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Insuffisance cardiaque

Publié le 31 mar 2025Lecture 9 min

Actualités en insuffisance cardiaque - Points essentiels des Journées européennes de la SFC 2025

Emmanuelle BERTHELOT, service de cardiologie, Hôpital Bicêtre, AP-HP, Université Paris-Saclay

L’insuffisance cardiaque (IC) demeure un défi majeur en cardiologie, avec une évolution constante des connaissances et des approches thérapeutiques. Cette synthèse met en lumière les principaux enseignements présentés aux Journées européennes de la Société française de cardiologie (JESFC) 2025, couvrant des aspects allant de la physiopathologie aux nouvelles stratégies de prise en charge(1).

Physiopathologie : vers une redéfinition des causes de l’IC   Les publications de l’année 2024 ont souligné l’importance de reconsidérer les causes de l’IC, en particulier à la lumière des avancées en génétique. En effet, une étude publiée dans le JAMA a révélé qu’une proportion significative de patients atteints d’IC, y compris ceux considérés comme ayant une étiologie ischémique, présentent en réalité des variants génétiques rares, notamment du gène TTN. Cette découverte suggère une base oligogénique plus fréquente qu’on ne le pensait auparavant, remettant ainsi en question la distinction classique entre causes génétiques et acquises(2). Plusieurs publications ont renforcé le lien entre maladies inflammatoires chroniques et insuffisance cardiaque comme celle publiée dans l’European Heart Journal, il a été observé que les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) présentent un risque accru de développer une IC à long terme, et ce, indépendamment du sous-type de MICI, soulignant la nécessité d’une surveillance accrue des facteurs de risque cardiovasculaires chez ces patients(3).   Comorbidités et insuffisance cardiaque   Les comorbidités jouent un rôle déterminant dans l’évolution de l’insuffisance cardiaque (IC) et influencent significativement le pronostic des patients. L’analyse du registre suédois de l’IC(4) a mis en évidence une prévalence très élevée des comorbidités dans une large cohorte de patients insuffisants cardiaques (n = 91 463). En effet, 98 % des patients présentaient au moins une comorbidité, cardiovasculaire (CV) ou non-CV, et 85 % au moins une comorbidité non-CV. L’étude révèle des disparités majeures selon la fraction d’éjection : les patients atteints d’IC à fraction d’éjection préservée (HFpEF) étaient plus âgés, plus souvent des femmes et présentaient un fardeau comorbide plus élevé que ceux en HFrEF, en particulier pour les maladies rénales chroniques, la BPCO et la démence. Douze comorbidités ont été identifiées comme des facteurs indépendants de mortalité toutes causes, parmi lesquelles la démence (HR 1,55), la maladie rénale chronique (HR 1,37) et la BPCO (HR 1,32). À l’inverse, l’obésité était paradoxalement associée à une réduction du risque de mortalité (HR 0,81), confirmant le « paradoxe de l’obésité » dans l’IC. Ces résultats plaident pour une approche intégrée du traitement de l’IC, incluant une gestion optimisée des comorbidités CV et non-CV afin d’améliorer la survie et la qualité de vie des patients (figure 1). Figure 1. Prévalence et impact des comorbidités dans l’insuffisance cardiaque – Analyse du registre suédois de l’IC (91 463 patients). Cette figure illustre l’importance des comorbidités cardiovasculaires (CV) et non cardiovasculaires (non-CV) chez les patients insuffisants cardiaques. À gauche, les diagrammes circulaires montrent que 98 % des patients présentent au moins une comorbidité, 94 % une comorbidité CV et 85 % une comorbidité non-CV.   Diagnostic et dépistage : lutter contre l’errance diagnostique   Le diagnostic précoce de l’insuffisance cardiaque (IC) reste un défi majeur, conditionnant la mise en place rapide d’un traitement optimal et la prévention des complications. L’année 2024 a été marquée par l’étude DEPIC FR, qui vise à évaluer l’efficacité d’un outil combinant un questionnaire de symptômes (EPOF) et un test NT-proBNP capillaire dans la détection de l’IC en soins primaires. Cette approche innovante pourrait améliorer l’identification précoce des patients à risque et optimiser leur prise en charge avant l’apparition de complications sévères. L’importance d’un dépistage systématique en ambulatoire est confirmée par l’étude REVOLUTION HF, menée en Suède sur plus de 5 900 patients suspectés d’IC. Les résultats montrent que 29 % des patients ayant des symptômes évocateurs et un NT-proBNP > 300 ng/L reçoivent un diagnostic d’IC dans l’année suivante, avec un taux de mortalité globale de 11,7 événements pour 100 