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Insuffisance cardiaque

Publié le 25 sep 2024Lecture 8 min

L’assistance cardiaque de longue durée

Anne-Céline MARTIN(1), Caroline FRITZ(2), Ramzi ABI AKAR(3)*, Paris

De nombreux patients atteints d’insuffisance cardiaque évoluent vers une phase d’insuffisance cardiaque dite avancée caractérisée par la persistance de symptômes malgré un traitement maximal et optimal. Cela concerne jusqu’à un patient sur 10 suivis pour insuffisance cardiaque. Son pronostic reste sombre avec une mortalité atteignant 25 à 75 % à un an(1). L’assistance cardiaque de longue durée peut, chez certains patients adressés à temps dans les centres experts, améliorer la survie, les symptômes et la qualité de vie.

Dispositifs d’assistance cardiaque de longue durée : de quoi parle-t-on ?   Les dispositifs d’assistance de longue durée (≥ 30 jours d’utilisation) sont des dispositifs médicaux implantables actifs destinés à suppléer partiellement ou totalement la pompe cardiaque défaillante. L’objectif est de générer un débit cardiaque permettant de restaurer ou préserver le fonctionnement des organes périphériques. On distingue les dispositifs d’assistance monoventriculaire gauche (left ventricular assist device [LVAD]), biventriculaire et les cœurs artificiels totaux. Plusieurs prototypes d’assistance monoventriculaire gauche ont été développés depuis la première pompe implantée en 1963 par le Dr Debakey. L’idée initiale était de remplacer les systèmes de circulation extracorporelle en postopératoire, puis à mesure des progrès techniques et de leur fiabilité, d’élargir les indications permettant de les envisager aujourd’hui non plus uniquement en attente de transplantation ou de récupération mais aussi en thérapie définitive. Les modèles d’assistance monoventriculaire gauche disponibles aujourd’hui sont des pompes à flux continu (vs flux pulsatile), intracorporelles (vs paracorporelles), hémocompatibles et durables (vs temporaires) (figure 1). Figure 1. Propriétés des dispositifs d’assistance monoventriculaire gauche.   L’Amérique du Nord reste le leader mondial en termes d’implantation d’assistances. Selon le rapport INTERMACS, 3 198 dispositifs ont été implantés en 2019 aux États-Unis avec une augmentation constante depuis 10 ans(2). En Europe, 2 500 assistances sont implantées annuellement. En France, ce nombre varie entre 208 et 245 sur la période 2015-2019, avec une diminution globale de l’ordre de 10 % pour atteindre 139 en 2021(3). Les dispositifs actuellement disponibles en France et pris en charge par l’Assurance Maladie sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) sont les HeartMate3® (Abbott), les Jarvik 2000® (IST Cardiology) et les Excor® (Berlin Hear). La société SynCardia a cessé la distribution des dispositifs TAH-t depuis décembre 2021. Le HeartMate3® est le LVAD le plus implanté en France, en particulier suite au retrait du marché du HeartWare® (Medtronic) en juin 2021 (figure 2). Il s’agit d’un dispositif intracorporel implanté par voie chirurgicale composé d’une pompe centrifuge à lévitation magnétique qui délivre un flux continu, d’un contrôleur de système et d’une source d’alimentation situés à l’extérieur du corps du patient et reliés par un câble percutané situé au niveau abdominal. Figure 2. Propriétés des dispositifs d’assistance monoventriculaire gauche.   Le dispositif AESON® (CARMAT) dont l’Union européenne a autorisé la commercialisation en décembre 2022 est disponible dans le cadre de l’essai clinique EFICAS mené dans 6 centres français. Il comprend une « prothèse » implantable d’anatomie proche d’un cœur natif constitué de deux ventricules, une pompe électrohydraulique et des circuits électriques. Chaque ventricule comporte également deux valves cardiaques biologiques permettant le raccordement aux oreillettes natives et aux gros vaisseaux. La prothèse est reliée à des équipements externes fournissant le contrôle du système et l’alimentation électrique (4 batteries insérées dans les supports batteries) via un cordon percutané. D’autres dispositifs d’assistance monoventriculaire gauche sont en voie de développement alliant concepts innovants et prouesses technologiques pour assurer efficacité et sécurité tout en étant entièrement implantables, sans fil et rechargeables. Deux dispositifs émergent, l’ICOMS Flowmaker® de FineHeart, et la membrane ondulante et assistance mini-invasive de Corewave.   