publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Insuffisance cardiaque

Publié le 27 sep 2005Lecture 22 min

L'insuffisance cardiaque des syndromes coronaires aigus

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

L’existence de symptômes et/ou de signes objectifs de décompensation cardiaque représente un élément pronostique péjoratif majeur à la phase aiguë des syndromes coronaires. Une telle constatation modifie généralement profondément les modalités de prise en charge immédiate et influe sur la prescription médicamenteuse de sortie. Les formes cliniques d’insuffisances cardiaques accompagnant les syndromes coronariens aigus sont cependant multiples, répondant à des mécanismes sensiblement différents et nécessitant une prise en charge spécifique.

Insuffisance ventriculaire gauche et angor instable   Une insuffisance ventriculaire gauche reste rare La majorité des angors instables ne s’accompagnent pas de dysfonction ventriculaire. Certes, pendant l’épisode ischémique proprement dit, le territoire myocardique concerné subit une altération majeure de la relaxation diastolique, puis le plus souvent, de la fonction systolique. La plupart du temps, ce trouble localisé de la contractilité, parfaitement décelable par les techniques non-invasives notamment échographiques, ne s’accompagne ni de symptômes, ni de signes cliniques de défaillance ventriculaire gauche. Occasionnellement, lorsque le territoire concerné est très étendu ou lorsqu’une structure anatomique précise est concernée, par exemple un pilier de la valve mitrale, le patient peut ressentir simultanément douleur thoracique et dyspnée, voire constituer un tableau de subœdème pulmonaire transitoire. Cette éventualité est cependant rare. Dans les formes sévères d’angor instable avec épisodes ischémiques itératifs, la tolérance hémodynamique est également souvent bonne, le phénomène de préconditionnement ischémique, précédemment évoqué, protégeant partiellement la fonction du territoire myocardique ischémique. Dans certaines formes particulièrement sévères cependant, lorsque les épisodes ischémiques sont prolongés et récidivants à intervalle bref, c’est au contraire un phénomène de sidération myocardique qui peut s’installer, le territoire myocardique à risque restant akinétique entre deux épisodes ischémiques. Dans cette situation, relativement peu fréquente, une insuffisance ventriculaire gauche peut s’installer durablement.Malgré la réalité de ces situations de plus haute gravité, la grande majorité des syndromes de menace inauguraux de la maladie coronaire survenant généralement dans des tranches d’âge « moyennes », en tout cas non-gériatriques, ne s’accompagne pas de signe de mauvaise tolérance hémodynamique.   Chez le sujet âgé ou coronarien connu, la tolérance peut être très mauvaise Dans les syndromes de menace survenant chez les patients âgés, voire très âgés et/ou chez les patients ayant déjà derrière eux un long passé coronarien. C’est différent : en effet autant une ischémie transitoire, même concernant un territoire myocardique relativement étendu est généralement bien tolérée hémodynamiquement en l’absence d’altération préalable de la fonction ventriculaire gauche, autant la tolérance d’une souffrance myocardique transitoire même topographiquement plus limitée peut s’avérer mauvaise s’il existe déjà une altération de la fonction gauche. Il s’agit, au premier rang, des patients ayant déjà subi un ou plusieurs infarctus myocardiques et dont la fonction systolique de base est chroniquement altérée. Une souffrance ischémique avec diminution concomitente de la contractilité, d’un territoire même limité peut être très mal tolérée… Si la fonction ventriculaire gauche de base est à 65 %, 5, 10, voire même 15 % d’amputation transitoire à l’occasion des épisodes d’ischémie réversible passent généralement totalement inaperçus. Si la fonction de base est à 30 %, moyennant un traitement pharmacologique d’insuffisance cardiaque bien adapté, le patient peut ne présenter, à l’état de base, aucun symptôme de défaillance cardiaque. Il suffit par contre qu’à l’occasion d’un épisode d’angor instable, 20 ou 30 grammes de myocarde supplémentaires se mettent à dysfonctionner pour détruire le fragile équilibre adaptatif et décompenser une insuffisance ventriculaire