Publié le 25 oct 2024Lecture 6 min
La finérénone diminue le taux de réhospitalisations chez les insuffisants cardiaques à fraction d’éjection préservée
Jean-Sébastien HULOT, Université Paris Cité, INSERM, PARCC, Paris ; CIC1418 and DMU CARTE, AP-HP, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris
Après les inhibiteurs de SGLT2, la finérénone (un nouvel antialdostérone non stéroïdien) démontre son bénéfice chez les insuffisants cardiaques avec fraction d’éjection ≥ 40 % en réduisant l’incidence d’un critère composite combinant décès cardiovasculaire et hospitalisations ou visites urgentes liées à l’insuffisance cardiaque. C’est ce qu’a montré l’étude FINEARTS-HF dont les résultats ont été présentés en session plénière Hotline lors du congrès ESC 2024 et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine(1).
Les résultats de FINEARTS-HF
L’étude FINEARTS-HF a inclus un peu plus de 6 000 patients présentant une insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FeVG) d’au moins 40 % (moyenne à 53 %, avec 63 % des patients ayant une FeVG > 50 %), symptomatiques (69 % en classe NYHA II) et avec élévation des peptides natriurétiques. Environ 60 % de ces patients avaient un antécédent d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, 20 % de ces patients ont été inclus dans les 7 jours suivant cette hospitalisation, et 34 % entre 7 jours et 3 mois. La moyenne d’âge des patients inclus a été de 72 ans, et la proportion de femmes de 45 %, ce qui correspond aux taux observés dans les études actuelles incluant ces patients avec fraction d’éjection moyennement altérée ou préservée. Environ 40 % de ces patients présentaient une fibrillation atriale au moment de l’inclusion. Comme souvent, on observe un fort taux d’utilisation des bêtabloquants (85 %) et des bloqueurs du système rénine angiotensine aldostérone (IEC ou sartan ou ARNi : 80 %), expliqué par la très forte prévalence d’hypertension artérielle (88-90 %) chez ces patients. À l’inverse, l’étude ayant été lancée avant la démonstration de l’efficacité des inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2), la proportion de patients recevant une gliflozine n’est que de 13 %.
Les patients ont été randomisés pour recevoir une dose de finérénone adaptée à leur niveau de fonction rénale mesurée à l’inclusion ou un placebo. Le critère de jugement principal, combinant décès cardiovasculaire et événements liés à l’insuffisance cardiaque est significativement diminué chez les patients recevant la finérénone avec un Hazard ratio de 0,84 (0,74-0,95), p = 0,007, ce qui correspond à une réduction absolue de risque de 3,3 événements par patient-année. L’analyse séparée des 2 paramètres composant le critère de jugement principal montre que la finérénone réduit significativement la survenue de nouveaux événements liés à l’insuffisance cardiaque (HR 0,82 [0,71-0,94], p = 0,006) mais pas de la mortalité cardiovasculaire (HR 0,93 [0,78-1,11], p = NS) (figure 1). Il faut enfin noter que ces résultats sont concordants dans tous les sous-groupes étudiés, sans influence notable du niveau de FeVG ou bien de l’utilisation d’un iSGLT2.
Figure 1. Critères primaire et composites.
Du point de vue de la sécurité, la finérénone provoque une augmentation de la kaliémie, un effet pharmacologique connu des antialdostérone. De ce fait, la proportion de patients avec hyperkaliémie est significativement augmentée (3,0 % vs 1,4 % de patients ayant eu une kaliémie > 6 mmol/L), mais sans hyperkaliémies graves. À l’inverse, le taux d’hypokaliémie est diminué sous finérénone. Alors que les études précédentes conduites chez des patients insuffisants rénaux avaient montré un effet néphroprotecteur, il n’y a pas eu d’amélioration de la fonction rénale ou de diminution des événements rénaux chez les patients recevant la finérénone.
Comme rappelé par Teresa Mac Donagh lors de la discussion, FINEARTS-HF représente donc la première étude à démontrer statistiquement un bénéfice d’un antialdostérone chez des patients insuffisants cardiaques à fraction d’éjection modérément réduite ou préservée. On rappelle en effet que l’étude TOPCAT avec la spironolactone dans la même population de patients n’avait pas atteint la significativité sur le critère de jugement principal, de même pour le sacubitril/-valsartan dans PARADIGM-HF, ou pour les études plus anciennes ayant étudié des IEC ou sartans. On peut donc dire qu’après DELIVER (avec la dapagliflozine) et EMPERORpreserved (avec l’empagliflozine), FINEARTS-HF est la 3e étude contemporaine à reporter des résultats positifs chez les insuffisants cardiaques avec FeVG préservée et la première à démontrer l’efficacité d’un antialdostérone.
Effet classe des antialdostérones ou effet finérénone ?