Pour quels patients ?   Selon les recommandations européennes(1), sont éligibles à un LVAD les patients insuffisants cardiaques sévères restant symptomatiques malgré un traitement médical et rythmologique optimisé, en l’absence de défaillance ventriculaire droite sévère et/ou fuite tricuspide sévère, et de contre-indication majeure somatique ou psychosociale, qui présentent au moins 1 des critères suivants : 1/ FEVG < 25 % avec altération de la capacité d’effort objectivée par un pic de VO2 max < 12 mL/kg/min et/ou < 50 % de la valeur attendue (critère à préférer chez le sujet jeune) ; 2/ ≥ 3 hospitalisations pour insuffisance cardiaque sur les 12 derniers mois sans cause évidente ; 3/ retentissement progressif sur les organes périphériques (insuffisance rénale et/ou hépatique, HTAP de type II, cachexie, sarcopénie) ; 4/ dépendance à un traitement inotrope ou à une assistance circulatoire temporaire. Cela correspond à deux situations : les patients avec insuffisance cardiaque avancée chronique ambulatoires (INTERMACS 4) et les patients en choc cardiogénique (INTERMACS 3, 2) non sevrables des inotropes et/ou de l’assistance circulatoire temporaire.   Quels résultats ?   L’essai randomisé REMATCH publié en 2001 établit pour la première fois la supériorité de l’assistance monoventriculaire gauche (HeartMate XVE) sur le traitement médical optimal de l’époque avec une diminution de moitié de la mortalité(4). Dans l’étude MOMENTUM 3 avec le HeartMate3, la survie sans événement atteint 86,2 % à 1 an et 58,4 % à 5 ans, quelle que soit la stratégie (thérapie définitive ou pont à la transplantation)(5). Les données du registre INTERMACS confortent ces excellents résultats. Sur la période 2015-2019, la survie des patients en pont à la transplantation était de 86,8 % à 1 an et 52,7 % à 5 ans et de 80,1 % et 43,6 % à 1 et 5 ans, en thérapie définitive. Les résultats français sont moins connus (figure 3). Figure 3. Courbe de survie par type d’assistance monoventriculaire gauche en France (2012-2021).   Une analyse de MOMENTUM 3 rapporte également une amélioration de la capacité fonctionnelle avec une augmentation significative de la distance parcourue au test de marche des 6 minutes à 6 mois (+94 [1-274] m, p < 0,001) et une amélioration objective de la qualité de vie sur les échelles de KCCQ et EQ-5D-5L(6). L’assistance expose cependant à des complications infectieuses, thrombotiques, hémorragiques qui ont un impact négatif sur la qualité de vie et les réhospitalisations et qui doivent être exposées au patient avant l’implantation. Leur incidence diminue depuis l’implantation du HeartMate3. Dans MOMENTUM 3, on observe 24,5 % de saignements digestifs, 9,9 % d’AVC, 58,3 % d’infections sévères, 1,4 % de thromboses de pompes à 1 an de l’implantation(5). Dans le registre INTERMACS, les chiffres sont similaires avec 20,9 % de saignements digestifs, 41,1 % d’infectieuses et 12,7 % d’AVC rapportés à 1 an(2).   Quelle place dans la stratégie thérapeutique ?   L’implantation d’une assistance longue durée peut s’intégrer dans différents projets thérapeutiques qui doivent dans la mesure du possible être définis à l’avance : en pont à la transplantation (« bridge to transplant »), le temps d’être éligible à la transplantation en présence de contre-indication temporaire (« bridge to candidacy »), le temps de la récupération dans les rares cas de cause réversible (« bridge to recovery ») ou en tant que thérapie définitive (« destination therapy »). Dans les recommandations européennes(1), la transplantation cardiaque reste le traitement de référence (classe I, niveau C) chez les patients en choc cardiogénique (INTERMACS 2-3) stabilisés sous inotropes ou assistance temporaire ou les patients INTERMACS 3-4. L’assistance est une recommandation de classe IIa A chez ces mêmes patients lorsqu’ils sont inéligibles à la transplantation, le plus souvent en raison de l’âge, et une recommandation de classe IIa B en pont à la transplantation. Les patients INTERMACS 1 qui s’aggravent sous inotrope ou assistance temporaire sont à très haut risque de décès et ne sont plus de bons candidats ni pour l’assistance ni pour la transplantation, soulignant l’importance de référer les patients suffisamment tôt vers les centres d’expertise (figure 4). Figure 4. Place de l’assistance dans la stratégie thérapeutique. Algorithme décisionnel d’après les recommandations ESC 2021.   