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Coronaires

Publié le 04 jan 2021Lecture 7 min

Combinaison des données du scanner coronaire à l’intelligence artificielle pour améliorer la prévention cardiovasculaire

Gilles BARONE-ROCHETTE, Cardiologie interventionnelle et imagerie cardiaque, CHU Grenoble-Alpes ; UMR 1039 INSERM-UGA ; FACT (French Alliance for Cardiovascular clinical Trials), an F-CRIN network

Les Suédois nous ont habitués aux grands registres avec SWEDEHEART et notamment SCAAR (Swedish Coronary Angiography and Angioplasty Registry) qui fait référence dans le monde de l’angioplastie par son exhaustivité nationale. Élaborer des stratégies de prévention cardiovasculaire efficaces reste un enjeu majeur dans nos sociétés. C’est l’une des grandes ambitions d’une nouvelle étude suédoise, SCAPIS (Swedish CardioPulmonary BioImage Study) qui s’attache à constituer une impressionnante cohorte dans la population générale avec « bioimaging banking ». Les premiers résultats ont été présentés à l’AHA et mettent en avant les avantages à utiliser les méthodes d’intelligence artificielle (IA) et du scanner coronaire pour améliorer la prévention coronaire.
Après un rappel des premiers résultats de SCAPIS, nous parlerons dans cet article des perspectives qu’offre l’utilisation de l’IA sur les données d’imagerie scannographique dans le domaine de la maladie coronaire.

