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Explorations-Imagerie

Publié le 29 avr 2008Lecture 7 min

HTA - La promotion de l'automesure

J. BLACHER, Hôtel-Dieu, Paris

Les études d'observation et les essais d'intervention publiés ces dernières années dans le domaine de l'hypertension artérielle (HTA), ont considérablement modifié l'environnement de tout médecin s'y intéressant, qu'il soit généraliste ou spécialiste.

Les retombées pratiques les plus importantes concernent cinq points : • la mesure de la pression artérielle (PA) qui semble attirée par une force centripète hors du cabinet médical ; • les paramètres tensionnels qu’il importe de prendre en considération : la pression diastolique a laissé la place à la pression systolique, la pression pulsée tente une percée alors que la pression aortique attend en embuscade ; • la grande bataille des classes médicamenteuses antihypertensives, alors que les antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II entrent dans la cour des grands, les bêtabloquants perdent de leur superbe ; • la monothérapie initiale reste la règle, mais cette règle ne dure pas et la majorité des patients hypertendus sont maintenant soumis à plusieurs antihypertenseurs en association ; • le concept de risque cardiovasculaire global prend de l’ampleur, l’HTA devient un mode d’entrée dans la prévention cardiovasculaire et l’hypertendu va se voir prescrire, certes, des antihypertenseurs mais aussi d’autres drogues à tropisme cardiovasculaire.   La mesure de la PA   Il y a une vingtaine d'années, les quelques médecins évoquant la possibilité pour les patients de mesurer eux-mêmes leur PA, étaient considérés au mieux comme des irresponsables, au pire comme des fous. La mesure de la PA était un acte médical. Jamais les patients ne sauraient mesurer de façon précise leur PA et gérer tous ces chiffres. La situation au début du 3e millénaire n'est en aucun cas comparable. Même les plus irréductibles admettent que l'automesure peut être pratiquée par l'immense majorité des patients, même ceux peu instruits. Toutes les données de la littérature internationale concordent pour considérer qu'il existe une relation plus étroite entre les chiffres de PA mesurés par automesure et la survenue des événements cardiovasculaires morbides et mortels imputables à l’HTA, qu'entre les chiffres de PA mesurés par le médecin au cabinet médical et ces mêmes événements. Dans le cadre du diagnostic de l’HTA, l'automesure permet de dépister les HTA « blouse blanche » ne nécessitant pas l'introduction d'un traitement antihypertenseur (mais nécessitant un suivi tensionnel régulier). Dans le cadre du suivi des hypertendus, il a été clairement montré que la prise en considération de l'automesure évite des intensifications de traitement illégitimes et des non-modifications de traitement, elles aussi illégitimes, ces décisions thérapeutiques non adaptées concernent environ un quart des patients. Enfin, l'automesure permet une responsabilisation du patient et, en association à l'éducation thérapeutique, améliore probablement l'observance des traitements, jugée médiocre en matière d’HTA (comme dans de nombreuses autres maladies pauci-symptomatiques). Les recommandations françaises et internationales ne s'y trompent pas et font toutes la promotion de l'automesure à la fois en ce qui concerne le diagnostic de l’HTA et le suivi des hypertendus.   Les paramètres tensionnels Jusque dans les années 90, le paramètre tensionnel prédominant était représenté par la composante diastolique. Les hypertendus étaient inclus dans les essais thérapeutiques en fonction de la diastolique et les thérapeutiques étaient titrées en fonction de la diastolique. Cet élément est probablement une des explications du moindre bénéfice en matière de prévention coronaire dans les essais thérapeutiques réalisés à cette époque. Il est maintenant tout à fait accepté qu'après la cinquantaine ou la soixantaine, c'est la composante systolique de la PA qui est la plus étroitement associée à la survenue d'événements cardiovasculaires de type infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral. C'est aussi sur la pression artérielle systolique que devraient être prises les décisions thérapeutiques de maintien ou d'intensification des antihypertenseurs. Chez les sujets plus jeunes, la pression diastolique reste un fort prédicteur de la sévérité de l’HTA. Alors que de nombreuses études montrent que, chez les hypertendus âgés, c’est la composante pulsée qui est la plus étroitement associée au risque cardiovasculaire, il n’existe pas encore de normale clairement définie prenant en considération ce paramètre. Par ailleurs, il semblerait légitime de s’intéresser au niveau tensionnel existant dans les gros troncs artériels (aorte thoracique, carotide, aorte abdominale, artère rénale), là où les contraintes mécaniques entrent directement dans la genèse de la survenue des événements morbides. Certaines études prêtent à ces paramètres tensionnels centraux des valeurs prédictives supérieures à la pression périphérique. L'étude CAFE (Conduit Artery Function Evaluation) notamment montre que la prise en considération de la pression artérielle aortique ajoute de l'information pertinente. L’accès non invasif rapide à faible coût et en routine à ces paramètres pourrait complètement modifier notre approche clinique dans l’avenir.   