Publié le 01 juin 2018Lecture 4 min
Carence martiale et insuffisance cardiaque
Gérard GERTNER, Paris
La carence martiale est une des comorbidités les plus fréquentes de l’insuffisance cardiaque. Elle est présente chez un patient sur deux et impacte le pronostic de la maladie. Aussi, est-il indispensable de la dépister et de la traiter comme le préconisent les recommandations de l’ESC 2016.
Sur le plan métabolique, une faible proportion de fer alimentaire est absorbée par le duodénum. Celle-ci vient compenser les 1 à 2 mg de fer correspondant aux pertes physiologiques. Ce fer est transporté dans le sang par la transferrine et est stocké sous forme de ferritine, particulièrement dans les macrophages. L’hepcidine, enzyme clé du métabolisme du fer, agit par un mécanisme de contre-régulation en inhibant l’absorption du fer et le recyclage macrophagique du fer. Ce mécanisme permet d’expliquer qu’il peut exister une carence martiale alors que les stocks de fer sont normaux : il s’agit alors d’une carence martiale fonctionnelle. Si la carence martiale est due à une insuffisance d’apports, un défaut d’absorption ou à des pertes sanguines, il s’agit d’une carence martiale absolue.
Les actions du fer et les conséquences de la carence martiale
Indispensable à l’érythropoïèse, le fer est aussi un co-facteur enzymatique, constituant de plusieurs cytochromes. Il permet l’utilisation de l’oxygène par les enzymes de la chaîne respiratoire mitochrondriale. Aussi, la carence martiale entraîne un défaut de production d’ATP, d’où des conséquences délétères tant sur la musculature squelettique que sur le muscle cardiaque.
La carence en fer chez les patients insuffisants cardiaques est à l’origine d’une altération des fonctions inotropes et lusinotropes du cœur, d’un remodelage myocardique, mais aussi d’une altération de la composition des fibres musculaires périphériques. En conséquence, la capacité à l’exercice des patients est réduite, les performances cognitives sont altérées et la morbi-mortalité est augmentée. En cas de carence martiale, des données récentes tendraient à montrer que le niveau de saturation de la transferrine (protéine de transport du fer) est le marqueur le plus lié au mauvais pronostic de la maladie.
Des essais cliniques et des recommandations
Les recommandations de l’ESC en 2016 préconisent le dépistage de la carence martiale chez les patients insuffisants cardiaques par un dosage de la ferritine et de la saturation de la transferrine. Le traitement repose sur la supplémentation en fer par voie intraveineuse chez les patients symptomatiques avec FEVG réduite, dès lors que la ferritine est inférieure à 100 μg/L ou que la ferritine se situe entre 100 et 299 μg/L avec une saturation de la transferrine < 20 %.
Ces recommandations reposent sur les résultats de plusieurs études cliniques effectuées avec le fer injectable carboxymaltose ferrique, Ferinject®.
Des preuves cliniques chez le patient insuffisant cardiaque à fraction d’éjection réduite
L’étude FAIR-HF(1) (n = 459 patients) publiée dans le New England Journal of Medicine a démontré que le traitement par fer injectable versus placebo améliorait la qualité de vie et le périmètre de marche chez les patients insuffisants cardiaques carencés en fer, avec ou sans anémie, dès la 4e semaine après la perfusion.
De même l’étude CONFIRM-HF(2) (n = 304 patients), également randomisée, contrôlée, comparant le groupe fer injectable avec un groupe placebo, chez des patients ayant le même profil que dans l’étude FAIR-HF, a fait la démonstration de l’efficacité du fer injectable sur le test de marche de 6 minutes, au bout de 24 semaines. Par ailleurs, il a été observé une tendance à la diminution du nombre d’hospitalisations chez ces patients.
L’étude EFFECT-HF(3) (n = 172 patients) a montré chez ce même type de patients, que le fer injectable versus traitement standard (fer oral ou placebo) prévient la dégradation du pic de VO2 à l’effort, améliore le stade fonctionnel NYHA et la qualité de vie des patients.
À l’inverse, IRONOUT(4) (n = 225 patients), une étude en double insu contre placebo de fer oral (300 mg/j), a montré qu’au bout de 16 semaines de traitement, ni le pic de VO2 ni le test de marche de 6 minutes ne varient de manière significative.
Enfin, la métaanalyse de Anker(5) (n = 839 patients) a montré que l’administration de fer injectable chez ces patients était associée à une réduction significative tant des critères combinés « de récurrence d’hospitalisation cardiovasculaire et mortalité cardiovasculaire », « récidives d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et mortalité cardiovasculaire » que « hospitalisation cardiovasculaire et mortalité totale ».
En pratique
La recherche d’une carence martiale doit être systématique chez tout patient insuffisant cardiaque, car c’est une comorbidité fréquente, qu’il existe ou non une anémie, avec un pronostic défavorable sur la maladie.
La carence martiale doit s’évaluer par le dosage de ferritine et le coefficient de saturation de la transferrine. Les valeurs seuils sont : ferritine inférieure à 100 μg/L ou ferritine comprise entre 100 et 299 μg/L avec un coefficient de saturation de la transferrine < 20 %.
La correction de la carence martiale améliore la capacité à l’exercice et la qualité de vie.
Le fer injectable carboxymaltose ferrique est recommandé comme traitement de référence par les recommandations de l’ESC 2016. C’est un médicament de réserve hospitalière.
Le fer oral à 300 mg/j n’a pas montré d’effet bénéfique chez les patients insuffisants cardiaques.
D’après les communications du Pr M. Galinier (Toulouse) et du Pr A. Cohen-Solal (Paris) lors d’un symposium Vifor France dans le cadre du Congrès « Cœur, Exercice et Prévention »
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