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Cardiologie générale

Publié le 04 déc 2023Lecture 6 min

Amyloses à transthyrétine : des atteintes neurologiques et cardiaques

Gérard GERTNER, Paris

Selon le type biochimique du dépôt, la symptomatologie et le pronostic de l’amylose varient considérablement. Les possibilités thérapeutiques actuelles permettent, selon le cas, une amélioration de l’évolution de la maladie, que l’atteinte soit cardiaque ou neurologique.

Il existe deux types d’amylose à transthyrétine : l’ATTRwt dite sauvage ou sénile et l’ATTRv dite héréditaire ou mutée ou familiale. Cette dernière est à l’origine d’une maladie multisystémique, mais dont l’expression neurologique est particulière. Il s’agit d’une maladie génétique autosomique dominante dont le pronostic est fatal. Cette neuropathie amyloïde familiale atteint essentiellement les nerfs périphériques, plus rarement le système nerveux central. Les symptômes apparaissent le plus souvent après 50 ans (75 % des cas), souvent sans antécédents familiaux : troubles de la marche, troubles de l’équilibre, déficit sensitivo-moteur (steppage, paresthésie, hypoesthésie). L’évolution est rapide : la nécessité d’une canne pour la marche apparaît le plus souvent au bout de 3 ans. Les patients décèdent en moyenne 7 ans après le début des symptômes. C’est ce caractère évolutif rapide qui doit alerter et faire évoquer le diagnostic. Dans les formes à début précoce, l’évolution de la symptomatologie (dysautonomie, troubles sensitifs distaux : douleurs à type de brûlure des pieds ou des mains, hypoesthésie thermique chaud/froid plutôt distale, hypoesthésie à la douleur) est plus lente, le décès intervient au bout de 12 ans en moyenne. On comprend aisément que les erreurs et le retard diagnostiques soient fréquents. Aussi est-il nécessaire d’évoquer le diagnostic sur la base de symptômes neurologiques mais également en recherchant les autres atteintes d’organe, qu’il s’agisse d’une atteinte cardiaque (insuffisance cardiaque, troubles du rythme...), mais également oculaire (sécheresse, glaucome...), digestive (nausées, vomissements, diarrhée, constipation...) ou un syndrome canalaire (canal carpien, canal lombaire étroit), qu’il y ait ou non une histoire familiale. Dès que le diagnostic est évoqué, il est nécessaire de mettre en évidence le dépôt d’amylose par une biopsie peu invasive d’une glande salivaire, de la peau ou de la graisse sous-cutanée, avec une coloration spécifique, associée éventuellement avec un marquage par des anticorps dans un centre spécialisé. Le marquage des dépôts amyloïdes sera confirmé par une scintigraphie aux biphosphonates. Il s’agit ensuite d’éliminer les diagnostics différentiels (amylose AL, ATTR sauvage en cas de cardiopathie) et de réaliser un test génétique avec séquençage du gène de la TTR à la recherche d’une mutation pathogène, la plus fréquente étant la mutation Val30Met. Concernant les traitements de l’amylose à transthyrétine, ils se reposent sur 3 axes : arrêter la synthèse de la transthyrétine anormale et amyloïdogène (silenceurs), stabiliser la transthyrétine ayant une conformation native tétramérique (stabiliseurs), et retirer les fibres amyloïdes TTR (dépléteurs de transthyrétine).   Étude NEURO-TTRansform   L’eplontersen est un oligonucléotide antisens qui appartient à la famille des silenceurs. Il se lie à l’ARN messager de la TTR, empêchant sa traduction en protéine. Cette molécule réduit ainsi le taux de protéines TTR mutées dans la circulation et vise à ralentir l’évolution de la maladie amyloïde. NEURO-TTRansform est une étude de phase III multicentrique (40 sites, 15 pays) qui a été menée chez 168 patients (53 ans en moyenne, 69 % d’hommes) atteints d’une amylose héréditaire à TTR, avec une polyneuropathie à différents stades déficitaires(1). L’étude a comparé l’eplontersen (une injection sous- cutanée mensuelle de 45 mg) au placebo (bras placebo externe) pendant 66 semaines. Les résultats ont montré un bénéfice constant et durable sur les trois critères de jugement principaux que sont la concentration sérique de transthyrétine, la déficience neuropathique et la qualité de vie. L’eplontersen a permis d’obtenir une réduction moyenne de 82 % de la concentration sérique de TTR par rapport aux valeurs à l’inclusion