAC. En termes thérapeutiques, des expériences tendent à montrer une régression possible des calcifications présentes dans le RAC. Différentes pistes sont explorées pour les faire régresser à l’aide de médications. Quel futur ? Dans ce cadre, une quantification robuste par ultrasons permettrait d’en suivre l’évolution par imagerie sans exposer le patient à une irradiation exagérée. Lorsque les calcifications sont présentes à un stade avancé, l’envoi de rafales d’ultrasons pulsés cavitationnels focaux montre un effet positif sur la réduction de la rigidité des feuillets et de la sévérité du RAC dans un modèle expérimental de bioprothèse.

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