Il est bien sûr très difficile de répondre à cette question puisqu’il n’y a pas eu de comparaison directe entre les anti-aldostérones stéroïdiens (spironolactone ou éplérénone) et la finérénone, mais une métaanalyse (publiée simultanément dans le Lancet(2)) conduite sur des données individuelles de l’ensemble des 4 essais ayant étudié les antialdostérones chez les patients insuffisants cardiaques permet de donner un éclairage intéressant à cette question. Outre FINEARTS-HF, cette méta-analyse a regroupé les données de TOPCAT, mais aussi RALES et EMPHASIS-HF (ayant étudié respectivement la spironolactone et l’éplérénone chez les insuffisants cardiaques à fraction d’éjection réduite), avec un total de 13 846 patients analysés.
On peut retenir trois résultats principaux. Tout d’abord, il existe une différence significative de l’amplitude d’effet selon le niveau de FeVG. Les antialdostérones ont un effet plus marqué chez les patients avec FeVG < 40 % que les patients avec FeVG > 40 %, que cela soit sur le critère combinant décès cardiovasculaire et hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR 0,66 [0,59-0,73] chez les patients FeVG < 40 %, vs HR 0.87 (0,79-0,95) chez les patients avec FeVG ≥ 40 %, p-valeur d’hétérogénéité 0,0012) ou les critères pris individuellement. On peut aussi se souvenir des résultats de la méta-analyse basée sur les essais des iSGLT2 chez les insuffisants cardiaques(3) et qui montrait un effet beaucoup plus homogène sur l’ensemble du spectre de FeVG, sans influence significative du niveau de FeVG.
Ensuite, la méta-analyse(2) confirme que l’effet significatif des antialdostérones chez les patients avec FeVG ≥ 40 % concerne la réduction des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR 0,82 [0,74-0,91], sans effet significatif sur la mortalité cardiovasculaire (HR 0,92 [0,80- 1,05]) ou la mortalité toutes causes (HR 0,94 [0,85-1,03]). Il s’agit d’un effet différent de celui observé chez les patients avec FeVG < 40 % chez qui les antialdostérones réduisent significativement non seulement les hospitalisations pour insuffisance cardiaque mais aussi la mortalité cardiovasculaire et toutes causes. Enfin, il n’y a pas de différences significatives observées entre les molécules étudiées, que cela soit sur les critères d’efficacité ou de sécurité. La surveillance de la fonction rénale et de la kaliémie reste donc de mise, même avec la finérénone.
Quelle place maintenant pour les antialdostérones et la finérénone dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque ?
Il s’agit d’une question essentielle. Les recommandations actuelles(4) donnent un grade de recommandation IA chez les patients avec FeVG < 40 %, IIb entre 40-50 % mais ne recommandaient pas l’utilisation des antialdostérones chez les patients avec FeVG > 50 %. De toute évidence, les résultats de l’étude FINEARTSHF vont faire bouger les lignes avec une probable recommandation d’usage chez les patients avec FeVG > 50 %, qui viendrait en complément des iSGLT2.
Quel sera le grade retenu ? Seul le comité des guidelines pourra le décider, mais on peut ici reporter quelques éléments complémentaires. Une comparaison des résultats observés dans les études « positives » conduites chez les insuffisants cardiaques avec FeVG > 40 % (tableau 1) montre une concordance des effets observés. Les traitements (iSGLT2 ou antialdostérone) réduisent avant tout les hospitalisations pour insuffisance cardiaque chez ces patients, sans effets sur la mortalité. FINEARTS-HF s’inscrit donc dans la continuité des résultats précédemment observés et confirme aussi qu’il s’agit d’une population d’insuffisants cardiaques plus difficiles à bien traiter. Il faut aussi se souvenir que l’essai TOPCAT(5) avait montré une réduction significative des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR 0,83 [0,69-0,99], p = 0,04), ce qui est aussi concordant, mais il s’agissait d’un critère secondaire.
Enfin, le profil de tolérance de la finérénone semble très similaire à celui attendu pour un antialdostérone, notamment sur la kaliémie et la baisse de pression artérielle. En revanche, on s’attendait à un effet néphroprotecteur de la finérénone mais qui n’est pas retrouvé dans FINEARTS-HF.
EN PRATIQUE
- La finérénone, un nouvel antialdostérone non stéroïdien, réduit significativement les événements (notamment liés à l’insuffisance cardiaque) chez les insuffisants cardiaques avec FeVG ≥ 40 %.
- Les résultats vont faire bouger les lignes en soutenant l’utilisation des antialdostérones chez ces patients, mais en gardant en mémoire les mises en garde liées à la fonction rénale et à la surveillance de la kaliémie.
Déclaration d’intérêts : l’auteur a reçu des honoraires pour activités de consultants ou pour expertise de la part des sociétés suivantes : Alnylam, Amgen, AstraZeneca, Bayer, Bioserenity, Boerhinger Ingelheim, MSD, Novartis, Novo Nordisk, Vifor Pharma.
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