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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 29 juin 2010Lecture 7 min

Les pacemakers et défibrillateurs en fin de vie

J-C. DAUBERT, CHU Rennes

Que faire quand un dispositif implantable, en l’occurrence un stimulateur cardiaque ou un défibrillateur, n’est plus utile, bénéfique ou désiré par le patient ? Cette question d’éthique et de droit va se poser de plus en plus souvent avec l’augmentation rapide du nombre des implantations. Elle concerne principalement les défibrillateurs dont le seul objectif est de prévenir la mort subite rythmique sans effet positif sur la qualité de vie. À l’inverse, en délivrant des chocs électriques non désirés, le défibrillateur peut altérer sévèrement la qualité de vie en fin de vie et artificiellement la maintenir.

Le problème se pose différemment pour les stimulateurs et dispositifs de resynchronisation qui, en corrigeant une bradycardie ou en améliorant la performance cardiaque, peuvent améliorer le confort de vie, y compris en phase terminale. Cette approche différenciée est largement partagée dans la communauté médicale. Dans une enquête américaine récente (AS Kelley et al, Am Heart J 2009 ; 157 : 702-8), 85 % des médecins interrogés indiquaient que désactiver la fonction de défibrillation ou la fonction de stimulation chez des patients en fin de vie ne peut être considéré comme identique ; 94 % jugent éthique la désactivation d’un défibrillateur. Le jugement était inverse pour la stimulation surtout lorsqu’elle est permanente. Mais discuter de la fin de vie de patients avec indication de défibrillateur ne peut se limiter au débat sur la désactivation d’un appareil implanté. La plupart des candidats au défibrillateur ont une cardiopathie sévère et de ce fait, un pronostic altéré. Implanter un défibrillateur à des patients dont l’espérance de vie est limitée et la qualité de vie très médiocre n’a pas grand sens et est éthiquement discutable. Les problèmes de fin de vie peuvent alors se poser à peine l’appareil implanté. Perspectives d’évolution des implantations de défibrillateurs Toutes indications (prévention secondaire et primaire) et tous types d’appareils confondus (simple, double et triple-chambre), il s’est implanté en France 140 DAI/million d’habitants en 2009 avec toutefois des disparités inter-régionales majeures et difficilement compréhensibles : le ratio entre la région la plus active et celle la moins active était de 5/1. Au total, le nombre d’implantations aura été multiplié par 3 entre 2004 et 2009. La France, longtemps qualifiée d’être à la traine, a rejoint la moyenne des pays européens. Elle reste cependant bien loin des pays leaders qui ont atteint ou dépassé le seuil des 300 implantations/million/an, l’Allemagne et les Pays-bas, mais qui ont des prévalences plus élevées de maladie coronaire, et beaucoup plus étonnant, l’Italie dont l’épidémiologie des maladies cardiovasculaires est proche de la nôtre et qui investit une part moins élevée de son PIB dans les dépenses de santé. Les priorités de santé diffèrent à l’évidence d’un pays à l’autre. Qui a raison, qui à tort ? On remarquera que les Etats-Unis, qui avaient atteint le taux considérable de 640 DAI/million/an en 2007, ont amorcé depuis une décroissance. Il est vrai que la croissance s’était faite en grande part sur des populations âgées et à fortes comorbidités. Est-il possible d’identifier les patients qui ne bénéficieront pas du DAI ? Les indications actuelles telles que recommandées dans les guidelines sont très générales et prennent peu en compte l’individu avec son état civil, son état général et ses tares. Mais une évolution se dessine vers plus de personnalisation dans l’indication. Elle est supportée par plusieurs publications récentes, à commencer la réanalyse des résultats de l’étude MADIT II (Goldenberg I. et al. J Am Coll Cardiol 2008 ; 51 : 288-96). MADIT II avait établi en 2003 les critères d’indications du DAI en prévention primaire dans le postinfarctus. Goldenberg et coll. ont étudié l’influence de l’âge et des comorbidités sur l’efficacité clinique du DAI. Cinq variables, identifiées comme prédictives du risque de mortalité dans l’ensemble de la population de l’étude, ont été prises en compte : âge > 70 ans, classe NYHA > II, insuffisance rénale définie par une azotémie > 26 mg/dl, durée QRS > 120 ms, antécédent de FA. Il apparaît que les patients avec ≥ 3 facteurs de risque ne retirent aucun bénéfice du DAI. Il en va de même pour les patients qui, à l’inverse, n’ont aucun facteur de risque. En fait, seuls les patients à risque intermédiaire (1 ou 2 facteurs) avaient une mortalité significativement réduite avec le DAI, comparée au traitement médical de référence. Malgré les limites d’une étude post-hoc, cette réanalyse suggère que des critères cliniques simples peuvent contribuer à identifier les patients trop, ou à l’inverse pas assez, malades pour bénéficier de l’implantation d’un DAI en prévention primaire. Il en est de même pour l’insuffisance cardiaque. Dans l’étude SCD-HeFT (G Bardy et al, N Engl J Med 2005 ; 352 : 225-37) qui avait établi l’intérêt du DAI seul dans l’insuffisance cardiaque systolique, l’analyse de sous-groupes montrait une réduction