gauche jusqu’à présent latente. Le même phénomène peut se produire lorsqu’il existe, préalablement à l’angor instable, une dysfonction diastolique du ventricule gauche. Cette situation est très fréquente chez le sujet âgé, souvent hypertendu. La tolérance hémodynamique d’un angor instable, ou a fortiori d’un infarctus sous-endocardique, même, topographiquement limitée, peut s’avérer très mauvaise. D’autres cas particuliers peuvent être constatés en pratique clinique. Il est fréquent, sur une oreillette gauche « vieillie » et soumise à la surcharge barométrique de la dysfonction diastolique du ventricule gauche, qu’une ischémie latérale ou postérieure soit le facteur déclenchant d’une fibrillation auriculaire qui, sur ce ventricule gauche peu compliant, sera volontiers très mal tolérée hémodynamiquement. Enfin, s’il existe un rétrécissement aortique antérieurement assymptomatique, éventualité également fréquente dans les 8e et 9e décennies, la survenue d’un angor instable peut entraîner une défaillance ventriculaire, surtout si la réaction hypertrophique à la sténose aortique a été importante.   Quelles conséquences pratiques peut-on tirer de toutes ces considérations physiopathologiques ?   Lorsque l’angor instable est inaugural Chez un patient d’âge moyen, l’existence de signes de dysfonction ventriculaire gauche, représente un marqueur de gravité immédiate indiscutable. Il témoigne presque constamment de lésions coronaires anatomiquement sévères. L’indication d’une coronarographie est formelle (de toute façon, elle aurait été indiquée dans la grande majorité des cas, même en l’absence de signe de défaillance gauche). Elle gagne a être réalisée rapidement ; la plupart du temps, cet examen débouchera sur une indication de revascularisation par angioplastie ou par pontage.   Lorsque les signes de défaillance gauche surviennent chez un coronarien chronique et/ou un patient âgé, voire très âgé La signification pronostique est au moins aussi inquiétante. Le mécanisme n’est bien sûr pas le même. Bien souvent, le territoire immédiatement à risque est topographiquement beaucoup moins étendu mais néanmoins « crucial », car responsable de la décompensation d’une situation hémodynamique antérieurement équilibré. La revascularisation urgente du territoire menacé est en théorie toujours souhaitable. En pratique, les prises de décisions sont parfois plus complexes sur ce terrain : • l’existence fréquente dans ce contexte de comorbidité lourde, peut amener à une discussion critique du rapport bénéfice/risque d’une approche invasive. • lorsqu’on retient l’indication d’une coronarographie, l’interprétation des résultats de cet examen n’est pas toujours simple. Parfois un électrocardiogramme per critique a pu être recueilli permettant de localiser avec une précision raisonnable le territoire à risque ; lorsqu’il existe à la coronarographie une sténose serrée commandant le territoire myocardique correspondant, la prise de décision est simple s’il n’y a toutefois pas de difficulté technique à l’angioplastie. Souvent la situation est moins limpide. Plus on avance en âge et en ancienneté de maladie coronaire, plus il est vraisemblable de retrouver à la coronarographie des lésions tritronculaires diffuses. - L’interprétation de l’électrocardiogramme n’est pas toujours évidente. Seule une minorité de patients a pu bénéficier du recueil d’un électrocardiogramme per critique. Même dans ce cas, l’interprétation n’est pas facile sur ce terrain en raison de la présence fréquente de séquelles de nécrose transmurale ou de troubles conductifs notamment bloc de branche gauche. Parfois l’aspect angiographique d’une sténose coronaire, irrégulière anfractueuse, a fortiori siège d’une thrombose endoluminale, représente un aveu de « culpabilité », guidant à coup sûr l’indication d’une angioplastie. Bien souvent, il est difficile, face à des lésions diffuses, d’identifier la sténose coupable. Dans cette éventualité difficile, deux situations différentes doivent à nouveaux être envisagées. - Une revascularisation complète est possible et souhaitable compte-tenu de la sévérité anatomique des lésions ; si l’état général du patient le permet, cette revascularisation complète dispensera de la nécessité impérieuse de déterminer laquelle des sténoses a été