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Valvulopathies

Publié le 15 mar 2023Lecture 5 min

Les valvulopathies : beaucoup reste à découvrir mais nos connaissances progressent

Erwan DONAL, service de cardiologie, CHU de Rennes

La prévalence des valvulopathies va croissant avec le vieillissement de la population. Le diagnostic de ces valvulopathies et de leur retentissement est trop souvent tardif et beaucoup de patients sont référés tardivement dans les centres médicochirurgicaux. Les recommandations ont longtemps été basées sur des consensus d’experts mais de plus en plus, à la faveur du développement de techniques percutanées, des études randomisées permettent de justifier de stratégies thérapeutiques, en particulier dans le domaine de la sténose aortique. Ces derniers mois, de nombreux travaux ont permis de progresser dans la connaissance. Faire le bilan de la littérature 2022 est donc une tâche difficile.

D'abord, il est à noter le travail effectué dans le Nord de la France (2 703 patients suivis en ville et à l’hôpital, pendant 2,1 ans, registre Valvenor) permettant d’insister sur la valeur du suivi des patients ayant un rétrécissement aortique. Il est important de rechercher les symptômes et les corréler aux données échocardiographiques pour, le moment venu, envisager le remplacement valvulaire aortique. S’il ne faut pas opérer trop tôt, il ne faut pas non plus « opérer » trop tard et il est prudent de veiller à ce que le remodelage des cavités cardiaques ne soit pas trop marqué. Un suivi attentif du remodelage ventriculaire gauche mais aussi atrial, voire ventriculaire droit est important pour proposer le remplacement valvulaire à des patients avant que le remodelage soit trop marqué et irréversible. Le pronostic en sera affecté. Plus de 2/3 des patients n’ont pas un remodelage inverse significatif après TAVI (figure 1).   Ce même constat de l’importance de regarder la valve, mais au-delà d’apprécier le retentissement de la valvulopathie sur les cavités cardiaques, a aussi été démontré pour les patients suivis pour une insuffisance mitrale secondaire. Attendre trop ou avoir au-delà du ventricule gauche, un remodelage trop marqué, affectera le pronostic même après une correction valvulaire efficace. Toujours à propos de la valve mitrale, nous ne connaissons pas tout de la physiopathologie qui conduit à l’apparition d’une fuite mitrale, en particulier quand elle est « secondaire » (ou fonctionnelle). En 2022, nous avons progressé sur l’identification et la compréhension des mécanismes qui conduisent au développement des fuites mitrales secondaires, dites atriales. L’oreillette, pathologique, se dilate à la faveur, souvent, d’une fibrillation atriale permanente. Un rétablissement du rythme sinusal peut avoir un impact favorable sur cette fuite mitrale. Au-delà, les relations entre le tissu atrial, l’anneau mitral, le myocarde ventriculaire, font que la valve mitrale postérieure peut être restrictive et raccourcie. Il y a aussi une dilatation et une perte de l’anatomie en selle de cheval de l’anneau mitral (figure 2), qui favorise le défaut de coaptation systolique de la valve mitrale. Sous réserve d’une analyse fine et d’une planification appropriée, il semble possible de corriger efficacement ces fuites par voie percutanée (clips) ou chirurgicale.   Une entité reste encore très complexe : les MAC (Mitral Annulus Calcification). Les calcifications annulaires mitrales sont difficiles à apprécier par l’échocardiographie seule. Le scanner est nécessaire et permet une classification et une planification de la thérapeutique qui pourrait potentiellement être appliquée. Pour les MAC plus encore que pour d’autres valvulopathies, une approche multimodale et une évaluation précise dans des équipes entraînées peut permettre d’évoquer un traitement. Les prothèses percutanées dédiés à la valve mitrale, et au premier rang desquels la prothèse Tendyne®, peuvent être proposées à nombre de ces patients. Elle nécessite un abord transapical et des équipes entraînées. Il reste encore beaucoup à faire pour mieux caractériser et sans doute traiter ces patients, de plus en plus nombreux. Il faut bien reconnaître que ces calcifications sont des challenges pour les thérapeutiques chirurgicales ou percutanées appliquées