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Vasculaire

Publié le 19 fév 2008Lecture 9 min

Insuffisance vertébrobasilaire : mythe ou réalité ?

H. HÉNON, Service de neurologie vasculaire, CHRU de Lille

Quatre-vingt pour cent des accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont ischémiques, 20 % touchent des régions cérébrales alimentées par la circulation postérieure. Les AVC vertébrobasilaires restent sous-diagnostiqués ou incorrectement explorés. En revanche, de nombreux symptômes comme l’instabilité, les vertiges, les pertes de connaissance sont attribués à tort à une pathologie vertébrobasilaire.

    Dans les 20 dernières années, les progrès des études cliniques et de l’imagerie ont permis de mieux connaître et comprendre les aspects cliniques, les causes et mécanismes de la pathologie ischémique vertébrobasilaire, conduisant à la disparition du concept d’insuffisance vertébrobasilaire.   Évolution des connaissances   Anatomie et vascularisation cérébrale Le cervelet et le tronc cérébral ont été décrits sur le plan anatomique au xiie siècle par Thomas Willis, et c’est à la fin du xixe siècle qu’ont été décrits les principaux syndromes thalamiques et d’atteinte du tronc cérébral. Parallèlement à l’intérêt porté à l’anatomie cérébrale, se sont développés les travaux consacrés à la vascularisation du cerveau sous l’impulsion de T. Willis, puis de Charles Foix qui décrivit les artères paramédianes et circonférentielles qui assurent la vascularisation du tronc cérébral et du cervelet.   Le mécanisme des infarctus cérébraux Vint ensuite le temps de la pathologie vasculaire et des mécanismes des infarctus cérébraux. Pendant la première moitié du xixe siècle, les termes d’encéphalomalacie et de ramollissement étaient les plus largement utilisés pour décrire les lésions observées en anatomopathologie sans référence à la cause de la lésion. Rudolf Virchow, dans la deuxième moitié du xixe siècle va montrer que les ramollissements sont la conséquence d’une occlusion artérielle et correspondent à des infarctus. Il va introduire les concepts de thrombus et d’embolie. Au XXe siècle, Charles Miller-Fisher va approfondir les connaissances sur les infarctus cérébraux et leur mécanisme, montrant que les embolies artério-artérielles sont un mécanisme important dans le développement d’infarctus cérébraux en circulation postérieure comme antérieure. En parallèle, se développent les travaux sur la physiologie de la circulation cérébrale. Derek Denny-Brown introduit le terme d’insuffisance cérébrovasculaire pour expliquer les accidents ischémiques transitoires (AIT) et la présentation parfois fluctuante des infarctus constitués, le vasospasme étant l’explication la plus populaire pour rendre compte des AIT. À la même époque, Bob Siekert et Clark Millikan rapportèrent une série de cas de patients ayant des symptômes fluctuants témoignant d’une atteinte de la fosse postérieure et introduisirent le terme d’insuffisance vertébrobasilaire qui devint rapidement très populaire des deux côtés de l’Atlantique.   L’imagerie L’artériographie À partir des années 60, l’artériographie va être largement utilisée dans les infarctus de circulation antérieure et l’endartérectomie carotidienne va se développer. Avec l’introduction du scanner et de l’échographie-Doppler, les patients ayant présenté un infarctus en circulation antérieure vont bénéficier d’explorations à la recherche d’une cause. Différents mécanismes et étiologies vont alors être décrits : athérome carotidien intra- ou extracrânien, étiologie cardioembolique et maladie des petites artères responsable des infarctus lacunaires. Le terme d’insuffisance carotidienne va disparaître. En revanche, l’artériographie était considérée à risque chez les patients présentant des signes d’atteinte de la circulation postérieure, le scanner était peu performant pour l’étude du cervelet et du tronc cérébral, les ultrasons rarement utilisés pour étudier les artères vertébrales. Le terme d’insuffisance vertébrobasilaire va de ce fait persister, les patients ayant présenté un infarctus de circulation postérieure ne bénéficiant en général pas d’explorations complémentaires et étant considérés comme souffrant d’insuffisance vertébrobasilaire. La révolution technologique Les dernières 25 années ont vu survenir une véritable révolution technique avec le développement de : - l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permettant de bien visualiser la fosse postérieure ; - l’angiographie par résonance magnétique et du Doppler transcrânien et l’amélioration des techniques ultrasonores extracrâniennes permettant une bonne exploration des patients ayant présenté un infarctus de fosse postérieure. Les techniques d’investigation à visée cardiologique se sont également développées avec l’apparition de l’échographie transœsophagienne qui a permis de visualiser l’athérome de la crosse aortique. Dès lors, le terme d’insuffisance vertébrobasilaire a disparu.   