coupable du syndrome coronaire aigu récent. Si une telle revascularisation complète n’est pas raisonnable, compte-tenu de l’âge et des comorbidités ou compte-tenu de la médiocrité du lit d’aval, la prise de décision peut devenir très difficile. Le simple renforcement du traitement médicamenteux est parfois la bonne réponse, surtout si le patient ne bénéficiait pas antérieurement d’une approche pharmacologique optimisée. - Dans certains cas cependant, soit du fait de la sévérité du tableau clinique, soit en raison de l’absence de marge de manœuvre pharmacologique, la décision d’une revascularisation partielle devra être retenue. L’analyse fine de l’état anatomique et fonctionnel du myocarde par les techniques échographiques, scintigraphiques, voire dans certain cas IRM, pourra représenter une aide précieuse à une prise de décision toujours difficile et comportant sa part d’aléas.   L’insuffisance cardiaque de l’infarctus transmural du ventricule gauche   Mécanismes L’apparition d’une dysfonction ventriculaire gauche cliniquement patente en phase aiguë d’infarctus peut correspondre à deux mécanismes bien différents. - Lorsque l’infarctus est inaugural, il existe une raisonnable proportionnalité entre l’étendue des dégâts myocardiques et la sévérité de la défaillance ventriculaire gauche. Par contre, lorsqu’il s’agit d’un infarctus récidivé et/ou lorsqu’il existe une cardiopathie associée, éventualité fréquente chez le sujet âgé, un « petit » infarctus peut être responsable d’une défaillance cardiaque (figure 1 A et B), voire d’un choc cardiogénique. Toutes les considérations physiopathologiques et diagnostiques que nous venons d’envisager pour l’angor instable s’appliquent de la même façon à l’infarctus du myocarde. Dans ce cas de figure, le « sauvetage » de 10, 20 ou 30 g de myocarde en cours de nécrose peut s’avérer aussi précieux pour la sauvegarde du pronostic vital immédiat que la reperfusion, chez un sujet indemne d’antécédent cardiologique, d’une IVA proximale. - L’existence de signes de mauvaise tolérance hémodynamique est donc hautement incitative à une prise en charge agressive et invasive, qu’il s’agisse d’un infarctus inaugural ou d’un infarctus récidivé. Pour ce deuxième cas de figure, la plus grande fréquence des comorbidités graves ou la notion, sur une coronarographie ancienne, d’un lit d’aval de mauvaise qualité peut tempérer les ardeurs thérapeutiques. Figure 1. A. Infarctus antéro-apical avec œdème pulmonaire. Occlusion brutale IVA moyenne. B. Désocclusion par angioplastie. L’infarctus inaugural C’est le cas de figure plus simple. Le retentissement de l’infarctus sur la fonction ventriculaire gauche comporte : • une altération de la fonction diastolique concernant le territoire en cours de nécrose mais débordant souvent assez largement sur les territoires adjacents ; • le territoire en cours de nécrose est bien entendu akinétique ; lorsque la nécrose est de topographie antérieure ou apicale, l’évolution de l’akinésie vers la dyskinésie avec expansion systolique paradoxale est une éventualité relativement fréquente et parfois précoce ; • il existe souvent, surtout lorsque l’infarctus est de topographie antérieure ou antéro-apicale une hyperkinésie compensatrice des segments non nécrosés (figure 2 A et B), notamment antérolatéral et antérobasal. Cette hyperkinésie compensatrice de mécanisme adrénergique, probablement cruciale au maintien d’un équilibre hémodynamique dans les premières minutes à premières heures de la nécrose aura tendance à se dissiper en quelques dizaines d’heures ; • lorsque l’infarctus bénéficie d’une reperfusion précoce, le territoire « sauvé » restera le plus souvent encore akinétique pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, le temps que se dissipe le phénomène de sidération. Figure 2. A. Infarctus antérieur étendu : ventriculographie gauche en diastole. B. Infarctus antérieur étendu. Ventriculographie gauche en systole. Akinésie totale de la zone infarcie. Hyperkinésie compensatrice des segments antéro et inféro-basaux. L’évaluation de la fonction gauche à la phase aiguë peut s’avérer relativement complexe - Parfois, notamment dans les petites nécroses, c’est la dysfonction diastolique qui est la plus directement corrélée avec l’état hémodynamique et clinique. - À la