significative de la mortalité chez les seuls patients en classe NYHA II ; aucun bénéfice n’était observé chez les patients en classe III. Dans la même étude, une analyse secondaire dans le bras DAI (JE Poole et al, N Engl J Med 2008 ; 359 : 1009-17) avait montré que plus les patients recevaient de chocs appropriés ou inappropriés pendant le suivi, plus le risque de mortalité était élevé ; le risque relatif de décès était 8 fois plus élevé chez les patients qui avaient reçu au moins 2 chocs appropriés que chez ceux qui n’en avaient aucun. L’hypothèse d’un effet délétère de chocs répétés sur la fonction myocardique avait été discutée. Des observations voisines ont été faites dans l’étude COMPANION réalisée chez des patients insuffisants cardiaques en classe NYHA III-IV. Une analyse secondaire du bras défibrillateur (L. Saxon et al, Circulation 2006 ; 114 : 2766-72) a montré que les patients qui n’avaient reçu aucun choc électrique pendant la durée de l’étude (85 % de l’effectif total) mouraient moins et étaient moins souvent hospitalisés pour insuffisance cardiaque que ceux qui avaient reçu au moins un choc approprié. Ces observations concordantes ont conduit à relativiser les indications cliniques du DAI dans les recommandations internationales récentes (ACC/AHA/ESC 2006 : Circulation 2006 ; 114 : 1088-1132 ; ESC 2007 : Eur Heart J 2007 ; 28 ; 2297). Chacune des situations cliniques décrivant une indication de classe I-IIa est désormais accompagnée de la mention « chez des patients qui ont une espérance de vie de plus de un an avec un état fonctionnel satisfaisant ». Des décisions délicates Ainsi, prescrire et implanter un DAI reste une décision difficile qu’il ne faut pas banaliser. Elle nécessite une parfaite information du patient qui doit comprendre le but de la thérapie et ses contraintes. Il est troublant de constater que dans une enquête américaine récemment publiée, 17 % seulement des patients interrogés savaient à quoi servait leur appareil ! Initier une thérapie de défibrillation constitue pour le médecin une décision tout aussi délicate que celle de l’interrompre quand le patient implanté arrive en fin de vie. Cette question a fait l’objet de larges débats, tant en Amérique du Nord qu’en Europe au cours des 20 dernières années. Un consensus autour de quelques principes forts se dégage aujourd’hui. Le décès après inactivation ou retrait d’un dispositif de maintien de vie (life support system) qui n’est plus désiré par le patient est attribuable à l’évolution de sa pathologie et ne peut être assimilé à un acte d’euthanasie ou à un suicide médicalement assisté. La désactivation d’un DAI est autorisée par la loi. En France, la loi de protection des personnes publiée au JO du 23 Avril 2005 (legifrance.fr) précise dans son l’article L1111-10 intitulé « expression de la volonté des malades en fin de vie » que « lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l’avoir informé des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical ». Elle précise aussi (Art. L1110-5) que « les actes d’investigations ou de soins ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant pour seul effet que le maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de vie ». La demande de désactivation d’un DAI ou plus exceptionnellement d’un stimulateur revient au patient ou, en cas d’incapacité, à ses proches. Un arbre décisionnel (document EHRA/ESC) a été proposé pour assister le médecin et l’équipe soignante dans cette situation difficile. L’avis d’un comité d’éthique est requis en cas d’avis défavorable du médecin (figure). Figure. Étapes recommandées en vue de demander la désactivation d’un DAI. Pour être utile au patient, la décision de désactivation ne doit pas être trop tardive, ce qui impose une information suffisamment claire et précoce. Une enquête réalisée auprès des proches de 100 patients décédés avec un DAI (N.E. Goldstein et al, Ann Intern Med 2004 ; 141 : 835-8) a révélé que l’éventualité de désactivation n’avait été évoquée par les médecins que dans une minorité des cas, le plus souvent dans les tous derniers jours de vie. Parmi ces 100 patients, 27 allaient recevoir au moins un choc électrique pendant leur dernier mois de vie, dont 8 (30 %) dans les ultimes minutes. En pratique Une bonne compréhension de ce à quoi sert un DAI, une information sur la possibilité de désactivation en fin de vie et l’expression écrite des volontés du patient sont les meilleurs garants de décisions consensuelles et simplifiées le moment venu. Mais il est probable que tous les patients ne peuvent entendre un tel langage ! Utilisé à bon escient, le défibrillateur implantable est un merveilleux appareil. Il reste le seul traitement préventif efficace de la mort subite rythmique chez les patients à haut risque. Mais le DAI ne confère pas l’éternité et un jour, le patient implanté arrive en fin de vie, souvent par l’évolution naturelle de sa cardiopathie. Le cardiologue doit veiller à ne pas proposer cette thérapie à des patients trop malades dont l’espérance et la qualité de vie sont limitées et en fin de vie, à ne pas imposer à ses patients implantés l’inconfort d’un traitement devenu inutile et redouté.

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