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Valvulopathies

Publié le 19 juin 2012Lecture 8 min

Les 10 ans de TAVI

M. DEKER

Le 13 mai de cette année fut une grande journée pour Alain Cribier, nommé Chevalier de la Légion d’honneur, son équipe hospitalo-universitaire, l’hôpital Charles Nicolle de Rouen et tous ceux qui ont accompagné ce précurseur dans ses recherches cliniques jusqu’à la réalisation de la première implantation d’une valve aortique percutanée, le 16 avril 2002. Ce 10e anniversaire a été célébré avec émotion par le CHU de Rouen en présence de confrères français et étrangers, des ingénieurs et des partenaires ayant permis la réalisation de cette première mondiale, venus des quatre coins de la planète. L’ensemble des acteurs de l’épopée TAVI a fait revivre les prémisses du développement de la technique et les grands moments de cette première mondiale. Cette célébration est d’autant plus importante pour les promoteurs de la technique TAVI que cette dernière, qui a fait ses premiers pas à Rouen, vient d’obtenir un agrément aux États-Unis, ce qui n’est pas chose facile.

La technique du TAVI peut être considérée comme un grand succès : aujourd’hui plus de 50 000 patients dans le monde ont été implantés grâce à cette technique non chirurgicale ; on assiste à une croissance exponentielle du nombre de centres et d’investigateurs qui la pratiquent et de patients ainsi traités.   Avant le TAVI, la dilatation valvulaire aortique   L’histoire du TAVI débute en 1985 par les premières dilatations valvulaires aortiques, technique innovante à l’époque mais devenue obsolète aujourd’hui. Elle s’est poursuivie par le développement de la commissurotomie mitrale en 1999 pour aboutir en 2002, à la première valve aortique implantée par voie transcathéter, dont le développement est intimement lié aux insuffisances de la première technique interventionnelle mise au point pour traiter les rétrécissements valvulaires aortiques chez des malades récusés par les chirurgiens. Il faut, en effet rappeler qu’un tiers des patients souffrant de rétrécissement aortique calcifié ne sont pas opérables, principalement en raison de la présence de comorbidités. En l’absence de traitement alternatif à la chirurgie de remplacement valvulaire, le pronostic de ces patients est dramatique, la mortalité avoisinant les 80 % dans les 2 à 3 ans suivant l’apparition des premiers symptômes. Or, le rétrécissement aortique est une maladie très fréquente chez l’adulte, touchant 10 % des sujets de 65 à 74 ans et 30 à 40 % des plus de 80 ans. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, l’incidence de cette pathologie ne fait que croître.   C’est dans ce contexte qu’A. Cribier, en se basant sur l’expérience de la dilatation des valves pulmonaires, a tenté une première dilatation valvulaire aortique au ballonnet, en septembre 1985 au CHU de Rouen, chez une patiente récusée par les chirurgiens, intervention réussie puisque la patiente a non seulement survécu mais bénéficié d’une amélioration fonctionnelle. Cette première intervention a été suivie d’une série, publiée dans le Lancet le 11 janvier 1986, suscitant l’enthousiasme dans la communauté médicale, suivi d’une énorme expansion mondiale. Toutefois, l’enthousiasme initial a rapidement décru en raison de l’apparition rapide de resténoses dans l’année suivant la dilatation. Dès 1987 divers moyens ont été tentés pour éviter la resténose après dilatation, mais sans succès.   Une autre solution thérapeutique devait donc être mise au point.   Un autre précurseur des valves artificielles, le médecin danois Henning Rud Andersen, a réalisé en 1989 la première implantation chez l’animal d’une valve porcine enchâssée dans un stent, qu’il avait lui-même confectionné à partir d’un fil de fer. Après cette première réussie, une quarantaine d’interventions de ce type ont été réalisées et un brevet a été déposé en 1995. Toutefois, cette valve n’a jamais été implantée chez l’homme et les travaux de H.R Andersen ont été menés parallèlement à ceux d’A. Cribier sans qu’ils aient eu l’occasion de se connaître à cette époque.   De son côté, Philipp Bonhoeffer, cardiologue pédiatre, a développé une valve artificielle très originale à partir d’une veine jugulaire bovine montée sur un stent et implantée en 2000 chez un enfant souffrant d’atrésie pulmonaire. Depuis, sa technique a été reconnue et des milliers d’enfants lui doivent la vie.   Naissance du concept de TAVI   Malgré leurs résultats insuffisants d’efficacité à moyen terme, les premières expériences de dilatation aortique au ballonnet avaient montré qu’il est possible d’ouvrir un orifice aortique en refoulant la valve calcifiée et ce, quelle que soit la sévérité de la sténose. De là est née l’idée d’introduire un stent afin de maintenir la valve ouverte. Le stent étant insuffisant, il fallait y adjoindre une structure valvulaire.   La grande originalité de la technique mise au point par A. Cribier comparativement à la chirurgie valvulaire classique est qu’il n’était plus nécessaire d’enlever la valve calcifiée. Cette dernière serait utilisée comme support pour maintenir le stent en place. À cette étape du concept plusieurs questions étaient soulevées : le stent serait-il capable de maintenir la valve aortique calcifiée en ouverture ? Quelles en étaient les dimensions optimales ? Fallait-il craindre une embolisation du matériel prothétique ?   Une série d’expérimentations post mortem réalisées en 1993-94 s’est révélée cruciale pour valider le concept de stent intravalvulaire, notamment le fait que l’orifice aortique peut être totalement ouvert grâce au stent, et déterminer les dimensions idéales de la prothèse aortique. Ces dimensions ont été calculées à 14-16 mm de hauteur et 23 mm de diamètre. Et, une fois en place, le stent ne pouvait pas être délogé. Encore fallait-il déterminer quel type de valve serait souhaitable : uni, bi- ou tri-valvulaire, biologique ou non ?   