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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 19 sep 2006Lecture 10 min

Heart Rhythm 2006 - Resynchronisation et ablation de la FA à l’honneur

A. LAZARUS, clinique Bizet, Paris et Clinque Val d’Or, St-Cloud

En parcourant les 343 pages d’abstracts de l’édition 2006 du Congrès de la Société nord-américaine de rythmologie qui s’est déroulé à Boston, une évidence s’impose : la resynchronisation cardiaque et l’ablation de la fibrillation auriculaire (FA) constituent les deux « poids lourds » du congrès. Les équipes à l’origine de ces deux innovations thérapeutiques étant française : voici un constat flatteur pour la « vieille Europe »...

La lecture détaillée des communications conduit à d’autres réflexions : • resynchronisation et ablation de la FA continuent d’évoluer au plan de la technique et des indications ; • les technologies de pointe, très présentes, conduisent parfois à s’interroger sur la part de l’utile et du gadget.   Resynchronisation cardiaque   FA permanente L’écrasante majorité des études cliniques réalisées jusqu’à présent a ignoré les patients en fibrillation permanente. • Leclercq a colligé 49 cas en FA avec QRS larges et montre que la resynchronisation améliore les symptômes et la qualité de vie en s’accompagnant d’un remodelage inverse ventriculaire et atrial (figure 1). Figure 1. Stimulation triple site ventriculaire chez un patient en fibrillation chronique. Gasparini rapporte également des résultats multicentriques sur 243 patients en fibrillation atriale suivis en moyenne durant 24 mois. Une meilleure survie est observée lorsqu’une ablation de la jonction auriculoventriculaire était pratiquée, peut-être en raison de la resynchronisation permanente qu’elle établit, contrairement aux patients non ablatés exposés à une compétition entre la conduction nodo-hisienne et la stimulation, avec pour corollaire une moindre resynchronisation et des cycles RR plus irréguliers. Les données du registre italien Insync appuient aussi l’intérêt de resynchroniser les patients en FA ; ces derniers (n = 157) ont une réponse clinique comparable à celles de patients en rythme sinusal (n = 795), au prix d’une mortalité plus élevée. Cette surmortalité n’est cependant pas retrouvée par Bonnano lors d’une métaanalyse des données publiées d’études randomisées de patients en FA. Il note, au contraire, une réduction de 49 % de la mortalité avec la resynchronisation.   La classe NYHA est-elle un marqueur fiable ? On peut en douter après la communication de Cleland concernant les 813 patients de l’étude CARE-HF (CArdiac REsynchronisation in Heart Failure), jugés par les médecins en classe III ou IV à l’inclusion. En se basant sur leurs symptômes, 175 de ces patients (22 %) se sont autoclassés en classe NYHA I ou II ... avec dans ce sous-groupe un bénéfice de la resynchronisation en termes de morbidité et de mortalité.   Intérêt chez les patients pauci-symptomatiques Bleeker a étudié l’intérêt potentiel de la resynchronisation chez les patients pauci-symptomatiques en comparant 50 patients en classe NYHA II à un même nombre de patients en classe III/IV. Un remodelage inverse comparable a été observé dans les deux groupes, avec une réduction des volumes ventriculaires et amélioration de la FEVG. Seuls 8 % des patients en classe NYHA II on vu leur symptômes s’aggraver.   