Étiologies et mécanismes des infarctus vertébrobasilaires   Étiologies Les causes d’infarctus affectant la circulation postérieure sont globalement les mêmes que celles d’infarctus affectant la circulation antérieure. Les causes les plus fréquentes sont : - les cardiopathies emboligènes à l’origine de 25 à 30 % des infarctus ; - l’athérome des gros vaisseaux (artères vertébrales intra- et extracrâniennes, tronc basilaire) à l’origine de 30 à 35 % des infarctus cérébraux ; - la lipohyalinose des artères perforantes responsable des petits infarctus profonds à l’origine de 15 % des infarctus cérébraux. Les dissections artérielles représentent chez les jeunes une cause fréquente. Les autres causes (angéites, thrombopathies, maladie de l’hémostase, etc.) sont possibles mais rares.   Mécanismes Deux mécanismes de base sont responsables de la plupart des accidents ischémiques cérébraux, les phénomènes occlusifs, le plus souvent thrombotiques et/ou emboliques, et les phénomènes primitivement hémodynamiques, soit par hypoperfusion globale (altération globale de la circulation systémique), soit par hypoperfusion focale dans le cadre d’une sténose critique ou d’une occlusion artérielle ou par phénomène de vol. Les phénomènes occusifs Dans le système vertébrobasilaire, les mécanismes des infarctus cérébraux sont le plus souvent emboliques : avec des emboles d’origine cardiaque ou des emboles artérioartériels. Un phénomène hémodynamique Les accidents d’origine hémodynamique, par hypoperfusion globale ou focale (sur sténoses serrées bilatérales des artères vertébrales, sur sténose serrée du tronc basilaire, sur sténose sous-clavière avec phénomène de vol, par compression d’une artère vertébrale par un ostéophyte, etc.) sont beaucoup plus rares et donnent parfois lieu à une présentation clinique particulière : épisodes ischémiques répétitifs, début progressif, fluctuations du déficit puis atteinte neurologique variable selon la topographie lésionnelle. Les phénomènes de vol vertébrobasilaire sont à cet égard les plus souvent incriminés car fréquemment observés. Dans les années 1960 à 1970, le traitement chirurgical était recommandé visant à rétablir un flux antérograde dans l’artère vertébrale et à faire disparaître les symptômes présumés secondaires au phénomène de vol.   Points forts   Les étiologies des infarctus vertébrobasilaires sont les mêmes que les étiologies des infarctus touchant le territoire carotidien. Les mécanismes des infarctus cérébraux vertébrobasilaires sont le plus souvent emboliques : avec des emboles d’origine cardiaque ou des emboles artério-artériels. Il est indispensable que les patients ayant présenté un accident ischémique vertébrobasilaire bénéficient de l’ensemble des examens complémentaires à visée étiologique, au même titre que les patients ayant présenté un infarctus dans le territoire carotidien.   Le vol vertébral remis en cause Des études ultérieures vont cependant amener à douter de la responsabilité des phénomènes de vol observés en artériographie puis en Doppler dans le développement des signes neurologiques. Il est en effet constaté que : - le rétablissement d’un flux antérograde n’entraîne pas systématiquement une amélioration clinique ; - les cas où il est possible de reproduire les symptômes neurologiques lors des mouvements du bras sont exceptionnels ; - l’avènement du Doppler montre que des phénomènes de vol sont très fréquemment observés chez des sujets asymptomatiques. En 1988, Hennerici et al. ont publié une étude portant sur 324 patients porteurs d’un vol vertébral diagnostiqué en Doppler (sur 25 000 patients explorés) : 64 % des sujets étaient asymptomatiques, 31 % avaient des signes neurologiques en relation avec une atteinte dans le territoire carotidien, seuls 5 % avaient des signes cliniques suggérant une atteinte vertébrobasilaire. Il n’était pas observé de corrélation entre la présentation clinique et le caractère permanent ou non du vol. Les signes neurologiques témoignant d’une atteinte hémisphérique étaient plus fréquents en cas de lésion carotidienne associée. Les signes témoignant d’une atteinte vertébrobasilaire étaient plus fréquents en cas de vol bilatéral. Les auteurs en ont conclu que, bien que les sténoses sous-clavières soient souvent associées à un flux rétrograde dans l’artère vertébrale, les manifestations cliniques secondaires au phénomène de vol et les anomalies de flux dans le tronc basilaire étaient rares. Les phénomènes de vol sont cependant un marqueur de la maladie athéromateuse avec, chez les sujets porteurs, un risque ultérieur d’accident myocardique et d’infarctus cérébral, mais le plus souvent en territoire carotidien. Les infarctus vertébrobasilaires et les manifestations cliniques contemporaines des mouvements du bras sont rares et se voient essentiellement en cas de vol vertébral bilatéral.   