jusqu’alors nombre de patients restent encore « condamnés » à un traitement médical et symptomatique seul. Une autre valvulopathie a fait « la Une » ces derniers mois et le fera sans doute plus encore en 2023 : la régurgitation tricuspide fonctionnelle. En France, l’étude randomisée Tri.fr vient d’achever son recrutement. Aux États-Unis, Triluminate Pivotal Trial vient d’être présenté et publié au cours de l’ACC. Les résultats seront discutés dans un prochain numéro. Ce sera la première étude randomisée à propos de la correction par clips de la fuite tricuspide fonctionnelle et symptomatique. Nous ne cessons d’avoir la confirmation de l’impact sur le pronostic fonctionnel et vital de la présence d’une fuite tricuspide chez les patients qu’ils aient une valvulopathie gauche, une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection plus ou moins préservée ou altérée. Nous avons encore beaucoup à apprendre sur le cœur droit, sur les fuites tricuspides comme celles liées aux sondes de stimulations… mais nous savons déjà un peu mieux appréhender le risque d’un patient lorsque se discute une thérapeutique. C’est tout le mérite de J. Dreyfus que d’avoir publié le Tri-score qui, appliqué à une population « chirurgicale », permet de prédire le risque (souvent important) associé à une chirurgie isolée de la valve tricuspide (www-tri-score.com). Deux études de faisabilité démontre qu’il est possible, à faible risque, de traiter par clips, les fuites tricuspides secondaires. Une étude observationnelle, à propos de 27 patients implantés d’une prothèse Evoque® et suivis 12 mois, laisse aussi avoir l’espoir de solutions possibles avec les prothèses percutanées. Il faudra donc ne plus négliger la valve tricuspide et savoir que la fuite tricuspide a des conséquences pour nos patients et que potentiellement, nous pourrons traiter ces fuites par voie percutanée et avec une morbidité induite moindre que celle rapportée pour la chirurgie isolée de la fuite tricuspide fonctionnelle. De multiples atteintes valvulaires ne sont pas rares chez un même patient. Le registre européen récemment coordonné par B. Iung, a permis de retrouver que l’atteinte multivalvulaire concerne près de 30 % des patients. L’association de lésions valvulaires s’accompagne d’une mortalité plus élevée et de plus d’insuffisance cardiaque, même après seulement 6 mois de suivi. Comme évoqué dans le chapitre précédent, il faut être attentif aux conséquences myocardiques de ces valvulopathies. Les atteintes multivalvulaires ont des conséquences myocardiques plus marquées que les atteintes valvulaires uniques, et bien entendu, cela a un impact pronostique. Ce travail coordonné par C. Tribouilloy montre aussi que beaucoup de patients ne sont pas considérés pour une correction de ces valvulopathies et restent sous traitement symptomatique et médical. Une valvulopathie primitive ne peut pourtant pas être considérée comme « traitée » si ce n’est pour masquer les symptômes par des médicaments tels que les diurétiques. Seule la correction de la ou des valvulopathie( s) apportera un réel impact pronostique. Il reste de nombreux challenges pour qui s’intéresse aux valvulopathies. Espérons que nos jeunes collègues auront l’appétence nécessaire pour faire progresser cette « spécialité ». L’un d’entre eux est à la croisée de l’imagerie, de la rythmologie et de la chirurgie : le prolapsus valvulaire mitral. Nous connaissons désormais un phénotype particulier où le prolapsus associé à une fuite télésystolique, à une disjonction annulaire, des ondes T négatives à l’ECG, chez la femme jeune, peut être associé à des arythmies ventriculaires et un risque faible mais présent, de mort subite. Ces patients ou patientes sont relativement rares mais il faut les connaître et les explorer. Un article de consensus a été récemment publié par EHRA (association de rythmologie de l’ESC) (figure 3). Celui-ci insiste sur l’exploration du phénotype en imagerie et sur une proposition de prise en charge en fonction des constatations effectuées. Il s’agit d’un consensus d’experts et il reste indéniablement une place grande pour des projets de recherche. Pourquoi pas avec la Société française de cardiologie et le groupe Valvulopathies !

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