Critères de sélection La durée de QRS est un critère historique de présélection des candidats, mais présente une corrélation imparfaite avec les anomalies mécaniques cardiaques. L’étude DESIRE rapportée par Cazeau a inclus 60 patients à QRS fins (< 120 ms) appareillés, qu’il y ait ou non une désynchronisation échographique associée, et analysés selon un critère composite de mortalité, classe NYHA et hospitalisation. La moitié se sont améliorés, majoritairement les patients présentant au moins un critère de désynchronisation échographique préopératoire (70 vs 33 %), sans que l’ECG soit utile pour distinguer les répondeurs des non-répondeurs. Chez ces patients, une optimisation fine du positionnement des sondes est probablement nécessaire. Bleeker s’est aussi intéressé aux QRS fins en comparant 33 patients à QRS < 120 ms avec un groupe de 33 patients à QRS larges, sélectionnés sur une désynchronisation intra-VG de 65 ms en Doppler tissulaire. Les patients à QRS fins ont tiré un bénéfice comparable de la resynchronisation en termes de symptômes et d’amélioration de la fonction cardiaque. Y a-t-il une limite d’âge à la resynchronisation ? Cha répond non pour la Mayo Clinic, les 59 patients de plus de 75 ans tirant le même bénéfice de la technique que les 119 plus jeunes. Visualiser l’ostium du sinus coronaire : celui-ci et ses affluents veineux, on réalise habituellement une sinographie pré- ou peropératoire. Des outils d’imagerie plus sophistiqués sont proposés dans plusieurs communications : scanner avec reconstruction 3D, fibre optique, échographie intracardiaque, navigation magnétique (stéréotaxis), afin d’améliorer le taux de succès d’implantation et de raccourcir le temps opératoire. Mead a ainsi visualisé le sinus de 59 patients au moyen d’un cathéter à fibres optiques, notant la présence d’une valve ostiale dans 57 % des cas, semi-lunaire, fenêtrée ou limitée à un simple cordage. Cette valve occupait en moyenne 34 % de la surface orificielle (maximum 95 %), avec une insertion principalement postérieure ou inférieure. Que faire si l’on échoue dans la mise en place de la sonde VG ? Diotallevi propose de réaliser alors une stimulation VD bifocale (apex et septum), avec des résultats encourageants chez 27 patients.   Patients non répondeurs Il persiste des patients non-répondeurs, par exemple par dysfonction VD sévère associée responsable d’un moindre remodelage inverse (Rordorf), ou en raison d’une cicatrice d’infarctus postéro-latéral qui, pour Bleeker, abaisse le taux de répondeurs de 81 à 14 %. Les sites de stimulation influencent aussi le résultat hémodynamique de la resynchronisation et donc la réponse clinique à la thérapie. Wilton a revu 200 dossiers et trouvé qu’un positionnement postérieur de la sonde VG prodigue une meilleure survie, la position antérieure étant la moins favorable. En se guidant sur les courbes pression-volume pour optimiser le site de la sonde VG, Kocovic note un meilleur taux de répondeurs (86 vs 65 %), une amélioration plus marquée de la fraction d’éjection (7,1 vs 4,8 %) et de la survie à un an (93 vs 88 %). Cazeau a utilisé l’échographie transthoracique peropératoire pour optimiser le site de stimulation ventriculaire droit, et en cas d’amélioration insuffisante, une seconde sonde VD était implantée formant une configuration triple site (double VD et mono VG). L’optimisation échographique a permis d’améliorer les paramètres de synchronisation cardiaque comparativement à une implantation en aveugle, et l’ajout d’une troisième sonde améliore encore le résultat par rapport à une configuration biventriculaire optimisée.   Réponse insuffisante En cas de réponse insuffisante à la stimulation biventriculaire, on peut donc imaginer multiplier les points de stimulation et délivrer une stimulation triple site. Dans l’étude TRIP-HF, 40 patients ont reçu deux sondes VG et une sonde VD, avec un taux de succès d’implantation de 85 %. Comparée à la stimulation biventriculaire, la stimulation triple site améliore de façon non significative la fraction d’éjection (12 vs 4%), mais sans bénéfice clinique détectable dans cette étude. Yoshida décrit 24 patients implantés en triple site ventriculaire (apex VD, chambre de chasse VD et paroi latérale du VG), avec une meilleure performance ventriculaire au vu de la dP/dt et du débit cardiaque en mode triple site comparativement à une configuration biventriculaire.   