patients-années, nettement supérieur à celui des témoins (6,5 événements). Le risque d’hospitalisation pour IC est également significativement plus élevé (12,5 vs 2,2 événements pour 100 patients-années), avec un pic dans les semaines suivant la présentation initiale(5). Ces résultats soulignent l’urgence d’une stratégie de dépistage précoce pour réduire la mortalité et la morbidité des patients en phase initiale d’IC. Les résultats à venir de l’étude DEPIC FR, couplée à une nouvelle campagne de sensibilisation par l’Assurance Maladie, pourrait transformer la détection et la prise en charge de l’IC en médecine de ville, en facilitant un accès précoce aux traitements fondés sur les recommandations internationales.   Optimisation thérapeutique dans l’HFrEF : lutter contre l’inertie et persévérer au-delà de 90 jours   En 2024, plusieurs articles ont souligné l’importance de lutter contre l’inertie thérapeutique dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (HFrEF), notamment après les résultats de l’étude STRONG-HF. L’étude de Veltman et coll.(6) met en évidence que l’amélioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) chez les patients atteints d’HFrEF de novo peut se poursuivre au-delà des 90 jours initialement considérés. En effet, une optimisation continue des traitements recommandés par les guidelines pendant au moins 180 jours est associée à une amélioration supplémentaire de la FEVG > 35 %, ce qui peut influencer positivement la prise de décision concernant la nécessité d’un défibrillateur cardioverteur implantable (DCI) en prévention primaire. Ces données soulignent l’importance d’une titration progressive et soutenue des traitements, ainsi que d’un suivi régulier pour évaluer la réponse du patient et ajuster la thérapie en conséquence.   Optimisation thérapeutique : nouvelles perspectives pour l’HFpEF   L’essai FINEARTS a évalué l’efficacité de la finérénone chez les patients atteints d’IC à FEVG modérément altérée ou préservée (FEVG ≥ 40 %). Les résultats suggèrent un bénéfice potentiel de ce médicament dans la réduction des événements cardiovasculaires, tels que les décès cardiovasculaires et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque(7). Une analyse secondaire préspécifiée de l’essai FINEARTS-HF a estimé que le traitement à long terme avec la finérénone pourrait prolonger la survie sans événements jusqu’à 3 ans chez les patients atteints d’HF avec une FEVG légèrement réduite ou préservée. Ces gains de survie sans événement ont été observés même chez les personnes déjà traitées avec un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose 2. Le sémaglutide améliore les symptômes, la capacité physique et réduit le poids chez les patients atteints d’HFpEF associée à l’obésité et au diabète de type 2(8). Une méta-analyse récente des essais SELECT, FLOW et STEP-HFpEF a inclus 3 743 patients et montré une réduction de 31 % du risque combiné de décès cardiovasculaire ou d’événements liés à l’IC sous sémaglutide (HR 0,69 ; p = 0,0045), avec un effet marqué sur la réduction des hospitalisations pour IC (-41 %, HR 0,59 ; p = 0,0019)(9). Aucun bénéfice significatif n’a été observé sur la mortalité cardiovasculaire seule. Ces résultats confirment le rôle clé du sémaglutide dans la prise en charge métabolique de l’HFpEF, en particulier chez les patients obèses, et ouvrent la voie à une approche thérapeutique innovante.   Amylose cardiaque : nouvelles perspectives avec les ARN interférents   L’amylose cardiaque à transthyrétine (ATTR-CM) est une maladie infiltrative grave, souvent sous-diagnostiquée, qui conduit à une insuffisance cardiaque restrictive. En 2024, de nouvelles avancées thérapeutiques ont émergé, notamment avec l’essai HELIOS B, qui a évalué l’efficacité du vutrisiran, un ARN interférent (ARNi), dans cette pathologie(10). L’essai HELIOS B, étude de phase III, randomisée en double aveugle, a inclus des patients atteints d’ATTR-CM confirmée et d’insuffisance cardiaque. La stratification des participants a été réalisée en fonction de plusieurs paramètres clés : la prise concomitante de tafamidis, la classe NYHA, le type d’ATTR (héréditaire ou sauvage) et l’âge. Le critère d’évaluation principal combinait la mortalité toutes causes et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (figure 2). Figure 2. Courbe de survie de l’étude HELIOS-B. Cette courbe de Kaplan-Meier démontre que le vutrisiran, un ARN interférent, améliore significativement la survie des patients atteints d’amylose cardiaque à transthyrétine (ATTR-CM), avec une divergence notable des courbes dès six mois de traitement.   