phase aiguë d’une nécrose antérieure, l’évaluation globale de la fonction gauche est difficile à interpréter car il s’agit de la résultante de l’akinésie (voire de la dyskinésie) du territoire nécrosé et de l’hyperkinésie compensatrice du myocarde restant. - Enfin, lorsque l’infarctus a été efficacement reperfusé, plusieurs jours et parfois plusieurs semaines sont nécessaires avant de pouvoir faire un état des lieux précis.Une tentative de corrélation entre le pourcentage de ventricule gauche nécrosé et le retentissement hémodynamique donne les résultats suivants : • entre 8 et 15 % de destruction du ventricule gauche : il peut y avoir élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche principalement par dysfonction diastolique ; • entre 15 et 25 % de destruction du ventricule gauche : les pressions de remplissage sont constamment élevées ; la fraction d’éjection ventriculaire gauche est constamment abaissée ; en l’absence de cardiopathie prééxistante, il n’y a pas toujours de retentissement clinique ; • au-delà de 25 % de destruction du muscle cardiaque : il est rare de ne pas constater de symptômes de défaillance ventriculaire gauche aiguë ; • à partir de 40 % de destruction : le choc cardiogénique devient inévitable ; en dehors d’une reperfusion très précoce, le pronostic est des plus sombre.   Traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë de l’infarctus ventriculaire gauche inaugural Nous ne ferons qu’en définir les principes. Plus la tolérance hémodynamique est mauvaise, plus il est urgent de tenter une thérapeutique de reperfusion.   Reperfusion L’administration de thrombolytiques représente bien sûr la réponse pertinente lorsque le délai d’acheminement vers un centre disposant de capacité de cardiologie interventionnelle 24/24 h est trop long. Cela dit, plus la tolérance hémodynamique d’un infarctus inaugural est mauvaise, plus l’angioplastie primaire présente d’intérêt. Son taux de succès de reperfusion > 90, voire 95 % est dans ce contexte particulièrement précieux ; la pratique d’une coronarographie immédiate permet un bilan lésionnel exhaustif. Dans certaines situations, il est vrai, minoritaires, il peut être judicieux pour sauvegarder au mieux le pronostic immédiat, de désocclure l’artère coupable de la nécrose mais également de traiter dans la même séance une autre sténose critique commandant un territoire myocardique important. Il ne s’agit pas de préconiser la revascularisation complète à la phase aiguë de tous les infarctus hémodynamiquement mal tolérés, mais, au cas par cas, en fonction de l’anatomie coronaire et du profil hémodynamique, une telle décision peut s’avérer nécessaire. L’approche invasive immédiate permet également une évaluation de la fonction ventriculaire gauche et facilite la mise en place, dans les cas les plus graves, d’une assistance circulatoire par contre-pulsion aortique. Il est fondamental en effet de ne pas perdre de vue que le seul traitement véritablement efficace d’une insuffisance ventriculaire gauche aiguë et notamment du choc cardiogénique est bien sûr la limitation de la taille de l’infarctus par reperfusion. Cette reperfusion devra être urgente sans perdre trop de temps à « équilibrer » le patient avant de l’amener en salle de coronarographie.   La contrepulsion garde de précieuses indications Lorsque l’on a la chance d’intervenir précocement sur un infarctus inaugural très mal toléré, il n’est généralement pas judicieux de perdre de précieuses dizaines de minutes à attendre que soient efficaces le furosémide et la trinitrine intraveineuse. Mieux vaut dans ce cas, lorsque l’œdème pulmonaire est grave, sédater le patient, démarrer une ventilation assistée, mettre en place une contre-pulsion aortique dès le début de la procédure mais ne pas différer le geste réellement salvateur qui est la reperfusion coronaire. Lorsque, pour des raisons d’éloignement, la décision d’un traitement thrombolytique a été retenue, la présence de signes de défaillance du ventricule gauche rend encore plus incontournable la réalisation d’une coronarographie de contrôle, afin de s’assurer de la réalité de la reperfusion et, bien souvent, de compléter la thrombolyse par une angioplastie. Le traitement médicamenteux de l’insuffisance cardiaque de l’infarctus du myocarde n’a