Dépister une détérioration hémodynamique Les patients resynchronisés sont fragiles et peuvent se dégrader, par exemple lors d’un passage en FA représentant 21 % des causes d’hospitalisation de 288 patients, selon Khan. Pouvoir dépister une détérioration hémodynamique précocement peut permettre une intervention rapide et éviter d’en arriver à une hospitalisation. Dépister une détérioration hémodynamique précocement permet une intervention rapide et évite une hospitalisation. Maurizio rapporte l’étude conjointe des paramètres de ventilation et de l’activité du patient, stockés par le stimulateur, pour prédire une insuffisance cardiaque aiguë. Avec une sensibilité/spécificité de 88/95 %, ces paramètres combinés auraient permis de diagnostiquer la dégradation hémodynamique 14 jours avant l’hospitalisation. De même, la surveillance de l’impédance intrathoracique reflète le degré de surcharge volumique pulmonaire et peut permettre de générer une alerte en cas de franchissement d’un seuil prédéterminé. Avec ce système baptisé Optivol, Schwab note une sensibilité de 63 % avec 2/3 d’alertes appropriées et 1/3 de faux positifs ayant requis une reprogrammation du seuil d’alerte. Les conclusions de Vollmann sont comparables, avec une sensibilité de 68 % et la nécessité d’individualiser le seuil d’alerte.   Stimulateur ou défibrillateur multisite ? Le débat persiste en ce qui concerne le choix de la prothèse à implanter, stimulateur ou défibrillateur multisite, ce dernier ayant la possibilité supplémentaire de traiter une arythmie ventriculaire exposant au risque de mort subite, au prix toutefois d’un surcoût immédiat, d’une plus grande complexité technique et d’un volume implanté accru. L’analyse rapportée par Uretsky des causes de décès des patients inclus dans l’étude CARE-HF est intéressante, montrant qu’un « simple » stimulateur multisite réduit non seulement la mortalité par insuffisance cardiaque (RR = 0,55) mais aussi le taux de décès subits (RR = 0,54). L’étude économique faite par Bersohn compare le coût d’un stimulateur multisite à celui d’un défibrillateur multisite. Il conclut qu’un défibrillateur coûte deux fois plus cher par vie sauvée, mais qu’avec un système de soins à enveloppe fermée un stimulateur sauverait deux fois plus de vies qu’un défibrillateur car plus de patients pourraient être traités pour un même coût total. Cette analyse n’est cependant pas tout à fait transposable chez nous, ne serait-ce que par les bases de prix retenues pour le matériel implanté, 3 à 6 fois plus élevées qu’en France ! Une sonde de défibrillation est ainsi facturée 9 500 USD et un défibrillateur multisite 29 500 USD, ce qui confirme que les États-Unis sont un marché à forte valeur ajoutée pour les industriels du secteur.   Ablation curative de la fibrillation atriale   Optimisation des cibles de l’ablation La présence de zones intraatriales à potentiels fractionnés représente une des cibles de l’ablation de la fibrillation atriale. Selon Nakagawa, elles se situent principalement en position antéro-droite, supéro-gauche et inféro-gauche de l’oreillette gauche, et ont un lien topographique fort avec les ganglions plexiques. Arruda propose d’utiliser une cartographie spectrale en temps réel en rythme sinusal pour identifier des zones fibrillatoires à traiter en complément de l’isolation des veines pulmonaires. L’ablation systématique de l’isthme cavo-tricuspidien est parfois préconisée dès lors qu’une ablation de FA est réalisée, afin d’éviter une éventuelle réintervention en cas d’apparition d’un flutter isthmique. Shah a analysé ce risque chez 176 patients et montre que la survenue d’un flutter spontané chez un patient auparavant indemne de cette arythmie est rare (2 %). Il préconise donc de ne réaliser l’ablation de l’isthme cavotricuspidien que chez les patients avec antécédent de flutter typique soutenu ou inductible par l’exploration électrophysiologique. Dans la fibrillation chronique, des lésions plus étendues et plus complexes sont réalisées. Outre la déconnexion électrique des veines pulmonaires et des brûlures linéaires intraatriales gauches, sont proposées l’ablation des