Les premiers résultats indiquent que le vutrisiran pourrait ré - duire significativement la mortalité et les hospitalisations pour IC chez les patients atteints d’ATTR-CM, y compris chez ceux qui ne répondent pas de manière optimale aux stabilisateurs de TTR, tels que le tafamidis ou l’acoramidis(11). En ciblant directement la production hépatique de transthyrétine grâce à la technologie des ARNi, cette nouvelle approche thérapeutique offre des perspectives prometteuses et pourrait transformer la prise en charge de l’ATTR-CM.   Nouvelles avancées thérapeutiques dans la cardiomyopathie hypertrophique (CMH)   La prise en charge de la cardiomyopathie hypertrophique (CMH) progresse avec l’arrivée de nouvelles thérapies ciblant la contractilité myocardique, dont l’aficamten, un inhibiteur sélectif de la myosine cardiaque. Ce traitement réduit la contractilité excessive du myocarde hypertrophié, améliore le remplissage diastolique et diminue l’obstruction de la chambre de chasse du ventricule gauche (LVOT). L’essai SEQUOIA-HCM a confirmé son efficacité chez les patients atteints de CMH obstructive symptomatique, montrant une réduction significative de l’obstruction du LVOT, une amélioration de la classe NYHA et une meilleure tolérance à l’effort. La qualité de vie des patients s’est également améliorée, avec une diminution des limitations fonctionnelles liées à la maladie. Le profil de sécurité de l’aficamten est jugé favorable, avec une bonne tolérance et peu d’effets indésirables notables. Ces avancées renforcent l’importance d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge personnalisée, positionnant l’aficamten comme une option prometteuse pour améliorer la qualité de vie des patients atteints de CMH obstructive(12).   Suivi et télésurveillance : vers une prise en charge personnalisée de l’IC   La télésurveillance et le suivi régulier des patients atteints d’insuffisance cardiaque (IC) sont devenus des outils incontournables pour améliorer leur prise en charge. En permettant une détection précoce des complications et une adaptation rapide des traitements, ces stratégies optimisent le pronostic des patients. Le suivi sériel du NT-proBNP joue un rôle clé dans la stratification du risque. L’étude GUIDE-IT a montré que des mesures répétées de ce biomarqueur permettent d’anticiper les décompensations cardiaques et d’améliorer les décisions thérapeutiques, réduisant ainsi les événements cliniques(13). Parallèlement, plusieurs études confirment que la télésurveillance diminue le nombre d’hospitalisations et améliore la qualité de vie. L’étude de Roubille et coll. a démontré qu’intégrée à une prise en charge multidisciplinaire, elle réduit significativement les hospitalisations pour IC(14). L’étude de Girerd et coll. a renforcé ces résultats en soulignant l’importance d’une approche individualisée, adaptée aux besoins des patients(15). Grâce à un suivi à distance des paramètres cliniques (poids, pression artérielle, fréquence cardiaque, symptômes), la télésurveillance permet une intervention rapide en cas d’aggravation. L’intelligence artificielle (IA) ouvre également de nouvelles perspectives en affinant le diagnostic et en optimisant la prise en charge. Enfin, la vaccination pourrait jouer un rôle clé dans la prévention des complications cardiovasculaires chez les patients atteints d’IC, un enjeu émergent pour réduire la morbimortalité associée. Figure 3. Impact de la télésurveillance (TLM) sur la mortalité et les hospitalisations en insuffisance cardiaque – Étude basée sur les données du SNDS. Cette figure compare les patients insuffisants cardiaques suivis par télésurveillance (TLM) à ceux recevant les soins standards (SOC). La courbe de survie montre une réduction d’un tiers du risque de décès avec la télésurveillance (HR = 0,71 ; p = 0,010). Cependant, le taux de premières hospitalisations pour IC est plus élevé sous TLM (22,8 % vs 12,5 % ; HR = 1,81), tandis que la durée des hospitalisations est plus courte.   EN PRATIQUE   • L’année 2024 a été marquée par des avancées majeures dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, avec l’émergence de nouvelles cibles thérapeutiques, notamment en HFpEF, et une meilleure prise en compte des comorbidités. • L’optimisation de la stratification du risque grâce aux biomarqueurs et à l’intelligence artificielle permet d’anticiper les décompensations. • La télésurveillance s’impose comme un outil essentiel pour réduire les hospitalisations et améliorer la qualité de vie des patients. • Enfin, le dépistage précoce et l’amélioration de l’adhésion thérapeutique restent des enjeux clés pour une prise en charge plus efficace et personnalisée.

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