aucune originalité reposant sur l’oxygénothérapie, les dérivés nitrés intraveineux à posologie adaptée aux cas par cas et les diurétiques. Le recours aux inotropes positifs est parfois incontournable mais doit être, du fait de la dépense en oxygène et du risque rythmique, aussi parcimonieux que possible tant en ce qui concerne les posologies (généralement de dobutamine) utilisées, que de la durée de perfusion. Dans le contexte de la défaillance ventriculaire gauche aiguë de l’infarctus, l’assistance circulatoire par contre-pulsion garde de précieuses indications. Il s’agit certes d’un geste lourd dont le risque iatrogène n’est pas négligeable. Installée par voie percutanée par une équipe entraînée avec le matériel actuel optimisé, le rapport bénéfice/risque de cette technique est cependant généralement très favorable à la condition que la durée de contre-pulsion n’excède pas 48 à 72 h. Cette méthode d’assistance, à la fois efficace hémodynamiquement et économe en énergie, permet souvent de passer le cap des premiers jours, le temps que se mettent en œuvre les premiers mécanismes adaptatifs et que commence à se dissiper la sidération du territoire myocardique fraîchement reperfusé.   L’assistance circulatoire Les thérapeutiques de l’insuffisance cardiaque aiguë et du choc cardiogénique sont les mêmes ou presque, ces deux entités cliniques n’étant que des expressions de gravité croissante du même phénomène de défaillance aiguë de la pompe ventriculaire gauche. C’est bien entendu le choc cardiogénique dont le pronostic est le plus sombre. Chez certains patients jeunes, sans stigmate d’atteinte athéromateuse sévère d’autres territoires vasculaires peut se discuter l’instauration de techniques d’assistance « chirurgicale » dans l’attente d’une éventuelle transplantation cardiaque. Il s’agit toujours de décisions difficiles tant au plan médical qu’éthique, les succès de ces prises en charge « poids lourds » sont cependant de moins en moins rares.   Le cas particulier de l’infarctus du ventricule droit Il s’agit en fait de l’extension ventriculaire droite d’un infarctus de la face postérieure ou postérolatérale du ventricule gauche. Il en résulte un trouble aigu de la compliance du ventricule droit pouvant être responsable d’un tableau de défaillance droite sévère hypothéquant le pronostic vital. Avant l’ère de la reperfusion coronaire, la mortalité intrahospitalière de l’infarctus inférieur non-compliqué d’extension droite était de 2,5 % ; en cas d’extension ventriculaire droite avec retentissement hémodynamique, ce chiffre de mortalité était multiplié par 10 pour atteindre 25 %.   Une dysfoncion diastolique L’ischémie aiguë profonde du ventricule droit entraîne donc une dysfonction diastolique avec en amont apparition de signes d’engorgement de la circulation veineuse systémique (turgescence jugulaire, foie cardiaque) et en aval, suite au défaut de remplissage du ventricule droit, un effondrement du débit cardiaque pouvant aller jusqu’à l’état de choc. Le tableau clinique associe : signes droits, absence de signe gauche (poumons clairs) et hypotension artérielle systémique pouvant aller jusqu’à l’état de choc patent.   Le diagnostic Rappelons les principaux éléments du diagnostic : présence d’un sus-décalage en V3R, V4R, en plus des signes électriques habituels de la nécrose postéro-inférieure, ventricule droit, dilaté et figé à l’échographie. Les autres techniques d’imagerie du ventricule droit notamment isotopiques et IRM ne sont guère utilisés dans ce contexte d’urgence où le diagnostic est au demeurant le plus souvent relativement simple. - sus-décalage en V3R, V4R, - nécrose postéro-inférieure, - ventricule droit dilaté et figé à l’échographie.   