Insuffisance vertébrobasilaire : mythe ou réalité ? Alors que l’insuffisance vertébrobasilaire n’existe pas plus que l’insuffisance carotidienne, comment expliquer la persistance actuelle de cette terminologie ?   Points forts   Les phénomènes de vol vertébrobasilaire sont fréquemment observés en Doppler, mais sont rarement à l’origine de manifestations cliniques. Ils sont un marqueur de sévérité de la maladie athéromateuse avec un risque ultérieur d’infarctus du myocarde et d’infarctus dans le territoire carotidien.   Un diagnostic difficile Le diagnostic clinique d’accident vasculaire vertébrobasilaire est un peu plus difficile que celui des infarctus touchant la circulation antérieure. Si le diagnostic est aisé en cas de syndrome alterne ou d’hémianopsie latérale homonyme, certains tableaux peuvent être plus frustes, notamment en cas d’AIT. L’Anaes a élaboré en 2004 une classification apportant une aide au diagnostic clinique d’AIT vertébrobasilaire, en distinguant des symptômes permettant de considérer un diagnostic d’AIT vertébrobasilaire probable, et des symptômes permettant de considérer un diagnostic d’AIT vertébrobasilaire possible et des symptômes qui ne doivent pas faire évoquer un AIT vertébrobasilaire (tableau). Par ailleurs, les signes d’atteinte cérébelleuse ou vestibulaire sont plus facilement observables quand le patient est en position debout ou qu’il change de position, conduisant faussement à penser que les signes n’existent qu’en position debout et que l’hémodynamique joue un rôle dans les manifestations cliniques. Enfin, de nombreux symptômes témoignant d’atteinte circulatoire systémique, d’atteinte vestibulaire périphérique ou d’atteinte psychiatrique sont attribués à tort à une pathologie ischémique vertébrobasilaire. Il en est ainsi : - des épisodes isolés de perte d’équilibre, de vertiges et des sensations lipothymiques qui ne témoignent le plus souvent pas d’une atteinte vertébrobasilaire, même si vertige et surdité ont été rapportés en cas d’infarctus dans le territoire de l’artère cérébelleuse antérieure et inférieure, - des troubles de conscience isolés, - des drop-attacks caractérisés par une perte soudaine du tonus postural responsable d’une chute sans prodromes, survenant de manière isolée.   Pronostic Comme pour les infarctus carotidiens, le pronostic des patients ayant présenté un infarctus vertébrobasilaire dépend essentiellement de la gravité clinique initiale et de l’étiologie de l’accident vasculaire, dont dépend le risque de récidive. L’origine cardioembolique, l’athérome du tronc basilaire et l’athérome intracrânien sont classiquement associés à un mauvais pronostic. Le risque de récidive en cas d’athérome vertébral extracrânien reste mal connu, mais semble relativement faible.   Traitement Concernant les traitements, aucun essai thérapeutique dédié aux infarctus vertébrobasilaires n’est disponible. À la phase aiguë, la conduite à tenir est globalement superposable à ce qui est conseillé pour les infarctus carotidiens. Les risques et bénéfices de la thrombolyse intraveineuse et intraartérielle, comme le délai à respecter pour leur administration, restent à étudier. Les traitements de prévention secondaire sont, comme pour les infarctus touchant la circulation antérieure, à adapter à l’étiologie de l’infarctus. Aucune donnée fiable n’est actuellement disponible concernant l’éventuel intérêt de la chirurgie ou des traitements endovasculaires dans la pathologie vertébrobasilaire athéromateuse extra- ou intracrânienne.   En pratique   L’insuffisance vertébrobasilaire est un mythe, reliquat de l’histoire médicale. Les étiologies des accidents ischémiques vertébrobasilaires sont les mêmes que ceux des accidents ischémiques affectant la circulation antérieure. Le mécanisme le plus fréquemment en cause est embolique. Les accidents d’origine hémodynamique (qui pourraient le mieux rendre compte du terme d’insuffisance vertébrobasilaire) existent mais sont rares. Il est fondamental que les patients ayant présenté un accident ischémique en circulation postérieure bénéficient des mêmes investigations que les patients ayant présenté un infarctus dans le territoire carotidien, afin de recevoir le traitement de prévention secondaire le mieux adapté à l’étiologie.

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