Étude SCAPIS Cette étude a recruté plus de 30 000 hommes et femmes âgés de 50 à 64 ans dans la population générale, dont 25 182 sans maladie coronarienne connue, qui ont été examinés par scanner coronaire. L’objectif de ce premier travail était de connaître la prévalence d’un athérome coronaire silencieux. Le deuxième objectif était de développer un modèle prédictif de la présence d’une charge coronarienne athérosclérotique importante définie par au moins quatre segments artériels avec plaque coronarienne au scanner coronaire (SIS > 4, segment involvement score). Un algorithme d’intelligence artificielle (IA) basé sur l’apprentissage automatique a été utilisé pour développer des modèles prédictifs. Le « modèle à domicile » était basé sur des données facilement obtenues à domicile par questionnaires, comme le poids et le tour de taille, et le « modèle clinique » incorporait des facteurs tels que les taux de cholestérol et les mesures de la tension artérielle. Au total, 42,1 % des sujets présentaient un certain degré de maladie coronarienne, la prévalence et la gravité de la maladie augmentaient avec l’âge et les autres facteurs de risque cardiovasculaire classiques et 5,2 % présentaient une athérosclérose sévère, définie comme la présence d’une sténose de 50 % ou plus. Le modèle à domicile avait une grande précision (AUC : 0,8), et était aussi efficace que le modèle clinique pour le dépistage d’une charge coronarienne athérosclérotique importante. Grâce à un simple questionnaire réalisé au domicile, il est possible d’identifier avec une précision raisonnable les personnes qui souffrent d’une charge coronarienne athérosclérotique importante. Cette stratégie pourrait impliquer de simples tests à domicile pour sélectionner d’abord les personnes ayant une forte probabilité d’avoir une charge coronarienne athérosclérotique importante et ensuite définir le risque cardiovasculaire plus précisément à l’aide d’autres investigations. Cela permettrait une détection précoce des maladies coronariennes et pourrait fournir un traitement préventif aux personnes les plus à risque et diminuer le risque de futurs événements. Intelligence artificielle : machine learning et deep learning C’est donc la technique d’IA appelée le machine learning qui a été utilisée dans SCAPIS. Le machine learning comprend l’application de statistiques conventionnelles. Cependant, lorsque l’on traite un nombre important de données pour la prédiction d’un résultat, les statistiques conventionnelles échouent généralement. Les algorithmes d’apprentissage automatique fréquemment utilisés avec le machine learning vont permettre de résoudre ce problème en utilisant des programmes statistiques plus récents (machines vectorielles et forêts aléatoires)(1). Ces algorithmes apprennent en fonction d’objectifs spécifiques. Le plus souvent, il s’agit d’un apprentissage supervisé, c’est-à-dire que l’ordinateur apprend directement à partir d’une grande quantité d’exemples correctement étiquetés par l’homme. Dans l’étude SCAPIS c’était donc le résultat du scanner coronaire avec un SIS > 4. L’algorithme a ensuite analysé les éléments des questionnaires pour trouver les associations de variables les plus discriminantes pour prédire le résultat. Si le domaine de l’analyse d’images médicales présente de fulgurants progrès actuellement, il est plus particulièrement dû à l’utilisation des méthodes dites d’apprentissage profond ou deep learning(2). Ces algorithmes s’appuient sur de multiples couches de réseaux de neurones artificiels, et apprennent à partir d’un grand nombre d’exemples connus à résoudre une tâche donnée, sans qu’on ne lui indique comment résoudre cette tâche. Ce qui est très intéressant c’est qu’il s’agit d’une véritable intelligence artificielle. Ainsi un problème va être résolu en n’utilisant pas forcément une voie que le raisonnement humain aurait choisie. C’est ce que le programme AlphaGo a réussi à résoudre. Il a réussi à battre les meilleurs joueurs du monde du jeu du Go tout simplement parce que le système n’était pas basé sur des règles pré-écrites par un humain. Le système apprenant a réussi à « comprendre » comment un être humain jouait et donc comment il pouvait le battre. Un système apprenant a beaucoup plus de capacités, puisqu’il apprend par luimême ; il n’est pas limité aux simples règles qu’on lui dicte. Ce qu’il faut comprendre en imagerie, c’est que l’image est constituée de plusieurs millions de combinaisons de pixels. Avec le deep learning supervisé, l’utilisation des réseaux de neurones dits « convolutifs » (CNN pour « Convolutional Neural Networks »), particulièrement adaptés à l’analyse d’images, les algorithmes apprennent à extraire les caractéristiques les plus pertinentes de l’image et à les combiner au mieux pour résoudre un problème donné. Pour que ceci fonctionne, l’IA a besoin d’énormément de données labélisées, mais aussi avec une acquisition standardisée. Le scanner coronaire se prête bien à cela avec des acquisitions permettant d’avoir toujours un volume constitué de milliers de pixels assez standardisé contenant les informations relatives à l’arbre coronaire. Les algorithmes de deep learning fonctionnent toujours de la même façon avec un jeu de données qui est divisé en données d’entraînement, de validation et de test. Les données d’entraînement représentent le jeu de données sur lequel le modèle est entraîné pour qu’il ajuste ses paramètres pour prédire un diagnostic ou un événement. Lors de la phase d’entraînement, l’erreur de classification est minimisée afin d’optimiser les paramètres des neurones. Les données de validation représentent le jeu de données sur lequel se fait l’évaluation de la performance du modèle tout au long de l’apprentissage. Quant aux données tests, elles consistent en un jeu de données sur lequel l’algorithme ne s’est pas entraîné et évalue la performance finale de l’algorithme. Pour mieux comprendre cela, nous allons donner deux exemples d’application au domaine du scanner et de la maladie coronaire. Deux grandes applications en médecine existent pour l’utilisation du deep learning. La première est l’aide au diagnostic et l’autre est pour une meilleure prédiction du risque. Les deux exemples seront donc l’application de l’IA au scanner pour le diagnostic d’une lésion coronaire ischémique et pour la prédiction de la plaque coronaire instable. Scanner coronaire et ischémie Si la CT-FFR (Heartflow) utilise les principes de la dynamique des fluides computationnelle, il faut savoir que certaines équipes ont pu développer des algorithmes d’IA permettant d’identifier une lésion ischémique à partir du scanner coronaire(3). Pour cela il faut donc un grand nombre de patients ayant bénéficié d’un scanner coronaire et d’une évaluation invasive par FFR de toutes les lésions. Ceci permet ainsi de labéliser les images de manière binaire (FFR > ou < 0,8). Il est fort à parier que des algorithmes d’IA nous seront proposés rapidement pour remplacer la CT-FFR. Scanner coronaire et plaque instable Si la détection de l’ischémie est le point faible du scanner coronaire où l’IA peut l’aider à s’améliorer, le scanner a aussi un point fort en étant le seul examen de soin courant qui nous permet d’avoir une évaluation de la plaque coronaire instable. Même si des critères morphologiques de la plaque instable sont décrits pour mieux prédire le risque d’événements majeurs(4), les performances pour prédire le risque individuel sont encore moyennes. Il est possible de penser que l’accumulation d’un grand nombre de patients avec scanner coronaire et la labélisation sur l’apparition d’événements dans leur suivi avec une classification binaire là encore (événement ou pas d’événement) permettront le développement d’algorithmes aidant à la prédiction du risque cardiovasculaire. Certaines équipes ont déjà commencé ces travaux(5), mais en utilisant le maching learning donc sans analyse automatique des images par l’IA. La figure illustre ce que pourrait être le futur de l’utilisation du scanner coronaire et de l’IA pour le développement d’une médecine de précision. Mais avant d’arriver à cela, même si nous développons des algorithmes efficaces, il restera encore à valider les stratégies médicales guidées par l’IA au travers d’études prospectives randomisées et aussi d’analyser l’interprétabilité des réseaux de neurones, car le principal point faible de l’IA est la « black box ». C’est-à-dire que l’algorithme peut prédire correctement sans que l’on sache comment. Il est alors difficile de rattacher le résultat à un phénomène physiopathologique et de développer des thérapeutiques. Figure 1. Médecine de précision guidée par l’IA appliquée au scanner coronaire. IA : intelligence artificielle En pratique ▸ Le scanner coronaire est un outil intéressant en cardiologie que nous avons appris à utiliser, notamment pour éliminer la maladie coronaire. ▸ Il apparaît comme une méthode d’imagerie propice à l’utilisation de l’IA et pourrait notamment permettre d’aller vers la mise en place d’une médecine de précision avec des thérapeutiques adaptées pour chaque patient. ▸ Mais pour cela il est important d’avoir des bases de données volumineuses, bien standardisées dans leur acquisition et bien labélisées. Avec SCAPIS, les Suédois nous montrent qu’ils ont bien compris ces enjeux.

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