Une occlusion très proximale de la coronaire droite L’extension ventriculaire droite correspond généralement à une occlusion très proximale de la coronaire droite, en amont des branches nourricières du ventricule droit. Le traitement électif est la reperfusion la plus précoce possible, par angioplastie primaire chaque fois que l’organisation locale du système de soin le permet. En cas de nécrose ventriculaire droite mal tolérée hémodynamiquement, l’indication d’une désocclusion coronaire est impérative, quasiment sans limite d’âge… (figure 3 A et B). Dans la majorité des cas, la désocclusion coronaire s’accompagne d’une dissipation rapide, parfois même quasi instantanée, des signes de défaillance ventriculaire droite aiguë. L’identification très rapide d’une extension ventriculaire droite est lourde de retombées pratiques. Elle permet de bien préciser le caractère impératif et urgent de la désocclusion coronaire et de sécuriser la période d’acheminement du patient vers un centre spécialisé : • d’abord en évitant farouchement toute administration de dérivés nitrés ; la vasodilatation veineuse qu’induit cette classe pharmacologique serait catastrophique dans ce contexte réduisant encore un remplissage ventriculaire droit déjà profondément altéré ; • le traitement comporte au contraire le maintien de la précharge (voire son augmentation prudente par perfusion de macromolécules) et l’accélération de la fréquence cardiaque lorsqu’elle est lente par administration d’atropine s’il existe, éventualité fréquente dans ce contexte, une hypertonie vagale ou par perfusion de dobutamine. Il ne s’agit cependant que de mesures d’accompagnement, la thérapeutique centrale étant la reperfusion coronaire.   Figure 3. A. Infarctus inférieur avec extension au ventricule droit. Occlusion proximale de la coronaire droite en amont de toutes les branches à destiné ventriculaire droite. B. Désocclusion par angioplastie. Reperfusion du ventricule droit. Dissipation rapide des signes circulatoires. Quelques questions que vous vous êtes peut-être posées ?   Si un coronarien bêtabloqué de longue date développe une insuffisance cardiaque symptomatique faut-il changer de molécules ? Il s’agit d’une éventualité relativement fréquente ; le traitement par un bêtabloquant a pu être instauré une ou deux décennies auparavant pour un angor chronique stable ou au décours d’un syndrome coronarien aigu avec altération modérée de la fonction ventriculaire gauche. Ces patients bêtabloqués de longue date reçoivent généralement des molécules « anciennes » dont la plupart part n’a pas bénéficié d’une évaluation systématique dans l’insuffisance cardiaque. L’apparition, à un stade évolutif beaucoup plus avancé de la coronaropathie, de symptômes de défaillance ventriculaire gauche impose-t-elle un changement de molécule au bénéfice d’un bêtabloquant plus récent spécifiquement validé dans l’insuffisance cardiaque tels le carvedilol ou le bisoprol ? Je proposerai le maintien du traitement bêtabloquant prescrit de longue date, bien toléré et « adopté » par le patient. L’apparition de symptôme d’insuffisance cardiaque impose l’alourdissement du traitement médicamenteux avec introduction, s’il n’était déjà prescrit, d’IEC, de diurétique et éventuellement de spironolactone. Cette aggravation symptomatique peut également faire discuter un bilan invasif dans une optique de revascularisation. L’effet bénéfique des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque semble principalement, sinon quasi exclusivement, lié aux blocage bêtaadrénergique lui-même. Il peut exister quelques arguments en faveur d’une légère supériorité d’une molécule par rapport à une autre mais ne paraissant pas suffisants pour changer, au milieu du gué, face à une difficulté, un cheval qui s’était avéré fidèle et performant pendant de très nombreuses années ! En revanche, s’il s’agit d’initier un traitement bêtabloquant chez un coronarien en insuffisance cardiaque, la préférence doit être donnée aux molécules ayant bénéficié d’une évaluation spécifique en la matière.   L’apparition de symptômes d’insuffisance cardiaque chez un coronarien chronique doit-elle faire interrompre un traitement inhibiteur calcique prescrit de longue date ? La réponse à cette question, elle aussi fréquemment rencontrée en pratique, est le plus souvent oui. Deux éventualités doivent cependant être distinguées : • si le patient reçoit une molécule bradycardisante diltaziem ou verapamil et s’il développe une insuffisance cardiaque patente, il y a effectivement nécessité d’interrompre le traitement qui deviendrait délétère dans cette nouvelle situation clinique. Il convient de s’interroger rétrospectivement sur l’indication initiale du traitement anticalcique bradycardisant plutôt que d’un bêtabloquant. Parfois il existait une authentique contre-indication aux bêtabloquants, tel un asthme, ou un effet