Dans les recommandations américaines(7) l’assistance n’est pas définie par rapport à l’inéligibilité à la transplantation mais comme un projet thérapeutique en soi, avec une recommandation forte de niveau I A chez les patients INTERMACS 2,3 et de niveau IIa B chez les patients INTERMACS 4. Ces recommandations US intègrent mieux que les recommandations européennes un élément déterminant qu’est l’accès de plus en plus restreint à la transplantation (1 greffon pour 2,5 patients inscrits sur liste en 2020 en France) et donc la nécessité de positionner l’assistance de longue durée plus en amont dans la stratégie thérapeutique. La problématique de l’accès à la greffe des patients assistés en pont à la transplantation est une question débattue. En effet, depuis 2018 l’Agence de la Biomédecine donne la priorité aux patients les plus graves, définis par une instabilité hémodynamique avec retentissement rénal et hépatique, et non aux patients assistés, devenus stables et dont les paramètres biologiques tendent à se normaliser.   Quelles contre-indications ?   Les contre-indications au LVAD sont différentes de celles de la transplantation et con cernent avant tout la cardiopathie sous-jacente : l’insuffisance ventriculaire droite sévère, les cardiopathies non dilatées hypertrophiques ou restrictives avec un ventricule gauche de petite taille, les valvulopathies sévères type insuffisance aortique ou sténose mitrale et les prothèses valvulaires mécaniques. Cependant, l’expérience croissante des centres experts permet aujourd’hui de dépasser certaines de ces contre-indications : correction des valvulopathies, changement d’une prothèse mécanique pour une bioprothèse, assistance des amyloses, des cardiopathies congénitales type ventricule unique. Sur le plan extracardiaque, les contre-indications absolues sont rares : les troubles de l’hémostase avec une contre-indication aux antithrombotiques ou une hypercoagulabilité, un contexte psycho-social où le patient pourrait se mettre en danger, une comorbidité altérant le pronostic vital à court terme rendant futile un projet d’assistance.   Quelle filière de soins ?   La Haute Autorité de santé recommande la constitution d’équipes pluridisciplinaires ou « Heart Team » en insuffisance cardiaque avancée(3). Développées au sein de centres tertiaires, ces unités idéalement médico-chirurgicales et composées de cardiologues spécialisés en insuffisance cardiaque avancée, de cardiologues interventionnels, de chirurgiens cardiaques, d’anesthésistes réanimateurs, ont pour objectif de prendre en charge dans leur globalité, du diagnostic à la thérapeutique, les patients insuffisants cardiaques sévères, en choc cardiogénique ou ambulatoires et de proposer à certains d’entre eux l’implantation d’une assistance cardiaque de longue durée et d’en assurer le suivi. Ces unités sont également composées de personnels paramédicaux spécialisés dans la gestion et la coordination de ces patients complexes, avant et après l’implantation. Plusieurs Heart Teams d’insuffisance cardiaque avancée existent aujourd’hui en France.   En pratique   L’assistance cardiaque de longue durée, essentiellement monoventriculaire gauche, grâce aux améliorations technologiques est une option thérapeutique de choix dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque avancée. Implantée au moment opportun à des patients soigneusement sélectionnés au sein d’équipes multidisciplinaires dédiées, elle améliore la survie, la capacité d’effort et la qualité de vie. Malgré ces résultats, elle est sans doute sous-utilisée actuellement en France. De l’aide des Agences et des sociétés savantes est nécessaire pour faire évoluer les choses : y penser, c’est leur sauver la vie ! * 1 Unité médico-chirurgicale d’insuffisance cardiaque sévère ; service de cardiologie, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris ; INSERM UMRS_1140 Innovations Thérapeutiques en Hémostase, Paris 2 Service d’anesthésie-réanimation, HEGP, Paris 3 Unité médico-chirurgicale d’insuffisance cardiaque sévère ; service de chirurgie cardiovasculaire, HEGP, Paris

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