zones à activité rapide/hétérogène, l’isolation du sinus coronaire et de la veine cave supérieure. L’isolation de la veine cave supérieure expose toutefois au risque de lésion phrénique droite. Selon Hocini, le sinus coronaire sur toute son étendue joue un rôle majeur dans la perpétuation de la FA chronique, justifiant son ablation électrique, par voie endocardique ou directement à l’intérieur du sinus en limitant la puissance délivrée à 25-30 W avec un cathéter irrigué. La réalisation par étapes de ces différentes lésions atriales et veineuses s’accompagne d’une efficacité croissante selon O’Neill, marquée par l’interruption de l’arythmie dans 85 % des cas sur un collectif de 97 patients.   Taux de succès et complications Le taux de succès de l’ablation curative de la FA varie selon la définition retenue pour un succès, le type de FA traitée (paroxystique ou chronique), l’expérience des centres, le nombre de procédures effectuées par patient et la technique ablative utilisée. Cheema rapporte les résultats obtenus sur 200 patients consécutifs après une seule séance d’ablation : après 19 mois, seuls 28 % sont libres de FA symptomatique, sans drogues, et 7 % sont améliorés parfois à l’aide d’un traitement antiarythmique auparavant inefficace. Une complication majeure est survenue dans 6 % des cas (embolie, tamponnade, occlusion des veines pulmonaires, lésion valvulaire mitrale, bloc AV complet, complications vasculaires). Certaines complications emboliques cérébrales peuvent être silencieuses selon Lickfett au vu d’une IRM systématique effectuée le lendemain de l’ablation. Malgré un TCA entre 250 et 350 secondes, une embolie cérébrale cliniquement muette a été notée chez 3 des 47 patients (7 %) étudiés, aucun n’ayant d’antécédent neurologique ni de thrombus visible sur l’ETO pré-procédure. Les lésions de l’œsophage constituent un autre risque de l’ablation atriale gauche, et seraient moins fréquentes avec les cathéters irrigués qu’avec les sondes d’ablation classiques, peut-être du fait d’applications de plus courte durée.   Quelle technique d’ablation ? Schweikert a testé l’ablation par un ballon laser placé à l’ostium des veines pulmonaires chez 20 patients souffrant de FA paroxystique avec un taux de succès de 75 % après 3 à 6 mois. La cryoablation, ou à l’inverse l’utilisation d’un ballon chaud (60 à 80°C) sont également proposés pour la réalisation des lésions ablatives. D’autres étudient l’utilisation de systèmes de contrôle robotisés, couplés à un scanner et à un système de cartographie tridimensionnelle (figure 2), permettant d’atteindre plus facilement les cibles anatomiques que l’on se fixe pour l’ablation. Figure 2. Cartographie tridimensionnelle (à gauche) sur laquelle sont figurés en rouge les multiples points d'ablation réalisés afin d'encercler les veines pulmonaires. Scanner intégré du massif atrial gauche (à droite). Une navigation à distance guidée par des champs magnétiques permet de la même façon de positionner plus facilement le cathéter d’ablation aux sites voulus. La recherche d’une inductibilité de la FA en fin de procédure a été proposée pour valider la qualité du geste réalisé. Sur 148 patients, Otomo retrouve une arythmie inductible dans la moitié des cas après encerclement des veines pulmonaires, mais sans valeur prédictive sur les récidives arythmiques ultérieures, faisant douter de l’intérêt de ce critère comme objectif de fin de procédure. Une analyse prospective sur 893 ablations de FA montre, en analyse multivariée, que le tabagisme et l’obésité (index de masse corporelle > 30) sont des facteurs de risque de récidive. Pour terminer, le coût de l’ablation de la FA a été comparé à celui du traitement médicamenteux selon les données économiques en vigueur au Canada. Selon ces estimations, le traitement ablatif deviendrait moins coûteux qu’une prise en charge médicamenteuse après 2,5 à 5,5 ans de suivi. Affaires à suivre !

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