Le grand jeu des 7 familles Alors que deux classes d’antihypertenseurs sont des médicaments unanimement reconnus comme des drogues de seconde intention, à savoir les antihypertenseurs d’action centrale et les alphabloquants. Cinq grandes classes médicamenteuses peuvent être utilisées pour initier la thérapeutique antihypertensive. En matière de traitement médicamenteux, en l’absence d’indication préférentielle (diabète, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, etc.), les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II), ou « sartans », ont rejoint ces dernières années la cour des grands au même niveau que les diurétiques thiazidiques, les bêtabloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou encore les antagonistes calciques. Les experts français sont peu contraignants et proposent que l’une de ces cinq classes pharmacologiques soit employée en première intention chez l’hypertendu tout venant sans accorder de préférence à l’une ou l’autre de ces classes. Le cas des bêta-bloquants mérite d’être développé Première classe avec les diurétiques thiazidiques à avoir démontré une réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire, leur utilisation en première intention est actuellement remise en question. En effet, même s’il n’existe pas à proprement parler d’effet délétère, plusieurs données de la littérature prêtent aux bêtabloquants une protection cardiovasculaire moindre que celle des autres classes d’antihypertenseurs, notamment chez les sujets âgés. L'infériorité des bêtabloquants en prévention cardiovasculaire concerne essentiellement, si ce n'est exclusivement, l'aténolol. Notons tout de même que l'efficacité des bêtabloquants n'est pas remise en cause dans les autres indications, notamment dans le postinfarctus et dans l'insuffisance cardiaque, et que les nouveaux bêtabloquants semblent avoir des propriétés physiopathologiques qui feraient que leur valeur en prévention cardiovasculaire serait supérieure à celle de l'aténolol. Les essais cliniques sont en cours de réalisation.   Monothérapie ou association Contrairement aux recommandations nord-américaines ou européennes, les experts français restent classiques, il faut : débuter le traitement antihypertenseur par une monothérapie antihypertensive ou par une bithérapie à doses faibles ayant l’autorisation de mise sur le marché dans l’HTA essentielle en première intention. Néanmoins, les études les plus récentes proposent plus souvent l'expérimentation et/ou la comparaison non pas de monothérapies antihypertensives mais de bithérapies ou même de stratégies utilisant à différentes étapes, différents médicaments. L'immense majorité des patients hypertendus devrait bénéficier d'au moins une bithérapie si l’on veut améliorer un tant soit peu le contrôle tensionnel en population, qui reste à ce jour médiocre ! Et pourtant, la majorité des enquêtes de pratique montrent que les traitements sont probablement introduits trop tardivement et trop peu d’associations sont prescrites (too little, too late). Enfin, il est maintenant unanimement admis que la part la plus importante du bénéfice lié à l'instauration des drogues antihypertensives est liée à la baisse tensionnelle elle-même.   Le concept de risque global La décision d’introduction d’une thérapeutique antihypertensive et la décision d’intensification de celle-ci sont clairement dépendantes du niveau de risque cardiovasculaire global du patient l’hypertendu. Dans le cadre de l’évaluation de ce niveau de risque, les experts français se positionnent contre l’utilisation large des échelles de risque cardiovasculaire (Framingham, Score…) et plutôt en faveur d’une simple addition des facteurs de risque cardiovasculaires associés à l’HTA. Ainsi, les autres traitements à tropisme cardiovasculaire sont recommandés chez les hypertendus, qu’ils soient en prévention secondaire ou en prévention primaire à risque « suffisant ». Chez les patients hypertendus, au-delà du traitement antihypertenseur ayant montré une réduction de l’incidence des événements cardiovasculaires imputables à l’HTA, il existe des thérapeutiques non antihypertensives entraînant un bénéfice surajouté en termes de prévention cardiovasculaire, notamment l’aspirine et les statines. L’originalité de ces résultats vient directement du concept de risque cardiovasculaire global de l’individu ; l’hypertendu est alors considéré comme un sujet à risque cardiovasculaire augmenté, ce qui motive, certes l’introduction d’une thérapeutique antihypertensive, mais doit aussi faire discuter de l’indication d’autres drogues à visée de prévention cardiovasculaire. Ce type d’approche pourrait permettre d’évaluer, dans l’avenir, d’autres drogues à tropisme cardiovasculaire chez les hypertendus (antithrombotiques, vitamines, drogue à visée de réduction pondérale, traitement hormonal substitutif de la ménopause, etc.). Enfin, l’avancée du concept de prise en charge globale modifie de façon radicale nos comportements : la réduction du risque coronaire de l’hypertendu sera, par exemple, plus fortement attribuable à l’aspirine ou à la statine, ou encore à l’arrêt du tabac qu’à la mise en place d’un traitement antihypertenseur, même efficace.   En conclusion Ces cinq dernières années ont vu des modifications importantes concernant la prise en charge des patients hypertendus. On peut tout de même formuler deux regrets : - les stratégies modernes de prise en charge de l’hypertendu font, certes appel aux antihypertenseurs, mais aussi aux mesures non médicamenteuses. Néanmoins, ces mesures non médicamenteuses sont très peu promues en pratique quotidienne. L’éducation pour la santé et les mesures de santé publique devraient être associées au colloque singulier pour espérer la mise en route de tout ou partie de ces mesures ; - il a été rapporté depuis maintenant plusieurs décennies qu'une part importante des patients traités pour hypertension artérielle n'était pas parfaitement observants quant à leur traitement médicamenteux. Cet état de fait est connu et reconnu, mais pourtant peu de recherches scientifiquement performantes lui sont consacrées et la situation n’a guère avancé ce dernier quinquennat.

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