indésirable majeur et insurmontable. Bien souvent en reprenant l’observation du patient, la contre-indication au bêtabloquant n’était que relative, voire très relative. N’oublions pas à quel point le corps médical a été initialement timoré dans la prescription et le maniement de cette classe pharmacologique. C’était souvent précisément l’existence d’une dysfonction ventriculaire gauche, par exemple après un infarctus relativement étendu, qui avait amené à renoncer au blocage bêtaadrénergique alors que l’on sait maintenant qu’il s’agit au contraire d’une indication majeure et obligatoire. Parfois la contre-indication invoquée n’était que très théorique ; antécédent d’ulcère digestif, artériopathie des membres inférieurs… Parfois enfin, l’effet indésirable ayant amené à l’arrêt du bêtabloquant et au passage à un anticalcique bradycardisant n’était que peu spécifique : asthénie, vague trouble du sommeil, diminution des capacités érectiles… Parfois enfin, la contre-indication était réelle mais surmontable comme par exemple les dysfonctions sinusales ou les troubles de la conduction auriculo-ventriculaire. Bien souvent, il est donc possible de tenter l’introduction de votre bêtabloquant en privilégiant les molécules validées dans le traitement de l’insuffisance cardiaque et en ayant recours à des posologies très lentement progressives. Dans certains cas, l’implantation d’un pacemaker, la prescription raisonnée d’un correcteur des troubles érectiles permettra de mettre effectivement en route le traitement. - Si le patient recevait un anticalcique dihydropyridinique, celui-ci était souvent coprescrit avec un bêtabloquant s’il s’agit d’une dihydropyridine de première génération type nifédipine ; il est effectivement préférable d’interrompre le traitement, et si besoin, de le remplacer par un autre antiangineux de la famille des nitrés, la molsidomine ou du nicorandil. - Si le patient recevait une dihydropyridine plus récente et notamment l’amlodipine, il n’y a pas de raison d’interrompre le traitement puisque la sécurité d’utilisation de cette molécule a été établie chez les patients porteurs d’une altération franche de la fonction gauche. Il convient cependant de revenir sur l’indication initiale de l’amlodipine. S’il s’agit de contribuer au contrôle d’un angor, il est parfaitement logique de poursuivre le traitement. Si la molécule était prescrite à visée purement antihypertensive, l’apparition de symptômes d’insuffisance cardiaque peut faire donner la préférence à d’autres catégories d’antihypertenseur notamment inhibiteur de l’enzyme de conversion.   Comment interpréter la découverte d’un athérome coronaire non sténosant dans le bilan d’une cardiomyopathie dilatée d’allure primitive ? Le bilan initial d’une cardiomyopathie dilatée non valvulaire comporte une coronarographie. Parfois, même en l’absence de symptôme d’angor ou de trouble localisé de la cinétique segmentaire, l’insuffisance cardiaque est belle et bien due à l’existence d’une maladie coronaire, généralement tritronculaire. Parfois, s’il existe une viabilité myocardique significative, la revascularisation est susceptible d’améliorer la fonction ventriculaire gauche. Ces coronarographies systématiques sont assez souvent strictement normales. Parfois, notamment chez les sujets plus âgés, la coronarographie objective des lésions athéromateuses éventuellement diffuses sans qu’une sténose n’atteigne le seuil de significativité hémodynamique. S’agit-il d’une découverte fortuite, d’une coïncidence, d’autant plus vraisemblable que le patient est plus âgé, que la prévalence de la maladie coronaire est donc plus élevée ? Peut-il au contraire y avoir un lien de cause à effet entre cet athérome non-sténosant et la dysfonction ventriculaire gauche ? C’est une éventualité également possible mais probablement plus rare si la dysfonction ventriculaire gauche est strictement homogène. En cas de doute, ces techniques scintigraphiques et l’IRM éventuellement couplée à l’injection de gadolinium permettent de faire la différence entre un myocarde dont la fonction gauche est primitivement altérée et les séquelles de l’ischémie myocardique. Si on a tout lieu de penser à une simple coïncidence, la mise en route d’un traitement par aspirine et statine n’en reste pas moins utile. Les conséquences de la rupture d’une plaque athéromateuse non-serrée sur un myocarde déjà défaillant du fait de la cardiomyopathie peuvent être particulièrement délétères. L’existence d’un athérome diffus et non-sténosant altère les capacités de vasodilatation à la médiation endothéliale ; cette diminution de la réserve coronaire est particulièrement mal venue sur ce myocarde dilaté défaillant dont la masse est le plus souvent franchement augmentée. La prescription d’une statine est susceptible à la fois de ralentir la progression lésionnelle et de restaurer, au moins partiellement, la vasodilatation à médiation endothéliale.   