comparativement à une réduction de 11 % dans le groupe placebo (p < 0,001). Parallèlement, l’eplontersen, sur la base d’un score de déficit neuropathique, a réduit de manière significative la progression de la maladie : augmentation moyenne du déficit de 25,06 points dans le groupe placebo versus 0,28 point dans le groupe eplontersen (p < 0,001). De même, l’eplontersen a amélioré la qualité de vie des patients (Questionnaire Norfolk Qol-DN) en montrant une diminution de 5,5 points (amélioration) comparé à une augmentation de 14,2 points (aggravation) dans le groupe placebo (p < 0,001). Au total, une amélioration de la qualité de vie a été observée à 66 semaines chez 58 % des patients traités par eplontersen à 66 semaines par rapport à l’inclusion, comparativement à 20 % dans le groupe placebo. Par ailleurs, le profil de sécurité et de tolérance a été similaire à celui du groupe placebo, avec un taux d’effets indésirables comparable. Aucun événement indésirable d’intérêt particulier n’a conduit à l’arrêt du traitement. Figure 1. Une maladie multisystémique, la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire.   Des études cardiaques exploratoires   Lors du 27e congrès de la HFSA (Heart Failure Society of America), les auteurs ont analysé dans l’étude NEURO-TTRansform, l’effet de l’eplontersen sur la structure et la fonction cardiaque (paramètres échocardiographiques et NT-proBNP) de 144 patients atteints d’amylose héréditaire à TTR avec une polyneuropathie, comparativement au groupe placebo. Après 65 semaines de traitement, sur la base de paramètres cardiologiques équivalents dans les deux groupes, les résultats montrent une stabilité ou amélioration statistiquement significative des structures et de la fonction cardiaque (ratio E/e, volume télédiastolique et volume systolique) versus placebo. Ces résultats indiquent que l’eplontersen pourrait atténuer la progression des manifestations cardiaques chez les patients atteints d’amylose héréditaire (tableau 1 et figure 2). Figure 2. Différence moyenne standardisée des paramètres échographiques dans le groupe eplontersen placebo.   CARDIO-TTRansform   Cette étude en cours vise à évaluer l’efficacité de l’eplontersen chez 1 438 patients atteints d’une amylose à transthyrétine ayant une cardiomyopathie, qu’il s’agisse d’une amylose à transthyrétine sauvage (TTRwt) ou héréditaire (TTRv). Il s’agit d’une étude en double insu, randomisée, multicentrique qui compare l’eplontersen (45 mg, 1 injection sous-cutanée par mois) à un placebo pendant 140 semaines, avec une évaluation 20 semaines après l’arrêt du traitement. Les patients inclus dans l’étude ont un historique d’insuffisance cardiaque due à une amylose ATTRv ou ATTRwt, avec soit une hospitalisation pour insuffisance cardiaque, soit des symptômes liés à une élévation de la pression intracardiaque nécessitant un traitement diurétique ou un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes. Ces patients, âgés de 18 à 90 ans, classés NYHA I à III, ont un NT-proBNP ≥ 600 pg/mL, un test de marche de 6 minutes ≥ 100 mètres et une épaisseur du septum interventriculaire en télédiastole > 12 mm. Le dépôt d’amylose dans les tissus cardiaques ou non cardiaques a été confirmé chez tous les patients. Ont été exclus les patients ayant une insuffisance rénale avec un DFGe < 30 mL/min/1,73 m2. Le critère principal de jugement est un critère composite comportant la mortalité cardiovasculaire et la réapparition après les 140 semaines de traitement, d’événements cardiovasculaires (insuffisance cardiaque nécessitant un traitement diurétique en intraveineux ou une hospitalisation pour insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, AVC ou arythmie). Les critères secondaires sont : – une modification du test de marche de 6 minutes ; – une modification des réponses au questionnaire (KCCQ) d’évaluation de la cardiomyopathie ; – le taux d’événements cliniques à 140 semaines ; – la mortalité cardiovasculaire à 140 semaines ; – la mortalité toutes causes à 140 semaines. CARDIO-TTRansform, dont les résultats devraient être connus en 2025, est la plus grande étude à ce jour d’efficacité et de sécurité effectuée chez des patients atteints d’amylose à transthyrétine ayant une cardiomyopathie.

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