Pour développer le projet, il fallait aussi trouver des financements, dans un environnement marqué par l’incrédulité et le rejet de la majorité du corps médical. Quatre années de négociations infructueuses avec de potentiels acteurs industriels, pour aboutir à monter une start-up réunissant Stanton Rowe, Stanley Rabinovitch, Alain Cribier et Martin Leon au sein de la société PVT (Percutaneous Valve Technologies), fondée en 1999, et à laquelle ARAN R&D s’est associée, apportant sa compétence en ingénierie. Grâce aux ingénieurs, les problèmes technologiques (matériaux du stent et de la valve, concept et déploiement du stent, etc.) ont pu trouver des solutions et les premières expérimentations animales ont pu être réalisées avec les prototypes. La première présentation scientifique a eu lieu lors du congrès TCT en 2000 à Washington DC. Le succès de la technique a été confirmé à Washington par R. Virmani, pathologiste de renom.   Le premier cas : un concept devenu réalité   La faisabilité du TAVI est devenue crédible pour le monde entier en avril 2002, grâce à Monsieur Eugène, premier cas, de l’équipe d’Alain Cribier et d’Hélène Eltchaninoff, à avoir bénéficié de la technique.   Ce patient âgé de 57 ans avait été transféré depuis un hôpital lillois pour une dilatation aortique de sauvetage en raison d’un rétrécissement aortique très serré (surface aortique 0,63 cm2, gradient moyen 11 mmHg, FEVG 12 %). Il était en état de choc cardiogénique avec une PA aux environs de 60-70 mmHg. Ce patient avait été récusé pour une intervention chirurgicale en raison de multiples comorbidités majeures : une artériopathie oblitérante des membres inférieurs avec notamment une ischémie subaiguë du membre inférieur droit, justiciables d’une amputation, laquelle ne pouvait être réalisée en raison de son état cardiaque ; une silicose et un cancer du poumon traité par lobectomie gauche et une pancréatite chronique.   Hospitalisé en soins intensifs dans un état dramatique, il a eu une échocardiographie qui a confirmé un rétrécissement aortique très serré sur une valve bicuspide, et une altération fonctionnelle très marquée. En outre, la situation était compliquée par la présence d’un gros caillot flottant dans le ventricule gauche, menaçant d’emboliser une artère cérébrale au cas où des manipulations de la valve aortique seraient envisagées. Autant de contre-indications à la pose d’une valve chirurgicale. L’équipe a débuté par une dilatation aortique au ballonnet (18 mm puis 20 mm), durant laquelle, le patient a fait un arrêt cardiaque. La dilatation a dû être faite par voie transseptale en raison de l’artérite. Après une amélioration transitoire, l’état du patient s’est de nouveau détérioré. Après discussion avec la société PVT et en accord avec Martin Leon, la décision de procéder à l’implantation d’une valve à été prise. Il a fallu acheminer la prothèse jusqu’à Rouen.   L’intervention a été réalisée par A. Cribier, H. Eltchaninoff et Christophe Tron, sous anesthésie locale et sédation, sans échographie transœsophagienne ni ballon de contre-pulsion. Le cathéter a été introduit par voie transseptale pour passer par la valve mitrale dans le ventricule gauche et franchir l’orifice aortique. L’introducteur (24 F) a été mis en place dans la veine fémorale gauche et l’orifice transseptal agrandi au ballonnet pour pouvoir passer la valve sertie sur un cathéter à ballonnet. La valve a été poussée dans le désilet et placée de manière optimale dans la valve native, sans obstruer les coronaires. Le cœur s’est remis à battre, il n’y avait plus de gradient à travers la valve et en quelques minutes la pression est passée de 60 à 110 mmHg. L’échographie réalisée par Fabrice Bauer a montré une récupération de la fonction ventriculaire gauche, la FE passant à 25-28 %. L’échographie transœsophagienne réalisée le lendemain de l’intervention a permis de découvrir les 3 feuillets de la valve, d’aspect sphérique, qui s’ouvraient de manière parfaitement symétrique et synchrone. Ces images, les premières au monde, ont permis de comprendre que la surface postimplantation de la valve était de 1,7 cm2.   Ce premier cas avait donc démontré la faisabilité du TAVI : les opérateurs avaient réussi à positionner le stent, la valve n’avait pas embolisé, les coronaires étaient libres, la mitrale intacte ; il n’y avait ni bloc auriculo-ventriculaire permanent ni régurgitation aortique majeure et la valve fonctionnait parfaitement. Pari gagné pour A. Cribier et son équipe, et pour tous ceux qui avaient participé à cette aventure qui devait continuer…   Et depuis 2002 ?   Depuis 10 ans, l’aventure du TAVI s’est poursuivie. En 2004, la société PVT a été acquise par Edwards Lifesciences. Une nouvelle génération de valves Edwards a été développée, dont la valve Sapien XT. Récemment, la FDA a validé la technique du TAVI chez les patients non opérables, sur la base des résultats de l’étude PARTNER réalisée avec les précédents modèles de valves mis au point par A. Cribier.   Quant à la valve Sapien XT, qui a déjà permis des améliorations notables en termes notamment de calibre du cathéter d’insertion autorisant son implantation par voie fémorale dans la grande majorité des cas, elle continue d’évoluer. Ainsi, une Sapien XT 29 mm délivrée par un système transfémoral Nova-Flex vient de recevoir le marquage CE. Ce sont ainsi 3 tailles de valves qui sont à présent disponibles pour traiter les rétrécissements aortiques, ce qui permet d’utiliser la technique par les voies d’abord transfémoral ou transapical selon les conditions du patient et ainsi de traiter de façon plus adéquate davantage de malades.    

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