Quelle est la nature de la dysfonction ventriculaire gauche observée dans le syndrome de Tako-tsubo ? Il s’agit d’une pathologie récemment décrite, à juste titre, « dans l’air du temps ». Rappelons que nos collègues cardiologues japonais ont individualisé une forme clinique de syndrome coronaire aigu survenant électivement chez la femme âgée au décours d’un stress organique ou psychologique. Il s’agit d’un tableau clinique d’infarctus, parfois hémodynamiquement mal toléré, s’accompagnant paradoxalement d’un mouvement enzymatique très modeste contrastant avec une altération majeure de la fonction ventriculaire gauche, réalisant un aspect de quasi-dyskinésie de l’apex. La coronarographie est normale ou n’objective que des lésions athéromateuses non-sténosantes. Fait fondamental, alors même que la tolérance clinique de la dysfonction ventriculaire gauche est souvent mauvaise en phase aiguë, hypothéquant le pronostic vital, l’évolution se fait ensuite, en dehors de toute thérapeutique spécifique, vers une récupération progressive en quelques semaines à quelques mois de la contractilité. La physiopathologie de cette entité nouvelle reste mystérieuse : • conséquence myocardique d’une hyperadrénergie majeure ? • rupture avec thrombose et reperfusion spontanée d’une plaque non-significative de l’IVA ? • forme particulière de l’angor vasospastique ? Aucun de ces trois mécanismes n’a été indiscutablement validé. Par contre, la réponse myocardique présente toutes les caractéristiques d’une sidération avec conservation de l’intégrité anatomique des cellules concernées. Par exemple en IRM, lors de l’injection de gadolinium, il n’y a pas de passage du produit de contraste dans la paroi myocardique concernée, ce qui confirme l’intégrité de la microcirculation et, par déduction, la très probable intégrité ou quasi-intégrité des cellules myocardiques.   Comment « gérer » un rétrécissement aortique chez un patient porteur d’une séquelle significative d’infarctus myocardique ? Il s’agit d’une situation de plus en plus banale. Le patient a subi un infarctus myocardique conséquent vers 55-60 ans, dont l’évolution a été finalement favorable moyennant une amputation chronique de la fonction ventriculaire gauche. Dix à 20 ans plus tard apparaît un rétrécissement aortique dégénératif type Mönckeberg. Les critères de rétrécissement aortique « serré » et notamment les critères écho-Doppler s’appliquent-ils à ce cas de figure ? La littérature est particulièrement pauvre, voire même ascétique en la matière… L’interrelation ventricule gauche/ obstacle aortique éjectionnel n’est pas la même selon que la fonction ventriculaire gauche est le reflet direct et exclusif de l’obstacle aortique ou que la fonction ventriculaire gauche ait été préalablement amputée par une toute autre maladie : la séquelle d’un infarctus. La prise de décision est parfois d’autant plus difficile que certains symptômes, l’angor et la dyspnée d’effort sont potentiellement imputables aussi bien au rétrécissement aortique qu’à la coronaropathie. Si des symptômes d’insuffisance cardiaque validée par les examens complémentaires usuels apparaissent et s’il n’y a pas d’argument pour une évolutivité récente de la maladie coronaire, l’indication à un remplacement valvulaire aortique est le plus souvent raisonnable. La prise de décision peut être parfois délicate, notamment si le patient a antérieurement bénéficié d’un pontage aorto-coronaire, à une époque où sa valve aortique était encore normale. Une chirurgie redux, surtout s’il y a eu pontage mammaire, peut être techniquement difficile.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 67

Vidéo sur le même thème